Annihilator - Metal II

Chronique CD album (59:00)

chronique Annihilator - Metal II

Jeff Waters bénéficie d’un très fort capital sympathie. Il faut dire que le bougre a sorti de son ampli certains de ces riffs qui resteront pour les siècles des siècles gravés sur les murs du Thrash Hall of Fame, et que malgré les mandales envoyées par ses compos il n’essaie pas d’avoir l’air plus méchant que le bouledogue de la voisine. Bien au contraire : il fait très souvent preuve d’une décontraction joyeusement amicale qui donne envie de lui payer une binouse et de l’appeler « buddie ». Cependant l’érosion naturelle des années et – surtout – des albums tiédasses qui passent commence à attaquer ledit capital. Et l’on trouve de plus en plus fréquemment qu’il abuse, le lascar, à s’autoparodier avec aussi peu de vergogne. Car on passe le plus clair de ses derniers albums à jouer à « Mais d’où vient ce riff déjà ? » plutôt qu’à pratiquer l’air guitar, les yeux fermés, sur le carrelage de la buanderie.

 

Alors où donc va nous emmener ce Metal II nouveau ? Et d’ailleurs de-quoi-ça-s’agit, comme dirait l’autre ? D’un Crimson 2 ou d'un Keeper of the 7 Keys part 2 version Thrash canadien ?

 

... Du tout : il s’agit en fait d’un réenregistrement de matos ancien, comme cela avait déjà été le cas par le passé, à l’occasion de Re-Kill. L’album revisité, c'est comme le Port-Salut, c'est écrit dessus : Metal , autrement dit une cuvée 2007 qui a apparemment laissé un léger goût de bouchon au Jeff. Et cette première info en tire plein d’autres dans son sillage :

  • ce retour en bac d’un album ancien n’est que le premier d’une série de 18, le label earMUSIC ayant manifestement envie d’expliquer aux nouvelles générations qu’Annihil n’a pas tout le temps eu tort
  • tant qu’à améliorer une œuvre perfectible, Jeff s’est entouré des meilleurs artisans de lui connus : Dave Lombardo au tamtam, Stu Block (qui nous a fait vibrer chez Into Eternity) derrière l’hygiaphone, sans compter Mike Fraser (Metallica, Ozzy Osbourne) et Maor Appelbaum (Faith No More, Rob Halford) derrière les consoles (mi-xage pour Mimike et ma-stering pour Mamaor, la logique patronymique étant ainsi parfaitement respectée)
  • tout n’a pas été intégralement botoxé sur ces 11 titres, car Metal avait la particularité de multiplier les featurings. Et vous comprendrez aisément qu’il n’était pas possible de faire à nouveau appel à tout les invités d'alors… D’autant que certains sont beaucoup moins vivants que d’autres, aujourd’hui ! Maintenant désolé pour le name-dropping étouffe-chrétien, mais on va avoir du mal à ne pas vous balancer l’impressionnante liste des peoples impliquées, le qualificatif « impressionnant » n’étant ici pas utilisé à la légère… Jugez plutôt : Willie Adler (Lamb of God), Alexi Laiho (Children of Bodom), Steve "Lips" Kudlow (Anvil), Danko Jones (Danko Jones !), Angela Gossow (Arch Enemy), Dan Beehler et Allan Johnson (Exciter), Jesper Strömblad (In Flames), Jacob Lynam (Lynam – connais pas non plus !), Jeff Loomis (Nevermore), Anders Björler (At The Gates) et Corey Beaulieu (Trivium)… De dieu, on croirait une affiche de festival !
  • Metal II est dédié à la mémoire de 2 grands disparus de la scène : Alexi Laiho, donc, mais également Eddie Van Halen, ce qui nous amène logiquement au dernier des points de cette liste…
  • … Jeff a tenu à remanier l’album de 2007 sur de nombreux points. Vous en avez déjà entrevus certains, mais il faut savoir que la tracklist elle aussi s’est pris un coup de jeune, celle-ci voyant non seulement son ordre chamboulé, mais également sa nature modifiée. Avec un disparu, « Operation Annihilation », autrefois interprété en compagnie de Mike Amott (Arch Enemy), morceau pète-sec et manquant de souplesse que Jeff n’avait manifestement pas envie de ressusciter. Et deux ajouts : la reprise d’Exciter « Heavy Metal Maniac », qui figurait sur l’édition japonaise, mais aussi « Romeo Delight », cover de Van Halen, les deux étant très fidèles à leurs modèles respectifs.

