Fange - Privation

Chronique CD album (40:06)

chronique Fange - Privation

Entre Fange, Bourbier, et il doit bien probablement aussi y avoir un groupe stoner/grind du nom de Gadoue quelque part, les incarnations auditives de la bouillasse se portent bien en nos terres hexagonales, et ce pour notre plus grand plaisir.

 

Je suis très surpris de ne pas avoir eu vent, ou en tout cas de ne jamais avoir fait transiter plus tôt Fange par mes conduits auditifs, malgré le fait de connaître leur nom, avant...... bah maintenant, en gros, alors que la musique pratiquée correspond totalement à ce qui intègre la programmation de nombreuses micro-salles dans lesquelles je traîne mes guêtres depuis presque vingt ans, et que leur existence à eux vient chercher la décennie.

 

J'ai donc dû, afin de pouvoir chroniquer cette album, m'organiser une rétrospective Fange. En tartiner partout. Et bien m'en a pris ! Car d'une ça m'a permis d'un peu mieux m'orienter dans la musique du trio (désormais quatuor), mais aussi parce que j'y ai découvert une nouvelle écurie où garer mon cheval.

 

Mais fort de cette retrospective, je suis finalement surpris qu'il n'y ait pas encore un album qui, avec ces sempiternels noms en P, prenne « Panique » pour petit nom. Ou, à l'inverse, « Paix » (« Pyjama » ou « Ptérodactyle » me semblant un poil moins adaptés). C'est en tout cas intéressant comme choix de titres, car d'habitude, ce sont plutôt les groupes qui jouent à ce petit jeu (Pneu, Potence, Poutre, Parpaing, Poumon, Placard, les exemples sont nombreux...).

 

Si la discographie du groupe est variée, on trouve dès les premières secondes de Privation une vibe très metal-indus qui aurait intégré des franges dark wave et post punk à ce sludge / noise / saturation-core. Oui, je sais, ça fait beaucoup de mots et d'étiquettes, mais que voulez-vous ma chère Lucienne, mon vieux Léon, le terreau qui façonne Fange est sédimenté de nombreux matériaux qui, une fois mêlés, forment le mortier dense au cœur de cet album.

 

Par exemple, le premier morceau « A la Racine » s'exhibe dans une lourdeur à la LLNN, si les Danois avaient décidé de virer indus. Plus loin, sur « Né pour Trahir », on trouve un apport chanté de Cindy Sanchez (Lisieux, Candélabre) qui rappelent volontiers Amenra sur Mass III. Par ailleurs, dans la liste des invités, on a également Cédric Toufouti de Hangman's Chair sur « Portes d'Ivoire ».

Ailleurs, on pourra trouver les entremêlas de sludge/post-metal et de sons de synthés dark wave, pas si loin des territoires arpentés par la collab Johannes Persson (Cult Of Luna) x Perturbator sur leur projet Final Light. Sauf qu'ici, je trouve ça mieux fait, et surtout beaucoup plus varié et moins redondant. Parfois plus aéré, parfois à la limite de la dissonance cognitive (« Les Crocs Limés »...), l'évolution des ambiances est vraiment très bien posée une fois qu'on se prend au jeu.

 

Bref. Si j'ai bien compris quelque chose, c'est qu'il ne sert pas à grand chose d'essayer de décrire précisément le projet Fange. Du qui sature, du qui fait du bruit, du qui va marteler de ses pieds et de ses cordes l'élement qui donne son patronyme au groupe, mais pas que : quand on roule dans la boue, de temps en temps, on a le regard tourné vers les étoiles (pour peu qu'il fasse nuit) : on sera ici parfois malmené·e et tourmenté·e par l'orage grondant, mais quelques rayons de lune passent parfois sous la couche de terre détrempée qui nous recouvre. Pour peu, on se croirait au Hellfest 2007, tiens.

Pour résumer à travers les mots détournés d'une amie (sur un sujet qui n'a strictement rien à voir, mais qui s'applique bien ici) : « C'est pas bronzé, c'est juste sale ». Mais du sale qu'on aime.

