Leprous - Melodies Of Atonement

Chronique CD album (51:40)

chronique Leprous - Melodies Of Atonement

Malgré quelques vrais coups d’éclat, Aphelion avait été une semi-déception. Paradoxalement ce relatif accès de faiblesse manifesté par Leprous m’avait presque soulagé : c’est que c’était fatiguant, voire inquiétant, à la longue :

* de constater une telle infaillibilité sur la durée

* d’être à ce point touché par les complaintes pleurnichardes d’Einar Solberg, le castrat-dandy en chef

 

… C’est vrai quoi : les gros kiffs métalliques, c’est réservé à la fougue de Mayhemic, au sulfatage façon Archspire, à la luxuriance de Gorod et Venus, crénom ! Pas aux Ouin-Ouins fragiles d'un Jimmy Somerville moderne habillé chez Zara Homme ! Allez, tous avec moi les gorilles bedonnants : « Masculinité toxique powa in the name of Manowa ! »

 

… Hum, peut-être bien que je suis complètement con en fait. Faudrait que je me pose des questions – après tout Sartre lui-même a eu besoin de Simone de Beauvoir pour prendre conscience de ses réflexes reptiliens de vieux macho… Enfin bon, fin du hors sujet. Le fait est que l’album de 2021 avait été comme la fin d’un envoûtement, un retour au libre-arbitre musical.

« ♪ Free / Like the river / Flowin' freely through infinity... ♪ »

 

Eh bien laissez-moi vous dire qu’Aphelion n'était en fait qu’une parenthèse, une pause entre deux longues séances d’hypnose. Parce qu’avec Melodies of Atonement, les Norvégiens reviennent au plus fort de la séduction artistique garantie sans égratignure, ni excès, ni gluten. Car ce 8e album est un nouveau monument de chamallow rose pâle, dont on voudrait, au fond de nous, dire du mal (« Du Bobo Metal qui chouine ? Ça va pas la tête !? Pouaaah ! »), mais dans lequel on croque à pleines dents, et où l’on se vautre avec délectation.

 

Bordel mais comment font-ils ?

Vous dites ? Le Talent ? Ça ne serait donc pas un mythe ?

 

Exit – ou presque – les orchestrations de l’album d’avant. Retour dans un univers plus intimiste, entre désespoir sublimé et vifs éclats de grâce, le tout étant rehaussé de zébrures électroïdes, de soubresauts Djent aux angles arrondis à la sauce loungy, de flottements vaporeux et de soudains – et souvent fabuleux – élans de rébellion. Parce que crénom, on ne va pas se laisser sombrer au fond d’un caniveau !

 

C’est après un long silence de trois ans – d’habitude c’était deux maxi, mais cette fois il y a eu l’album solo d’Einar en 2023 – que Leprous s’en revient nous transformer à nouveau en cockers larmoyant de bonheur. Sans qu’il y ait de vraies bonnes raisons d’aboyer à l’encontre de la qualité des croquettes ou de l’exigüité de la niche (… on y reviendra quand même plus loin). Melodies of Atonement n’est qu’un long et doux soupir de plaisir. Des pulsations parasites de « Silently Walking Alone » jusqu’à la dignité décidée de « Unfree My Soul » – fin d’aventure où le héros accepte enfin l’inexorable fatalité d’un destin qui, dorénavant, n’est plus subi, mais devient une force. Mais ces 50 minutes renferment bien d’autres pépites. Le morceau-titre, dont les accès de dandysme sont vigoureusement soignés à l’aide de secousses guitaristiques flamboyantes, dont les refrains s’élèvent sans se heurter à nul plafond de verre, et où chaud et froid cohabitent avec une évidence rare. Sur « My Specter », dont les couinements légers émeuvent, et qui déroule ses émois en suivant la dynamique de l’épanouissement matinal du jardin fleuri. Puis on flotte suavement le long de « I Hear the Sirens », avant de se laisser convaincre par les « Lalala » – pourtant a priori horripilants – de « Like a Sunken Ship », tube qui finit par déchirer son costume de velours lors d’une conclusion où surgissent quelques shrieks et riffs plombés.

 

Diable, malgré les promesses patronymiques, la muse de la formation n’est toujours pas atteinte de la lèpre !

 

Sur la face B, les morceaux s’allongent. Ce qui, parfois, conduit à des errements, et ce faisant à de la perte d’efficacité. D’où cette stagnation de la note sous la barre du 9/10. Cette durée plus importante finit par exemple par nuire au groove trepaliumesque, pourtant particulièrement juteux, de « Limbo ». Car au bout de presque 6 minutes, les doigts finissent par fatiguer de claquer sur l’éternel même mode. Même érosion légère de l’attention au cours de « Faceless » – ce qui, toutefois, s’explique aussi par un registre initialement très piano jazz’n’lounge, assez peu remuant, donc.  Mais un savant crescendo permet de tenir bon, d’autant que le morceau finit sur une apothéose de chœurs généreux, constituée de pistes enregistrées par 170 fans, chacun dans leur coin. Un peu comme Devin Townsend l’avait fait avec son « Universal Choirs » sur Z2 , vous avez raison (… mais lui avait 1455 participants !). Puisqu’on parle du maître canadien, c’est sa toute-puissance crémeuse qui semble avoir inspiré Einar pour les mélodies vocales sublimement éthérées de « Self-Satisfied Lullaby » – titre qui, malheureusement, fait partie de ceux qui se perdent un peu au cours de leur 6 minutes et des bananes…

