Fange - Poigne
Chronique CD album (15:23)

- Style
Indus - Label(s)
Throatruiner Records - Date de sortie
14 août 2020 - écouter via bandcamp
Profitant du confinement provoqué par un pangolin qui n’avait finalement pas demandé grand-chose, les Bretons de Fange ont transformé une contrainte législative en contrainte artistique et ont prolongé dans ce quatre-titre, court mais efficace, le virage vers l’indus/noise qui avait déjà été bien entamé dans Punir.
Et avec Poigne, ce virage commence à prendre une bien belle courbure.
Moins death, plus technoïde, moins complexe, plus torturé, moins abrasif plus puissant, Poigne est un bel exemple que la musique toute industrielle soit-elle peut ne pas manquer de vie et d’une profondeur artistique tout à fait palpable, même pour le non-amateur. Mais on est loin d’un Nine Inch Nails mondain ou d’un Ministry grand-guignolesque car ici, les ambiances suintent de relents plus graisseux empreints de cette acidité dont Fange nous abreuve comme toujours avec une générosité maline. Les titres nous empêtrent dans des rythmiques lentes, mécaniques, aux sonorités profondes, plombées de Lourdeur, celle qui mérite un L majuscule, que Fange maîtrise et décline outrageusement bien que ce soit dans les voix, les nappes de synthés ou dans les guitares que l’on a transformées en machines...à moins que ce n'ait été l’inverse ("Les jours Azurs"). Et derrière ce tapis mécanisé, on décèle des mélodies, sinon des harmonies, qui vous saisissent aux tripes et... comme les mots me manquent, je vous renvoie à la pochette.
Que dire à l’écoute de "Gehenne" ? Rien... Se taire, et se laisser mourir dans ces nappes infernales et profondes qui contrebalancent avec la rythmique accablante, surplombée de ces lignes vocales limbiques. Un bijou d’émotion, brut et brutal, sans jamais être vulgaire et dans lequel Fange se fait maître d’oeuvre de la violence musicale dans ce qu’elle a de plus cathartique.
Le son fait donc la part belle aux machines, les instruments plus classiques ayant été confinés pour l’occasion, mais encore une fois grâce à une production parfaite (l’album a été mixé par Cyrille Gachet, Thibault Chamont de Deviant Lab s’étant, quant à lui, occupé du mixage), le rendu est sale, organique, profond, enveloppant et prend l’auditeur par le colbaque sans jamais l’étouffer. De la poigne et rien d’autre mais c’est suffisant car Fange n’a pas besoin de faire dans la surenchère.
A la fois preuve et mobile, Poigne atteste bel et bien, une fois encore, de l’entière culpabilité assumée de Fange...Coupables de se réinventer, d’évoluer depuis les affres de son death originel, de chercher plus loin et plus sombre, d’avoir magnifiquement su apprêter cet “après” d'âpreté. Mais cette exploration, qui entraîne avec elle l’auditeur dans des lieux insoupçonnés, se fait sans que jamais le groupe ni ne se perde ni ne s’oublie. Poigne s’inscrit donc parfaitement dans, plus que la simple discographie, l’univers artistique musical délicieusement versatile du groupe.
On aime: de l'indus à la mode de Fange, la qualité du son
On n'aime pas: rien...
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