 

Mais il serait temps de discuter de la pertinence de cette version 2.0, pas vrai ? En commençant par une vérité brutale : comme le disait Obama de Palin, « Tu auras beau mettre du rouge à lèvre à un cochon, ça restera un cochon ». Autrement dit, quels que soient les efforts déployés par Jeff et ses boys, nulle magie ne saura faire de Metal un chef d’œuvre. Alors non, celui-ci ne mérite pas qu’on l’aborde avec le tablier et la pince à linge sur le nez du citadin visitant une porcherie. N’empêche, cet album quelque peu controversé déploie beaucoup d’énergie pour un résultat relativement maigrichon. Et le guitariste canadien de charger la mule avec une quantité bourrative de solos un peu trop similaires, et de réutiliser de manière abusive nombre de ses brillants riffs du passé. Sur « Chasing The High », par exemple, qui remet une pièce dans le jukebox « Fun Palace ». Ou sur « Downright Dominate », qui rejoue les saccades décidées de « Set The World on Fire ». Et puis quoi : quitte à faire tout un tas de modifs (l’intro de « Haunted » plus tourmentée, du blablah supprimé sur « Smothered »…), pourquoi ne pas en profiter pour virer ce synthé en carton entachant aussi bien un bout de « Chasing the High » (à 3:20) que le fond sonore de « Smothered » (à 1:48) ?

 

Voilà, ça c’était pour le verre à moitié vide.

 

Par contre quand on aborde Metal II avec l’optimisme béat du chef scout, on peut y trouver de nombreuses raisons de se réjouir :

  • en constatant l’effet indiscutablement positif apporté par les deux nouvelles recrues. Dave Lombardo d’abord, qui replace la batterie dans le game (la basse prenait plus de place sur l’album précédent – notez que ce n’était pas pour me déplaire), étoffe un peu ses parties (exemple parmi 1000 autres : les cymbales qui s’invitent au début de « Army of One ») et supprime les lourdeurs (adieu le solo de batterie bancal au début de « Detonation »). Stu Block quant à lui possède un registre incroyablement plus vaste que Dave Padden, plus agressif aussi, et tout en ne dénaturant pas les morceaux il réussit à les enrichir, poussant des trémolos aigus par-ci, adoptant un chant PhilAnselmien par-là (sur « Downright Dominate »… et ça s’y prête carrément : écoutez peu après la barre de la minute)
  • en se réjouissant de cette occasion qui nous est donnée de réhabiliter certains titres qui ne méritaient pas de finir avalés par la bouche d’égout du temps. Parce que ce « Chasing High », aujourd’hui placé en tout début d’album, est quand même méchamment virulent ! « Couple Suicide » balance un soleil bien plus clément que la moyenne de l’album, mais n’aurait pas démérité sur Set the World on Fire. « Haunted » – Nième morceau consacré à la folie par le groupe – impressionne par sa longueur, ses accès fougueux et sa cohérence. Enfin « Clown Parade » lui aussi méritait une réhabilitation : ce n’est pas pour rien s’il ouvrait la version précédente de l’album, son riff et son refrain étant particulièrement jouissifs !

 

Alors on est d’accord : Metal II c’est beaucoup de bruit pour un album qui ne casse pas vraiment des briques. Mais c’est loin d’être la sortie de trop qui nous poussera à ranger Annihilator sur la même étagère honteuse que Manowar – dont on ne comprend pas trop pour quelle raison ils continuent à proposer des albums si longtemps après qu’ils aient tenu leurs derniers propos cohérents. Jeff Waters a une belle discographie derrière lui, et s’il passe à présent du temps pour refaire un peu l’enduit des albums qui en ont le plus besoin plutôt que de continuer à radoter sans génie, ce n’est peut-être pas si mal finalement !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Metal II c’est la version 2.0 de Metal, album sorti en 2007 et n’ayant pas vraiment fait l’unanimité à l’époque. Aidé de Dave Lombardo (Slayer et plus si affinités) et Stu Block (ex-excellent chanteur de Into Eternity), Jeff Waters réussit à « pimper » son bébé de manière convaincante… Sans pour autant en faire une vraie bête de course. Un album à réserver aux fans, donc, mais qui devrait pleinement satisfaire ceux-ci, pour le coup.

photo de Cglaume
le 18/04/2022

3 COMMENTAIRES

Moland

Moland le 18/04/2022 à 06:28:51

Superbe chronique bien clinique. T'as tout décortiqué. Y a plus qu'à entamer une partie des 7 erreurs. 

cglaume

cglaume le 18/04/2022 à 07:59:30

C’est le problème avec ce genre de sortie qui regorge d’infos incontournables : dur de ne pas pondre une fiche technique du biniou

Moland

Moland le 18/04/2022 à 17:19:16

Connaissant l'original, j'aurais zappé cette version si t'avais pas détaillé les différences. 

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