 

Et c’est une nouvelle chronique lourdement chargée en glucose et en prose grassouillette qu’il va falloir mener enfin à sa conclusion. Celle-ci, pour le coup, est évidente : quoiqu’un peu alourdi sur sa « face B », Melodies of Atonement signe indéniablement le retour de Leprous au sommet. Vérité que vous réfuterez toutefois si vous êtes de ceux qui n’ont pas vu en Aphelion un relatif loupé. Ou pire : si vous êtes l’un de ces rustres qui refusent de succomber au charme délicat des Norvégiens. Pour votre interlocuteur en tous cas, pas l’ombre d’une hésitation : il faudra être, le 17 janvier prochain, dans l’enceinte de la Salle Pleyel, afin de vibrer de concert avec ces bienfaiteurs de la sphère auriculaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : après un Aphelion ayant laissé entrapercevoir la possibilité d’un Leprous pas aussi infaillible qu’on le croyait jusqu’alors, on était prêt à se résigner à ce que les Norvégiens commettent des albums seulement bons – mais non plus géniaux, désormais. Sauf que Melodies of Atonement redonne des arguments à ceux qui n’ont jamais cessé de croire. Classe incroyable, mélodies éblouissantes, maîtrise incomparable du rythme, des contrastes et des émotions : tant de talent permet d’oublier une fois de plus la tendance éternelle d’Einar à se gratouiller le nombril sous les spotlights en poussant des couinements aigus. Sur le papier, on (je !) devrait détester. Mais ainsi que ce fut le cas avec nombres des albums précédents, on (je !) succombe à nouveau à la magie leproussienne

 

photo de Cglaume
le 21/11/2024

10 COMMENTAIRES

Tookie

Tookie le 21/11/2024 à 10:52:03

Lors des premières écoutes j'ai beaucoup regardé ma montre et soufflé d'ennui. J'avais eu exactement la même sensation sur Aphelion (que j'avais fini par adorer)...et bim : bis repetita. J'adore, happé par le côté intimiste, plus minimaliste. Mais c'est clairement le moins engageant de tous.

Black Comedon

Black Comedon le 21/11/2024 à 17:24:24

Album Sublime, je trouve qu'il n'y a que I hear the sirens qui est un peu faiblard par rapport au reste.
Serait ce le meilleur, serait ce l'album qui les fera passer dans la cour des groupe à plus de cents euros la place dans des salles sans âmes et à l'accoustique douteuse, zut je m'égare.
Dans l'esprit je rapproche cet album de Kindly bent to free us, l'abum qui donne l'impression que c'est simple, facile parce qu'il n'y a pas de grosse démonstration technique, comme the sky is red ou les montées dans les aigus de Nightime Disguise du l'album précédent, qui soit dit en passant n'était pas une déception, on Hold étant une chanson trés puissante quand on est pas au top dans sa vie bref. Ils sont forts, ils maitrisent, les nouveaux venu ont apporté quelque chose, Bravo Leprous ! 

cglaume

cglaume le 21/11/2024 à 17:46:06

De ce que je lis ici et là, l'album partage les fans. Bien content d'être de ce côté-ci du débat, pour le coup :)

Black Comedon

Black Comedon le 21/11/2024 à 18:00:23

D’après ce que j'en ai lu sur reddit les 2 teams qui s'affrontent sont celle qui a découvert le groupe quand il faisait du métal prog plus "tradi" avec Tall Popy Syndrome et Bilateral et celle qui a les découverts quand c'est devenu le support band d'Einar. Les premiers aiment cet album, les seconds moins.

Xuaterc

Xuaterc le 21/11/2024 à 18:08:28

Pour le moment, je ne l'ai écouté que deux fois, je l'ai trouvé plus musclé que le précédent

cglaume

cglaume le 21/11/2024 à 20:23:05

Plus musclé ? Carrément ?
Pour moi c'est du velours 😅

cglaume

cglaume le 21/11/2024 à 20:29:20

@Black Comedon : je suis plutôt de la famille des "tardifs". Comme quoi toutes les configs existent haha

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 22/11/2024 à 09:22:38

Petite astuce linguistique : il y a un pluriel à "exit", que tu peux remplacer par "exunt" quand tu fais une énumération. C'est tour pour moi ;)

cglaume

cglaume le 22/11/2024 à 10:25:59

Je vais favoriser la clarté au détriment de l'exactitude linguistique je pense 😅

Xuaterc

Xuaterc le 22/11/2024 à 11:55:29

 Comme je disais c'est une impression après deux écoutes pas forcément poussées

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