Epiphanic Truth - Dark Triad: Bitter Psalms To A Sordid Species

Chronique CD album (43:38)

chronique Epiphanic Truth - Dark Triad: Bitter Psalms To A Sordid Species

Rarement les mots ont été aussi durs à trouver pour tenter d’approcher et de qualifier le premier album d’Epiphanic Truth, Dark Triad: Bitter Psalms To A Sordid Species, œuvre captivante à plus d’un titre, sortie il y a peu de temps chez Church Road Records. Il est si dense, sombre et volontairement opaque qu’il est compliqué de savoir par où commencer. Par le casting, me direz-vous ? Eh bien non, justement, puisque chaque élément de ce « collectif anonyme de Metal expérimental » composé de membres d’anciens groupes ou de formations toujours en activité et appuyé en studio par une cohorte de musiciens extérieurs, avance masqué. On connait juste les identités du batteur qui a participé au projet, à savoir le Hongkongais Wilfred Ho (Karmacipher, Qollision), du technicien derrière ce travail ciselé, le Londonien Lewis Johns du studio The Ranch Production House (qui a déjà bossé avec Conjurer, Employed To Serve, Svalbard, Palm Reader, Wallflower ou encore Irist) et, enfin, de l’artiste derrière l’artwork, Christine Violet. Pour le reste, on peut se gratter pour en savoir davantage.

 

Cette dernière a tenté de capter par le dessin le maelstrom conceptuel construit par Epiphanic Truth au long de ses trois morceaux marqués par une gradation sans doute délibérée : 9min47, 11min22, enfin … 22min28 !!! Faisant directement référence à la triade des désordres de la personnalité, cet album prend la forme alambiquée d’un triptyque conceptuel, au sein duquel les trois chansons, en fait trois biais psalmodiques, soulignent les traits distinctifs de chacun de ces troubles : la psychopathie clinique, le narcissisme, le machiavélisme. Les quelques interviews que j’ai pu trouver sur la toile font entrevoir une ferme intention de dégager par cette offrande une puissante esthétique transcendantale et réflexive. Mais, à vouloir nous faire évoluer dans l’entrelacs impénétrable de la psyché humaine, ce collectif nous amène sur un axe multidirectionnel particulièrement ardu à appréhender. On s’y perd un peu…

 

Illustration de Christine Violet pour l’album Dark Triad (premier jet)

 

Cette complexité et cette densité se retrouvent d’ailleurs dans le style musical proposé, dès lors que nous pouvons appeler cela un « style musical ». Qualifier ce premier pavé de Black/Death Metal expérimental, tel qu’on peut déjà le lire ici et là, s’avère un peu étroit et limitant. À ce sujet, consulter la playlist officielle de ce groupe nous offre quelques pistes intéressantes, bien qu’indicatives, pour capter certaines de ses références. Et pour être tout à fait franc, ça sent les Trve Blackeux qui cachent derrière un masque des références inavouées, mais parfaitement digérées... Et il y en a une palanquée ! Derrière les Akercocke, Enslaved, Gorguts, Svartidaudi et Abigor ou encore les Terra Tenebrosa et Krallice pour la teinte avant-gardiste, on retrouve le Death Metal élaboré d’Ulcerate, dont l’empreinte est palpable à l’écoute des premières secondes de "An Inescapable Verdict", mais aussi le Death plus gras porté par Pig Destroyer ou Immolation, que vous pourrez entendre dès l’entame de "The Truth of the Beast". Ce n’est pas tout, puisque l’hybridation musicale parfaitement maitrisée est poussée à son maximum avec l’insertion à plus ou moins fortes doses d’éléments Indus à la Godflesh, Prog’ à la Opeth (est-ce Martin Axenrot derrière la batterie sur le 2ème morceau ?!?), Doom à la Esoteric ou Agalloch, Ambient et électro à la Ulver (écoutez donc le dernier tiers du 1er titre…), Post-Metal comme les ‘ricains Inter Arma ou Neurosis et surtout Psyché à la sauce Hawkwind ou Oranssi Pazuzu, dont l’influence est évidente à l’écoute de la seconde partie de "An Inescapable Verdict". Et oui, Epiphanic Truth c’est tout ça et aucune des combinaisons proposées ne jure ! Absolument aucune. Même pour les chants proposés, où se côtoient le growl bien épais, les vociférations Noise/HxC et la voix claire.

 

Par les ambitions qu’elle révèle, par la qualité d’exécution dont elle se targue, par la polyvalence créatrice qu’elle expérimente, par les chemins ambiancés qu’elle éprouve, par les émotions qu’elle suscite (woahhhhh les huit dernières minutes de "Our Vile Roots Flourish Beyond Light"), la première création d’Epiphanic Truth prend les traits saillants d’un OBJET MUSICAL TOTAL, dont la maxime suprême serait « Fuck le zeitgeist ! ». En effet, cette musique devrait impacter chaque fan de Metal et peu importe ses goûts, son époque, son profil, ses affinités, sa trajectoire de vie, ses origines. Vous avez en face de vous du Pan-Metal en quelque sorte, celui-là même qui transcende les frontières existant prétendument entre toutes les nuances de cette musique extrême.

 

La galette polymorphe portée par cette troupe anonyme de Metal avant-gardiste dispose d’une structure interne tellement époustouflante qu’elle nous balance constamment entre émotions créatrices et destructrices. Plus encore, bien qu’il n'offre aucun accès facile, ce Dark Triad achève d’unir par des liens particulièrement forts l’auteur, l’œuvre et le public, au point que la production, la diffusion et la réception de la musique sont trois qui ne font qu’un ici. Dans ces conditions, pour quelles raisons cette poutre ne se placerait-elle donc pas en très haute altitude au sein de mon Top 2021 ?

photo de Seisachtheion
le 12/08/2021

7 COMMENTAIRES

Xuaterc

Xuaterc le 12/08/2021 à 12:03:31

Une des très grosses réussites de 2021.
Super chro

Marc

Marc le 12/08/2021 à 16:02:28

C'est chaud comme chro, d'un côté on a envie de se jeter dessus. De l'autre on a vraiment peur d'être déçu vu l'enthousiasme de l'auteur !
Merci en tout cas : ))

Seisachtheion

Seisachtheion le 12/08/2021 à 16:31:21

Pas trop l'habitude @Marc de jouer les thuriféraires...
...Tu peux y aller les yeux fermés mais les ouïes bien ouvertes.

Pingouins

Pingouins le 12/08/2021 à 17:37:04

Super chro en effet, j'irai écouter ça dès que j'aurai un minimum de connexion et de temps au calme, parce que ça donne envie !

8oris

8oris le 13/08/2021 à 02:43:22

Chronique absolument superbe!
Ça donne envie, c'est bien amené, c'est long mais c'est bon.
Grosse decouverte de l'année pour moi aussi. Un groupe vraiment unique et qui a quelque chose de nouveau et titres complet à proposer.

Marc

Marc le 13/08/2021 à 09:39:53

@Seisachtheion j'espère que tu n'as pas mal pris mon commentaire hein, c'est juste que ta chronique élève de hautes espérances dans mon petit coeur ❤️

Pingouins

Pingouins le 09/03/2022 à 10:27:08

Ce passage psychédélique au milieu du second morceau, franchement, je ne m'en lasse pas (comme de toute cet excellentissime album d'ailleurs).

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements