The Bleeding - Monokrator

Chronique CD album (30:22)

chronique The Bleeding - Monokrator

Si je vous demande qui donc, aujourd’hui, fait parler avec le plus de mordant le mélange Death/Thrash/Bouc/Belzebuth du côté de la perfide Albion, il y a des chances que vous me répondiez Hellripper (… allez quoi, faites un effort). Et nous serions bien d’accord, vous et moi (… oui, je sais : cette bonne entente est biaisée par le caractère purement monologuesque de l'exercice rédactionnel. Mais veuillez je vous prie cesser d’interrompre le fil de cette chronique, merci). Pourtant il existe un outsider de poids dans la capitale du royaume de Sa Magnificence Charles III. Et, coïncidence, celui-ci est constitué de potes de James McBain – Mr Hellripper – a priori, vu que ce dernier a été invité à pousser la chansonnette sur l'EP Rise Into Nothing, sorti en mai 2021 par lesdits potos. L’outsider en question, c’est The Bleeding, dont on vous avait expliqué ici-même combien l’album précédent, Morbid Prophecy, était une pure tuerie… à condition de se focaliser sur son tout début et sa toute fin. Parce qu’en son milieu, c’était comme si le groupe s’était foulé la cheville, tantôt boitant, tantôt faisant un break, autant de témoignages de faiblesse dont on préfère ne pas être les témoins quand on s’enfourne ce genre de skeud dans les oreilles…

 

Mais avant de savoir si / comment les Anglois ont réussi à faire mieux, un rappel sur le style desdits cocos. Ce que The Bleeding propose, c’est un Death/Thrash véhément. Pas un truc rugueux, à l’américaine, comme Abomination, ni même à la brésilienne, comme le pratiquait Sepultura à l’époque où il accédait enfin aux scènes internationales. La recette des Londoniens répond à des canons esthétiques plus européens, en mélangeant le côté furieux et rapide de Deflesh aux mélodies cinglantes de Dimension Zero. On y sent également un amour certain pour les sombres débuts du Big 4 of Teutonic Thrash Metal, quand Destruction, Kreator et Sodom faisaient encore peur… Si on veut renouer les ponts avec l'Oncle Sam et qu’on se concentre plus particulièrement sur la basse exhibitionniste de Jordan Muscatello (seule nouvelle recrue à bord), on pourra également oser une comparaison avec Sadus.

… Là, comme ça vous devriez avoir les idée plus claires sur les intentions de ces vils Saigneurs !

 

Alors oui, Monokrator corrige le tir par rapport à Morbid Prophecy. Quand à mi-parcours on tombe sur « Union of Horror », son début « essaim bourdonnant et matraquage brûlant », sa fougue parfois punky et sa superbe éruption, à 2:32, qui nous fait grimper de quelques échelons supplémentaires sur l’échelle de-Richter-et-des-solis-réussis, on se dit qu’il est loin le temps où l’on trouvait un ventre mou au 2nd album. De l’autre côté de la médiane tracklistesque, « Screams of Torment » est lui aussi relativement joufflu. On s’y décoiffe au souffle d’accélérations létales (après le break de la mort à 0:21), on y goûte un solo superbement Rock’n’Roll (Tasos, le guitariste, aime manifestement le vieux cuir, et il le fait souvent savoir tout au long de cette stimulante demi-heure)… À d’autres moments par contre, on retrouve de ces plans lourds, plus téléphonés, qui rappellent une époque peut-être pas tout à fait révolue. Comme sur cette première occurrence du refrain, un peu balourde, ou lors de ces gros ricochets lents et sans imagination qui assurent une pénible transition de 1:46 à 2:40.

 

Et puisqu’on en est à évoquer les moments qui éloignent Monokrator de l’idéal de l’album parfait, frottons-nous également au morceau qui donne son nom à l’album. Bizarrement, malgré son rôle de porte-drapeau, celui-ci propose l’expérience la moins grisante de l’opus, le rythme mid-tempo, les riffs bateau, l’imagination proche de zéro contribuant à faire de cette piste le point le plus bas sur la carte de la personnalité musicale – un comble pour un morceau-titre ! Dernière protestation de CoreAndCon le Ronchon : « Mutation Chamber ». OK, que Jamie Stungo ait un grain vocal parfois proche de Jeff Walker, why not. Qu’on trouve des faux airs de Carcass ci et là – tiens, ce riff typique qui racle les chairs à 2:01 sur « Chainsaw Deathcult » – rien de vraiment gênant. Par contre, sur cette 3e piste Mamie a clairement été poussée dans les orties : c’est pas quasi note pour note la mélodie principale de « Corporal Jigsore Quandary » qu’on entend là ? Le papier carbone est manifestement toujours en vente dans les papeteries musicales de l’île d’en face !

 

Par contre, vous avez vu la note : sur une grande majorité de ce 3e album, c’est juste le kiff absolu (… ouais, je parle le jeune démodé : j’ai des collégiens et lycéens à la maison, mais je reste un vieux con). Dès « Chemical Lobotomy » on se retrouve avec l’encéphale sur les cuisses, et on applaudit l’exploit des deux mains, des deux pieds et des deux oreilles ! Quel mordant, quelle patate, quelle acide assaut ! On apprécie ces séances de blasts teintées de Black, la chose atteignant un pic sur le très Dissectionnesque « On Wings of Tribulation ». On aime cette teinte Rock’n’Roll (je radote, oui) prise par bon nombre de solos. On vote OUI à cet esprit anarcho-dans-ta-mouille qui colore « Throes of Repulsion » aux couleurs du Impaled Nazarene le plus crêtu. On opine lors de ces deux épisodes où, subrepticement, Jamie, lâche de vieux cris aigus typiquement Heavy/Speed (sur « Union of Horror » et « On Wings of Tribulation »). Et puis on adore sans réserve cette basse qui passe sa tête par tous les interstices à sa portée, afin de nous chatouiller les ouïes de ses gironds ronronnements. Quand le matraquage finit par s’arrêter, on se dit que finalement, ça n’est pas si mal une bonne Saignée, et que si le prochain album continue dans cette voie, on n’aura clairement plus peur de devenir hémophile… Et qu’on en profitera jusqu’à la dernière goutte, exsangue, mais l’index et l’auriculaire haut levés !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : toujours à cheval entre les registres de Defleshed et Dimension Zero, mais  bénéficiant d’un supplément de sex-appeal « bass’n’blasts », les Anglais de The Bleeding livrent un 3e album qui non seulement ne sonne plus creux en son milieu (cf. le défaut majeur de son prédécesseur), mais pourrait bien faire d’eux les concurrents directs d’Hellripper vu à quel point il fait rimer virulence et pertinence !

photo de Cglaume
le 03/07/2023

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