Black Chamber Orchestra - Black Chamber Orchestra

Chronique CD album (48:50)

chronique Black Chamber Orchestra - Black Chamber Orchestra

Il y a des groupes dont on ne peut s’inspirer sans que cela ressorte avec l'évidence de la pointe de truffe dans l'assiette de tagliatelles. Meshuggah, Devin Townsend, System Of A Down, Jackyl (hum… surtout à l’époque des solos de tronçonneuse), Rage Against The Machine… Dur d’éviter que ces noms fusent si d’aventure votre groupe pioche de trop près dans le panier de ces artistes à la personnalité bien trempée. Or vous le savez sans doute : notre Igorrr national – qui a su séduire bien au-delà de la fromagerie hexagonale qui l’a vu naître – mélange riffs sombrement métallisés, candélabres baroques et volées de beats Electro-nawak. Pas le menu entrée / plat / dessert classique à la carte de la plupart des gargotes musicales, pour le coup. Chez Gautier Serre, on fait moins dans la brasserie parisienne que dans le restaurant fusion bidouillant de la cuisine moléculaire. Alors forcément, quand d’autres enseignes s’inspirent de ce qui sort de ses fourneaux, ça se voit comme un coup de stabilo sur une pochette de démo Trve Black. Et c’est bien l’une des raisons pour lesquelles peu sont ceux qui s’y sont frottés. Ruby My Dear dites-vous ? C’est vrai. Quoique sans la dimension baroque, et avec un enrobage Metal bien moins épais. En même temps, franchement : ce serait un peu abusé de jouer ostensiblement la carte des 3 B (Black Metal / Baroque / Breakcore), celle-ci constituant la marque de fabrique inimitable de ce groupe clairement avant-gardiste…

 

Pourtant on en a trouvé un. Et pas un du genre qui y va en crabe, en rasant les murs, histoire de pouvoir dégainer un « C’est pas moi M’sieur ! Regardez : j’ai un mot de mon médecin! » si on le prend la main dans le sac. Non, Black Chamber Orchestra – vous aviez deviné ? Mais qu’ils sont forts ! – y va franco dans le genre. Parce que si le groupe met en avant son amour tripolaire pour Beethoven, Dimmu Borgir et Venetian Snares, il a aussi – et surtout – fait mixer et masteriser son premier album par ze Gautier. En même temps, la Chambre Noire étant manifestement posée dans les alentours de Clermont, par là-bas, à quelques encablures du poulailler où a été composé « Chicken Sonata », ça aurait été dommage de ne pas mettre tous les atouts dans sa manche.

 

Tentons néanmoins de ne pas coller bêtement aux basques de la bête équation « Black Chamber Orchestra = Igorrr bis ». Car, pour commencer, la dimension Musique classique où B.C.O. trempe ses compos n’est pas spécialement baroque, même si on y entend beaucoup de clavecin. La formation donne plus souvent dans le gros philarmonique bien joufflu des violons… On verrait presque les bras d’Herbert von Karajan s’agiter follement sur ces trois généreux quarts d’heure. Quant au visage Metal de la chose, il laisse plus souvent parler les grosses déferlantes saccadées que les vents tumultueux de Norvège, même s’il est vrai qu’au beau milieu de « Перезвон Карево », c’est dans les jfords que la guitare va se réfugier. Mais ce qui distingue le groupe le plus nettement de son grand frrrère, c’est que sa musique ne transpire ni le Fun, ni l’Absurde. Alors que de Poisson Soluble à Spirituality & Distortion, on a toujours l’impression qu’un large pan du scénarrr d'en face a été écrit par Edika.

 

M’enfin ne nous fessons pas la voile : si vous glissez Black Chamber Orchestra ni vu ni connu sur les enceintes lors d’une soirée « Open Metal & Dark Etrangeries », les sourcils risquent de se lever et les « C’est une démo inédite d’Igorrr ? » de crépiter. Car si l’on écoute une playlist mélangeant les compos des deux artistes, on a un peu l’impression d’aller non pas de Charybde en Scylla, mais plutôt d’Igorrr en Grichka tout au long de cette grille de jumeaux croisés. D’autant que le registre lyrique de Maélig Leguern invite à la comparaison avec Laure Le Prunenec (écoutez donc le superbe « Atto V », point d’orgue de l’opus, ou pas loin). Ces caresses de beats espiègles, ces chœurs grandiloquents, ces grosses branlées metalorchestrales, ces interludes où les doigts volent en va et vient sur les touches, ce souffle sacré… L'habitué reconnait immédiatement les lieux. Notez qu'une telle gémellité serait très pénalisante si l’œuvre s'avérait bancale, si le parfum aguichait les naseaux mais que les saveurs ne tenaient pas leurs promesses une fois en bouche. Or Black Chamber Orchestra réussit son pari : il séduit le fan plutôt que de l’irriter, emportant la donne grâce à son souci du détail, son atteinte d’un équilibre parfait, et son amour polygame passionné pour toutes les musiques, aussi différentes soient-elles. Et l’auditeur reconnaissant de se laisser aller au faste sublime de « Sonate Concertante pour une Pathétique Baronne », de « La marche des Suppliciés » et – donc – de l’exceptionnel « Atto V ».

 

Evidemment, on ne pourra empêcher certains d'écarter Black Chamber Orchestra d’un revers de main, parce que « faut pas déconner, c’est de la pure repompe ». Pourtant non, il ne s’agit pas d’un bête copier-coller paresseux, mais d’un s’inspirer-dériver plein de talent et de finesse. On vous souhaite sincèrement de pouvoir vivre l’aventure en adoptant cette grille de lecture.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: oui, l’Electro Metal symphonique proposé par Black Chamber Orchestra sur son premier album est TRES proche du registre d’Igorrr. Il faut dire que, quand on propose un mélange (pas franchement barré, cela dit) de Metal (pas toujours Black), de Musique classique (pas spécialement baroque) et de beats Breakcore, on ne peut échapper à la comparaison. Pourtant des différences notables (listées entre les parenthèses précédentes) existent. Et plus important : les compos s'avèrent souvent magnifiques, et parfois aussi enivrantes que celles du grand frèrrre. Aucune raison, donc, de ne pas pénétrer dans cette chambre noire…

photo de Cglaume
le 24/07/2023

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