Critical Defiance - No Life Forms

Chronique CD album (29:22)

chronique Critical Defiance - No Life Forms

Là, tout de suite, vous avez envie d'un bon coup de fouet. D'une grosse claque rafraîchissante à la Fisherman's Friend, mais sans le piquant mentholé. De ce genre d'excès qui fait naître un sourire sur le visage de l'auditeur quand il réalise qu'il est le témoin – non : le complice – d'exploits que le reste du monde ne saurait apprécier à leur juste valeur. Bref : vous avez une putain d'envie de Metal qui dépote, de celui qui vous a rendu accro la première fois que vous avez croisé sa route. Ça tombe bien, No Life Forms est sorti l'été dernier, et il n'attend qu'une chose : que vous vous décidiez enfin à lancer « A World Crumbling Apart » afin de pouvoir attaquer vos tympans à la masse pendant une petite demi-heure merveilleusement intense !

 

Critical Defiance, c'est l'archétype du groupe de Metal chilien tel qu'on le croise depuis quelques années : éruptif, impatient, nostalgique d'un autre temps, et extrêmement compétent. Et débordant de cette énergie incontrôlable, de cette envie de bouffer la Terre entière qu'on ne rencontre plus guère après 6 albums, ou quand un début de tonsure et des remboursements de crédit font leur apparition dans la vie. Sauf qu'au lieu de laisser exploser leur énergie via des gerbes Punk ou Grind chaotiques, les Valparaisiens ont appris à manier les armes autrement plus létales du Thrash. C'est pourquoi No Life Forms ne se contente pas d'être un simple cocktail Molotov lancé à la face d'un monde amorphe, mais s'avère plutôt une putain de déflagration nucléaire. Comme sur la pochette de Game Over (Nuclear Assault), voilà, c'est ça !

 

Allez tiens, attrapons la description du 2e album des Chiliens par ce bout-là, puisqu'il s'offre à nous. Non, il ne s'agit pas ici d'un postillon discographique Crossover Thrash tombé dans un fut radioactif sud-américain. Enfin, pas seulement. Car s'il est vrai que son côté frénétique, la courte durée de ses morceaux, la fréquente primauté de la vitesse sur les mélodies – autant de facteurs qui le différencient de son excellent prédécesseur, Misconception –, quelques bonnes vieilles séances de mosh, une basse bavarde qui aurait rendu Dan Lilker fier, et enfin un chant de para en manque de castagne sont autant d'éléments qui évoquent effectivement les gangs de riffeurs de rue, Critical Defiance est bien trop affûté techniquement et a bien d'autres influences pour rester cantonné aux quatre murs de cette austère chapelle. Et en effet, les groupes auxquels on pense durant l'écoute de ces dix titres fulgurants sont parmi les plus véloces des deux grandes nations du Thrash : Slayer, Exodus et Dark Angel pour les USA, mais aussi Kreator et Destruction pour l'Allemagne.

 

Pour autant il ne faut pas rester scotché à ces références. Car, en moyenne, No Life Forms cavale plus vite, et même un peu plus chiadé que ces thrashers, qu'ils soient de l'école "urban" ou de la mouvance "evil". Essayez, vous verrez : cet album fait l'effet d'une accélération de Formule 1 en début de ligne droite, et procure ce même genre de sensations intenses et trop brèves que l'on ressent pendant la chute libre précédant l'ouverture du parachute. Tiens, lancez « Warhead » ou « A World Crumbling Apart »... Vous la sentez cette impression d'être une boule de flipper dans une partie jouée par un Joker sous crack ? Ah ça, pour le coup on sait qu'on n'est pas en train d'écouter un bonus de l'édition japonaise de St Anger !

 

Pour arriver à leurs fins, ces bouillonnants individus y ont mis les moyens : pas moins de trois gratteux dans le line-up, un bassiste qui a tout autant que Cliff Burton envie d'être un guitariste, ainsi que l'ex-batteur de Demoniac – qui a assuré la rythmique sur ce monument du genre qu'est So It Goes. Une belle bande de mercenaires, donc, ce qui explique pourquoi, derrière ces déflagrations de Thrash à l'arrache qui détale ventre-à-terre, ça ne dépasse pas d'un poil ni ne dérape dans le gravier. C'est ce niveau d'exigence technique qui, sans nul doute, contrebalance par un refus catégorique de la simplicité un niveau d'agression très élevé. Parce que non, No Life Forms n'est clairement pas le genre à proposer des compos « à l'allemande », avec format couplet/refrain/couplet/refrain/solo/refrain bien pépères de la muse. C'est d'ailleurs parfois un peu trop l'excès inverse que l'on observe, des titres comme « The Last Crusaders... Bringers of Death! » ou « Dying Breath » prenant un malin plaisir à balancer des plans qui tuent sans leur offrir le second tour de piste qui permettrait à ceux-ci d'exprimer plus pleinement leurs arômes. Autres signes extérieurs de richesse assez peu compatibles avec l'affiliation Crossover Thrash : un « Elephant » purement instrumental, un « Kill Them With Kindness » qui place le début de son action dans le bureau de Voivod, et puis une profusion de solos – parfois « furioso », c'est vrai, mais bien souvent inattaquables.

 

C'est peu dire que les Chiliens m'ont mis un énorme coup de pied au cul. On ressort de No Life Forms rincé, mais avide d'y retourner, comme à la fin de ces manèges qui vous mettent les tripes à l'envers mais dont la dimension Wahooooo l'emporte sur l'éventuel effet Bleuaaaargl. Car bien que le mot d'ordre global soit à-fond-à-fond-à-fond, cette petite demi-heure de Thrash expert procure une profusion de sensations et de couleurs qui évitent le sentiment de trop-c'est-trop. Et l'on en garde un souvenir d'autant meilleur qu'on le quitte sur deux impressionnants pics, « Warhead », pure foncerie à la limite de la perte de contrôle – Rodrigo lâche même quelques blasts –, et enfin le morceau-titre, seul de son espèce à dépasser les 5 minutes, ce bouquet final résumant lors d'une incessante démonstration de talent toute la palette couverte par le groupe.

 

Croyez-moi : si l'on savait déjà qu'à force de sorties confidentielles mais de grande qualité le Chili était en train de déplacer le barycentre du Metal mondial un gros cran vers le sud, avec No Life Forms désormais on en est sûr : la Cordillère dézingue !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: plus frénétique et ramassé que son prédécesseur, No Life Forms est une leçon de Thrash véloce mettant une fougue impressionnante et une acuité technique indiscutable au service de la réactualisation des répertoires de Slayer, Dark Angel, Kreator et Destruction (… les jeunes sauvages des 80s, pas les vieux boomers des 20s). C'est le genre d'album dont on ressort le souffle court, les yeux écarquillés, avec une irrépressible envie de reviens-y vissée aux oreilles.

photo de Cglaume
le 24/05/2023

4 COMMENTAIRES

8oris

8oris le 24/05/2023 à 07:40:39

"Thrash létal", superbe...

Tookie

Tookie le 24/05/2023 à 08:17:55

💦💦

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 25/05/2023 à 17:38:06

Dis donc oh Lapin, deuxième groupe que tu chroniques sur lequel je fonds cette année. C'est suspect...

cglaume

cglaume le 25/05/2023 à 20:05:31

Je vais bientôt me laisser pousser la crête si ça continue 😅

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