 

Celui qui a un côté dérangé et dérangeant, mais aussi fouchtrement attirant de tout ce qui est sombre et habité, de mondes à découvrir.

 

S'il y avait encore à douter du poids qu'ont pris Fange ces derniers temps, leur tournée à venir en avril avec Imperial Triumphant, une date avec White Ward, après quelques dates avec Mourir, devrait achever de convaincre celles et ceux qui cherchent des signes de reconnaissance ailleurs que dans les disques.

 

A écouter parce que, pour paraphraser un illustre chanteur italien, « Rien ne naît des diamants ; mais de la Fange s'élèvent des fleurs ».

 

P.S. : Rare prise en image des turpitudes de votre chroniqueur explorant les méandres de ce dernier album de Fange :

 

 

photo de Pingouins
le 10/03/2023

14 COMMENTAIRES

8oris

8oris le 10/03/2023 à 10:43:34

Superbe la conclusion! OO

Moland

Moland le 10/03/2023 à 10:46:47

Chronique qui donne bien une idée de ce qui nous attend là. Sans aucun doute un album qui figurera au #top2023. 

Xuaterc

Xuaterc le 10/03/2023 à 12:09:06

Un habitué de ces colonnes et un groupe monstrueux, toujours au top

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 10/03/2023 à 12:27:08

Le chanteur italien, c'esr Eros Ramazotti ?

Pingouins

Pingouins le 10/03/2023 à 12:40:43

Fabrizio de Andre - Via del campo.
Cette phrase est d'ailleurs taguée sur les murs de cette rue de Gênes, dans les vicoli d'un quartier populaire du centre.

Thedukilla

Thedukilla le 10/03/2023 à 12:54:40

Vus en 2019 au Tyrant Fest. Ça sentait la rage, la sueur de prolo, et la dernière clope d’avant la pointeuse.

Places prises depuis des plombes pour les voir avec White Ward, Imperial Triumphant et Decline of The I en Avril. C’est plus une soirée-concert, c’est une orgie le truc.

D’accord avec Moland, #top2023 sans doute possible.

el gep

el gep le 10/03/2023 à 13:22:35

Ca ne nous dit pas ce que Monsieur Moreau a bien pu faire de la carte de félicitations adressée à Pidji pour son mariage...

Punish62

Punish62 le 10/03/2023 à 13:30:25

@Thedukilla

Ils n'ont pas joué en 2019 au Tyrant, remplacés à la dernière minute par Aorlhac.
Et par ailleurs, ils n'ont toujours pas foulés les planches du Metaphone.

Thedukilla

Thedukilla le 10/03/2023 à 17:51:55

J’ai dû me mélanger les pinceaux, j’étais sur de les avoir vu le même jour que Decline of The I et Pensées Nocturnes, que je n’ai vu que là bas…
Je sais que c’était pour la sortie de Punir, le lieu reviendra sûrement un jour ^^

Pingouins

Pingouins le 10/03/2023 à 18:45:03

Léger edit en image de la chronique pour donner une idée de l'exploration nécessaire pour chercher dans les recoins de cet album.

Dams1931

Dams1931 le 10/03/2023 à 20:23:58

Par contre je l'admets, ce groupe ne m'a absolument jamais transcendé, cela doit être génétiques...

Quand je vois à quel point il fait l'unanimité...

Tookie

Tookie le 11/03/2023 à 09:21:52

@Dams1931 : Jamais réussi à accrocher non plus. Trop glaireux pour moi sans doute !

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 11/03/2023 à 18:11:54

"Léger edit en image de la chronique pour donner une idée de l'exploration nécessaire pour chercher dans les recoins de cet album." : excellent !!!!

Tupedo

Tupedo le 16/03/2023 à 16:54:31

J'ai été surpris de les voir en couverture d'un magazine national. Mais c'est mérité, quelle claque cet album !

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