Death - Spiritual Healing

Chronique CD album (43:21)

chronique Death - Spiritual Healing

Généralement considéré comme un album charnière entre la Zombie Party de l’ère « Scream Bloody Gore » / « Leprosy » et le Vahlala technico-mélodique de la période post-« Human », « Spiritual Healing » garde en effet un pied solidement ancré dans chacune des deux époques-clés de la discographie de Death – pour peu que l'on aborde celle-ci avec cette approche bicéphale un peu simpliste. On garde donc Ed. Repka aux commandes de la charte graphique et Scott Burns derrière les manettes de la chape de son, mais par contre on boute les goules décharnées hors du champs lexical, celui-ci se voyant désormais occupé par des questions plus sociétales – au premier plan desquelles les manipulations génétiques, l'avortement, les tromperies médiatico-religieuses et les joies de la grossesse sponsorisée par le cartel de Medellin … D'un côté on continue avec la team historique des bûcherons Terry Butler et Bill Andrew, et de l'autre on rafraîchit les rangs avec le prolixe James Murphy, mercenaire shredder en devenir (chez ObituaryTestament, Konkrah...) mais surtout renvoyeur de balle d'exception qui va contribuer à faire de ce 3e album une formidable partie de ping-pong lead entre Chuck et lui.

 

Mais reprenons le fil des tribulations des Schuldiner's Angels au pays du gros son. Rick Rozz out, Death se retrouve pour un temps à tourner avec Paul Masvidal (pilier de Cynic, et futur membre officiel du line-up), puis intégra donc le sieur Murphy évoqué pas plus tard que dans le paragraphe précédent. Les quatre compères passèrent alors 6 semaines enfermés ensemble, passant leur temps entre les désormais célèbres Morrisound Studios et la chambre unique – et donc partagée – d’un motel... Je vous passe les détails, moquettes jonchées de canettes vides et autres odeurs de vieilles chaussettes. 

 

Sur ce 3e opus, l'intention de Chuck Schuldiner est relativement claire: quitter la fange des fonds de caveaux mal éclairés et les cadavres pas tout à fait morts pour les grands espaces ensoleillés peuplés de ses congénères. Thématique renouvelée donc, mais aussi – et surtout – épure du son, mise en avant de leads souvent aériennes, voire cristallines, diminution drastique du taux de guitare bourbeuse au profit  d'une approche plus puissante, plus « escadrille de bombardiers parée à envoyer la sauce – Roger! ». Et cette nouvelle démarche va capter l'attention de toute une génération de chirurgiens de la 6 cordes en herbe. Car oui, le death qui déforme la glotte et récure la cuvette des chiottes peut se conjuguer avec la haute joaillerie métallique, Master Chuck en est persuadé. Et quoi de mieux que le morceau titre pour démontrer cet état de fait: ouvert en fanfare sur un tapping olympien, « Spiritual Healing » commence par faire un peu de surplace dans le grumeleux, histoire de nous rappeler d'où vient le groupe, puis doucement s'ébroue, frotte ses ailes … Et paf, les hélicos allument leurs turbines, jouent du rotor, décollent par grappes de 5 et l'armada s'élance enfin avec la puissance d'un essaim de plomb et de feu, renvoyant par comparaison leurs alter ego d’Apocalypse Now au fond du coffre à Majorettes. Et que dire de « Low Life » qui voit Chuck et James démarrer dès la marque des 0:23 un magistral cours de guitare impressionniste, injectant la mélodie par petites touches disparates mais cohérentes, avant de mettre les doigts dans la prise et de libérer le contenu de la ruche dans un ouragan bourdonnant, le tout couvrant presque tout à fait une basse courant dans les traces du pauvre ours poursuivi par ce piquant fléau… Tout cela avant que n'arrive LA leçon, sous forme de 6 soli enchaînés à tour de rôle et à un rythme d'enfer par les 2 guitaristes, le tout sur une rythmique galopante taillée sur mesure pour accompagner un nouveau record du monde de ski de vitesse. Mais ce ne sont là qu’exemples épars émergeant de la corne d’abondance, et j'aurais tout aussi bien pu vous parler du fabuleux refrain de « Altering the Future »  qui s'épanouit au terme d'un habile crescendo, tel l'astre solaire sortant soudainement de derrière un lourd nuage noir  ou de la courte ouverture orientalisante de « Within the Mind », qui renvoie au début de « Zombie Ritual »...

 

Alors pourquoi « Spiritual Healing » pâtit-il d'une réputation un poil en dessous des autres créations de la Mort chantante? Parce qu'il est serré de près par des albums référentiels? Peut-être. Mais peut-être aussi parce que la cohabitation des rythmiques boueuses de « Scream Bloody Gore » avec le chant des sirènes lead est parfois douloureux … Car si les crescendos savants qui voient le groupe s'extirper progressivement de la fange pour dégainer des solos de folie font un effet boeuf, les violents retours sur le plancher des vaches, sans vaseline ni parachute, sont parfois douloureux, eux: ainsi le retour dans les marécages à 3:11 sur « Living Monstrosity », la cassure à 2:27 sur « Genetic Reconstruction » ou les tortillons nous accueillant sur une planche à clous à 2:40 sur « Killing Spree », après 2 soli particulièrement enlevés, sont autant d'exemples de coïtus interruptus un peu rudes. Certains mentionnent une faiblesse de la batterie? Pour ma part elle ne me dérange pas, renforçant l'assise du pied que l'album garde solidement planté dans l'old school. On constate par contre que « Within the Mind » s'émancipe moins de la gravité que les autres compos, tout comme dans une moindre mesure « Genetic Reconstruction », dont le refrain ne casse pas des briques sur les 3 pattes d’un canard (comme ne le dit pas l’expression) … 

 

Au final, certes, « Spiritual Healing » comporte quelques menues faiblesses. Et la comparaison avec les autres chapitres de la Schuldiner story jouant, mon appréciation globale de ce 3e opus plafonnera à 8.5. Mais cette note ne doit pas être prise littéralement à des fins comparatives avec d'autres albums ayant reçu la même note sur le site. A vrai dire, si l'on se laissait aller à des fantaisies de notation telles celle adoptée par Jull sur la chro de « Master of Puppets » pour évaluer « Leprosy ,  ce CD mériterait un bon 9 ou 9.5. Enfin bon, vous avez saisi le message. En tout cas si vous ne connaissez pas encore cet album, laissez traîner vos oreilles sur le titre éponyme ainsi que sur le duel de solistes de « Low Life », et dites-vous que vous écoutez là ce que certains considèrent comme le moins solide album du groupe. Ça laisse rêveur non?

photo de Cglaume
le 14/11/2010

2 COMMENTAIRES

Faryz

Faryz le 07/03/2021 à 14:58:59

J'ai découvert cet album,il y a déjà bien longtemps, mon adolescence a été marquée par des albums comme Leprosy et Human , que dire d'autre, c'est un excellent album

cglaume

cglaume le 07/03/2021 à 16:42:46

Adolescence sous le signe de Death,
Prospérité jusqu'à la vieillesse.

C'est Confucius qui disait ça je crois :D

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