Alkaloid - The Malkuth Grimoire

Chronique CD album (1:13:01)

chronique Alkaloid - The Malkuth Grimoire

Rien à voir. Le petit lapin qui fait rien qu’à jouer du tambour pendant des plombes alors que ses copains lâchent l’affaire les uns après les autres pour aller se siffler une bière devant Game of Thrones, c’est aux piles al-ca-lines qu’il marche. Pas alkaloid. C’pas pareil! Bon, il est vrai que les deux termes sont issus d'une racine commune, mais on ne va pas rentrer dans des considérations chimico-éthymologiques casse-bonbons alors que je n'avais aucune prétention autre que de vous causer de petits lapins agités du bulbe! ... Non parce que c'est mignon (crétin?) les lapins.

 

Alkaloid – le groupe, donc – est l’association d'une poignée de lapins germains experts dans leur domaine, et de ce fait bien connus des amateurs de metal ciselé selon les us de la grande joaillerie métallique. Un super-groupe, comme on dit. Aux manettes on retrouve Christian Muenzner (Spawn of Possession, ex-Obscura, ex-Necrophagist) et Hannes Grossmann (Blotted Science, ex-Obscura, ex-Necrophagist) – ça c’est pour les plus connues des starlettes du line up –, ainsi que des membres et ex-membres de Dark Fortress, Noneuclid, Aborted et God Dethroned. De la dentelle donc, mais version chenilles de Panzer. Sauf qu'au lieu de signer chez Relapse, Unique Leader ou Neurotic records, nos amis se sont lancés dans l’aventure du On-s’en-fout-on-gère-tout-tous-seuls-on-est-des-fous via une campagne de crowndfunding qui a visiblement bien marché!

 

Fruit de ce collectif qui sait ce que ça veut dire que de faire ses gammes, The Malkuth Grimoire est un premier album certes velu, mais dont la cuirasse n’est pas aussi épaisse et le calibre pas aussi dévastateur que ce que pourrait laisser penser le CV des gus. Car ce qui nous est proposé ici, c’est avant tout un death progressif et exigeant, étiré sur des compos n’ayant pas peur de tutoyer les 10 minutes, la chose pouvant avoir la noirceur d’un Morbid Angel rampant dans les recoins obscurs de R’lyeh comme le tranchant supersonique d’un Obscura, mais pouvant également s'aventurer longuement dans l’apparente légèreté jazzy d’un Cynic, ainsi que dans les détours séduisants du Menace de Mitch Harris. Le chant de Morean reflète d’ailleurs parfaitement cette dualité, le mâle growl de circonstance laissant très souvent la place à des confessions menaçantes, à des tirades rocailleuses, voire à du chant tout ce qu’il y a de plus clair. D’ailleurs l’homo deathmetallus se plaindra sans nul doute de l’étonnante douceur d’un « Orgonism » plus calibré pour l’amateur de prog pur que pour le fan de Disgorge.

 

Et puisqu’on en est à évoquer les menues réserves que l’on est en droit d’adresser à ce quarteron de fines lames, on insistera (à nouveau) sur la longueur parfois excessive des morceaux, ceux-ci pouvant occasionnellement y perdre en force et en cohérence. Le reproche reste d'ailleurs valable quand le groupe triche en segmentant le long « Dyson Sphere » (un quart d’heure au compteur) en 4 morceaux étroitement imbriqués. Bien que le travers ne soit pas non plus trop fréquent, on reprochera également le côté geek de techniciens dont les soli semblent en quelques occasions plus axés sur le plaisir solitaire de l'artiste que sur la mise en valeur des morceaux (tiens: cette branlette tortillonneuse à partir de 6:00 sur « Carbon Phrases »). Le comble en matière de nerderie crasse est d'ailleurs atteint sur « C-Value Enigma », morceau qui semble initialement être la tentative du groupe d’écrire son « Eruption » (Van Halen) à lui, avant que l’on découvre que cette démonstration aux frontières du réel est en grande partie une pure création ProTools, tout bonnement injouable pour un être humain normalement constitué. Hé ho les gars: on enlève ces blouses blanches, on range ces alambics et on redevient un groupe de metal, ok?

 

Mais je vous ai gardé le plus intéressant pour la fin. Car ce qui compte, finalement, c’est que nos 5 cousins germains ont accouché d'une poignée de véritables petites merveilles, qu’il s’agisse de morceaux dans leur intégralité ou de passages ébouriffants. Au rang des compos qui butent de bout en bout, on citera « From a Hadron Machinist », dont le riche canevas est brodé autour de bourrasques black/death épiques aussi grisantes que les pépites du Storm of The Light’s Bane de Dissection (... Puisque je vous le dis!). Dans sa trace, on se laissera submerger avec délice par le monumental et merveilleusement visqueux « Chtulhu », dont la majesté et la noirceur maladive dignes du Morbid Angel de « God of Emptiness » sont traversées de nuages de gouttelettes guitaristiques semblables à d'étonnants micro-essaims parasites qu’on se demande comment les affreux font ça avec leurs doigts (une sorte de tapping dissonant?). Le pompon est atteint sur « Alter Magnitudes » où le groupe donne l’impression d’avoir enfilé sa casquette DragonForce pour composer un pur morceau de Melodeath gothembourgeois faisant des détours délicieux chez Gorod (putain ces twins de folie en 2e partie de morceau!!). Miel, liqueur et extase sensorielle au menu des festivités auriculaires!

 

Merveilleusement alambiqué, expertement ambiancé, mais également mélodique et brutal, The Malkuth Grimoire est un coup d’essai qui s’apparente d’emblée à un coup de maître. Dommage qu’un certain manque de sobriété et de concision nuise un petit poil à la perception globale que l’on a de l’album une fois son écoute achevée. N’empêche, si le groupe s’entête à continuer sa course en dehors des larges allées bitumées des labels, on n’hésitera pas à mettre la main à la poche pour aider nos lapins à sortir le petit frère de ce 1er album.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: combinant les registres de Cynic, Morbid Angel, Menace et Obscura, The Malkuth Grimoire est le premier super-album d’un super-groupe à qui il ne manque qu’un peu de concision et de modestie pour que son death technico-progressif s’étale tout en haut de l’affiche. Une superbe surprise!

photo de Cglaume
le 24/06/2015

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