Fange - Purulences
Chronique CD album (32:10)

- Style
Sludge-Indus - Label(s)
Throatruiner Records - Date de sortie
14 mars 2025 - écouter via bandcamp
J’ai bien tout lu les Inrocks et j’ai tout compris. Le premier album c’est la déclaration. Le second la confirmation. Le troisième, celui de la maturité. Mais souvent ça s’arrête là, rapport au fait qu’ils font dans le jetable, sûrement soucieux de préserver la planète.
Du coup je suis pas mal emmerdé : le huitième album c’est l’album de quoi ? De trop ? De la redite stérile ? De la sénilité ?
Si vous connaissez un tout petit peu les gusses, le suspense est pas dingue. Le huitième album, chez Fange, c’est l’album de la tuerie annuelle. Je dirais bien « comme d’hab », mais ça laisserait entendre qu’on commence un peu à se lasser. Alors que non.
Et pourtant j’ai cherché du négatif à dire, histoire d’asseoir un peu ma trve-cred. Une baisse de régime, une errance un peu trop prononcée du côté de la cold wave, une repompe de riff. Mais rien de tout ça ici. L’insolence pure.
Les gars continuent juste de taper juste, toujours plus loin dans la veine. De charbon ou de sang, ça revient au même. Toujours épaulés par un Cyrille Gachet décidément à l’œuvre sur tout ce qui s’est fait de mieux ces dernières années dans le monde de la colère-bagarre (Pilori, Viande, Verdun, Year of no Light, Gravekult), le gang emmené par Matthias Jungbluth refuse une nouvelle fois le concept de médiocrité, avec un opus « entre tradition et modernité », comme on dit dans tous les bons offices de tourisme de régions mortes.
Tradition parce que les guitares retrouvent la place qu’elles occupaient de Pourrissoir à Pudeur (grosso modo, on va pas se disputer) : au centre du jeu, à distribuer les mandales et les tickets de rationnement à grand coups de riffs tournoyants du plus bel effet (« Mortes Promesses », « Grand-guignol »), flirtant aussi bien avec le Death de fond de cave (« Cavalier Seul ») qu’avec le Post-Hardcore poisseux à la Celeste (« Sans Conviction », « Juste Cruel »), le boulot abattu par Titouan Le Gal et Benjamin Moreau est toujours aussi titanesque (l’un et l’autre se chargeant respectivement des machines et de la programmation). L’assise rythmique se fait toujours aussi Godfleshienne, renforcée par le jeu tout en lourdeur d’Antoine Perron.
Modernité parce que tout respire mieux ici. Sans tomber dans le piège de la surcompression, la production laisse une belle place à l’expression de chacun, à commencer par Matthias qui n’a jamais été aussi audible, compréhensible, avec une belle modulation entre cri écorcé, déclamations trainantes, spoken words, et accents clairs, parfois au sein d’un même morceau (« Grand-Guignol », « Aux Abois »). L’occasion de profiter d’une quantité invraisemblables de phrases et images fortes qui feront à coup sûr leur petit effet en live. Le gars a l’écriture acre. Ou âpre. Dans tous les cas c’est acide et ça chatouille les muqueuses. En revanche c’est pas parce que ça respire que c’est moins étouffant. C’est juste que ça se joue ailleurs : dans l’écriture au cordeau de chacun des morceaux (qui ont le bon goût de ne pas s’éterniser), dans la surabondance de sirènes (« Grand-Guignol ») et leads glaçants (« Langues Fourchues »), dans l’absence de featurings qui, s’ils apportaient des orientations intéressantes, cassaient un peu la dimension monolithique de l’ouvrage. Dans le propos général aussi, toujours autant au service d’une vision : celle de l’Homme comme lieu de lutte, coincé entre haine du monde et mépris de soi, au point d’en finir avec la cage thoracique désaffectée, aussi vide et pleine de rouille que la Bretagne industrielle.
P.S. : allez les voir en live. Déjà parce que personne ne porte mieux les shorts courts que Matthias. Mais surtout : je les ai vu avec Imperial Triumphant et c’était grand. Je les ai vu avec Ulcerate et c’était grand. Je les ai vu entre Sorcerer et Author & Punisher et c’était grand. Fange, c’est le confit d’oignons du Sludge-Indus. Ça va avec tout, et ça se bouffe parfois à même le pot. Sérieusement, allez les voir.
9 COMMENTAIRES
cglaume le 28/03/2025 à 09:48:04
"Fange, c’est le confit d’oignons du Sludge-Indus."
🤣
Faut qu'ils en fassent des t-shirts putain haha
cglaume le 28/03/2025 à 10:00:27
(il en a fait du chemin notre Carcinos quand-même 🙂)
Moland le 28/03/2025 à 11:15:57
Ça sent le Rock In Bourlon, ces anecdotes.
Vu là bas pour ma part, et aussi à Paris en ouverture de KEN Mode. A chaque fois génialement intense.
el gep le 28/03/2025 à 11:20:13
Carcinos ?!? Y'a Benjamin ET Ronan dans Fange ?!? Tu confonds pas les deux par hasard ?
cglaume le 28/03/2025 à 11:37:28
C'est possible oui 😅 Ils étaient tous les deux dans Huata c'est ça ?
el gep le 28/03/2025 à 11:40:09
Oui, et c'est Benj' qui est dans Fange.
Vincent Bouvier le 28/03/2025 à 11:53:07
Il me semble que c'était Viking Jazz...
cglaume le 28/03/2025 à 11:55:44
C'est ça. Je dis de la merde. La vieillitude, ce naufrage 😅
Thedukilla le 28/03/2025 à 16:46:04
@Moland : c’était pour partie au RIB, pour partie au Black Lab. et « génialement intense » c’est le mot.
AJOUTER UN COMMENTAIRE