Łydka Grubasa - Socjalibacja
Chronique CD album (44:09)

- Style
Festoche Metal / Fusion Nawak - Label(s)
Autoproduction - Date de sortie
31 janvier 2020 - Lieu d'enregistrement Hertz Studio
écouter "Jadłostajnia"
Il n'inspire par forcément confiance, le crayonnage qui sert de pochette à Socjalibacja. Il sent un peu trop la feuille Canson A4 agrémentée d'un 16/20 décerné par Mlle Bêchue, la prof' d'Arts Plastiques des 3e B, qui avait demandé un dessin sur le thème « Ma famille et moi ». Seul avantage évident de celui-ci : la certitude que ce n'est pas une IA qui l'a pondu. Si un portrait des Bidochonsky est venu s'insérer aujourd'hui entre les pochettes à la Ed Repka / Andreas Marschall et les riantes têtes de morts qui constituent habituellement le gros de la déco de CoreAndCo, c'est qu'on avait bien aimé Ęć, l'album sorti l'année dernière par Łydka Grubasa afin de remettre au goût du jour les meilleurs titres de ses deux premiers albums. Le Metal festif, coloré, fusionnesque et parfois carrément Nawak de la joyeuse troupe avait en effet su convaincre le fan à poils jaunes de Dirty Shirt, Russjaka, Kultur Shock et Dubioza Kolektiv que je suis.
Socjalibacja est le dernier véritable album des Polonais. Et il brasse lui aussi, derrière un grand sourire légèrement Nawak, titres taillés pour le live, refrains à boire, et puis, selon l'humeur, cuivres pimpants, Rap, Reggae, sonorités celtiques, Ska, youpi et youpla. Et même si ce n'est peut-être pas la première comparaison qui vient à l'esprit, au fur et à mesure que les morceaux s'enchaînent ce grand fatras de styles et d'hilarité finit par colorer la fête aux couleurs de Nanowar of Steel, dans des nuances cependant moins ouvertement loufoques, moins parodiques et moins typées Heavy.
« Nie jem nic » commence par un gros exercice de cardio mêlant riffs gras à la Dirty Shirt, cuivres tantôt balkaniques à la Dubioza Kolektiv, tantôt sapés chic à la Horns, prières loufoques à la Nano, et chorale Gospel qui clape des mains et qui lord-djizeusse du M.C.... Rien de tel pour refiler une patate d'enfer et nous mettre dans les meilleures prédispositions ! Et la panoplie du parfait petit groupe de fiesta metallia de s'étoffer un peu plus sur un « Profesory » cavalant joyeusement, débrayant le temps de fumer un spliff from Jamaïca... mais laissant parfois entendre un synthé dont les sonorités Bontempi font naître comme des envies de mort lente et douloureuse. OK, ce genre de mélodie criarde sonne décalé poil au nez, donc ça renforce la touche Nawak... Mais merci, non vraiment, fallait pas.
« Jola patola » attaque sur des tonalités electroïdes, mais compense par un riff plus punky, plus Krav Boca, qui muscle son propos. Du coup, ça passe. Le morceau reste néanmoins relativement léger, du genre festif à gros sabots, pas désagréable, mais pas non plus hyper fin. Et puis l'on y entend encore trop ce sacrénom de synthé Playskool... va falloir que quelqu'un pense à tirer sur le pianiste, didjiou ! Mais c'est alors que l'on commençait à s'abîmer l’émail à force de grincer des dents que le groupe tire une belle cartouche, « Jadłostajnia », qui pratique le Rap jovial à grosse basse, balance une belle mosh part saccadée à la Pantera, et surtout tartine un refrain joliment troussé, démarrant sur une première note volontairement fluette, puis dégoulinant avec décontraction et coolitude.
Malheureusement, arrivé à ce point, le meilleur de l'album est déjà derrière nous. Pourtant celui-ci continue joyeusement sur huit morceaux – dont une piste entièrement parlée, « To chyba jakiś żart! », et donc parfaitement inutile pour qui ne maîtrise pas la langue de Lech Walesa. Mais comment dire : ils restent toujours dans une certaine facilité, un certain manque d'ambition qui donne la sensation de consommer du « fast food Metal festif ». « Ręce do góry » propose quelques moments bien Nawak... mais le refrain fait vraiment petit bras. « Szofer » sacrifie à l'exercice du Heavy médieval tagada-tagada sur mon fier destrier, mais son refrain – là encore – donne l'insupportable impression qu'il est entonné par des déménageurs décérébrés (sans parler du fait que notre oreille française entend « Chauffeur, Chauffeur », et qu'elle n'attend donc qu'une chose : un « Si t'es champion, appuie sur l'champignon »). « Walec » est tellement cousu de fil blanc et sûr de cartonner au Wurst & Kartoffeln Metal Festival qu'on a l'impression qu'il a été écrit pour l'Eurovision. « Ona mówi » est censé, on suppose, être frais et vitaminé. Mais on a surtout l'impression qu'il a été écrit pour séduire les jeunes têtes blondes et leur permettre, elles aussi, de goûter aux joies du gros metôôl. Quant à « Grać utwory », c'est de la grosse mélasse sirupeuse, à chanter la main sur le cœur, bras dessus bras dessous avec ses brozers ov metal : je ne comprends pas l'intérêt de finir sur une caricature aussi insupportablement rosâtre. Et non, ce n'est pas sa mosh part à trois balles – qui rappelle celle du « The Call of Cthulhu » des Nano – qui corrigera le tir.
Le problème de Socjalibacja est donc double : 1) un clavier dont on a trop souvent envie de lui expliquer à coups de batte de baseball qu'il existe d'autres options que les modes « scie synthétique » et « orgue clignotant » 2) de gros sabots de festivalier souhaitant s'époumoner jusqu'au bout de la nuit malgré ses 5 grammes d'alcool. On n'en est pas au niveau des pires groupes américains de Pipi-Caca-Popo Metal, mais parfois on aurait quand même aimé que le niveau du débat soit musicalement plus élevé. On apprécie la bonne humeur générale, ainsi que les « Nie jem nic » et autres « Jadłostajnia ». M'enfin c'est vrai qu'on est quand même un poil déçu après la bonne impression laissée par Ęć.
La chronique, version courte : comme Ęć après lui, Socjalibacja s'avère taillé sur mesure pour s'en payer une bonne tranche en festival, entre bonne humeur grassouillette typée « Europe de l'Est », détours fusionnesques dans d'autres genres ensoleillés, et blagounettes Nawak. Problème : à quelques exceptions près – « Nie jem nic » et « Jadłostajnia » – tout cela reste un peu trop ras des pâquerettes. Et ne rafraîchit donc guère plus qu'un fond de bière tiède. Ce dont, il est vrai, on peut tout à fait se contenter en festoche, quand on en est déjà à 3 grammes...
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