The Dillinger Escape Plan - The Dillinger Escape Plan

Chronique CD album

chronique The Dillinger Escape Plan - The Dillinger Escape Plan

Franchement, je croyais tout connaître sur The Dillinger Escape Plan. Je vous jure! Vraiment! Je connais le groupe depuis assez longtemps pour avoir oublié depuis quand ça date..2002? 2003? Avant Irony Is A Dead Scene en tout cas. De ce groupe devenu au fil des ans un projet solide au line-up fragile, j’avais l’impression d’avoir tout vu: les lives depuis les premiers en baggys et à même le public aux derniers où la scène est le terrain de jeu d’un chaos bien rodé, les interviews de Weinman, de Pennie, Pucciato et les nombreux autres acteurs de ce long métrage de près de 25 ans, les “studios footages” aussi inutiles que passionnants dans lesquels on voit Weinman faire la whammy avec la bouche. J’étais persuadé d’avoir tout lu, tout épluché, la moindre interview, le moindre article, le moindre report de concert. J’avais même monté un site web sur le groupe, sobrement nommé The Web Escape Plan, il a fort heureusement (presque) disparu aujourd’hui. J'étais bien orgueilleux de croire que j'en savais tant. Tiens, j'en ai même appris la semaine dernière dans l'excellente chronique de Calculating Infinity signé de l'excellente plûme de Pingouins, l'un des dillingerescaplanologues que l'on trouve à la rédac de CoreAndCo.

Bref, The Dillinger Escape Plan et moi, c’est une longue histoire qui aurait du prendre en fin, comme pour tant d’autres le 30 décembre 2017 du côté de New-York.

 

Mais non!

 

L’algorithme de Youtube n’est pas ce qui se fait de mieux en terme de recommandations quand vous écoutez énormément de style différents mais v’là’ti pas que l’autre jour, je vois la pochette de ce premier EP, éponyme du groupe, sorti en 1997 sur un label au nom assez prémonitoire : Now or Never. Je n’étais pas là au moment du "now", je croyais qu’il s’était transformé en "never".

 

Mais non!

 

Voilà que j’étais face à la première pierre d’un édifice bâti par un groupe qui allait changer la face du hardcore pour le rendre chaotique, expérimental, progressif, mathématique diront certains, technique diront d’autres. Le casting est celui des origines, et l’un de mes préférés : Pennie à la batterie, Minakakis au chant. Weinman est évidemment là, seul derrière les guitares (suite au départ de Fulton quelques mois avant), probablement déjà en tant que tête guidante et pensante même si je sais que l’approche artistique et musicale de Pennie aura été très déterminante dans l’orientation originelle de leur musique. Adam Doll, qui aura malheureusement laissé une trace moins profonde dans l’histoire musicale du groupe, assure les basses.

 

L’artwork?…A remettre dans le contexte de l’époque mais si ce n’est surement pas le plus beau qui soit, ce n’est pas forcément celui qui a le plus mal vieilli. Le groupe ne m’a de toute façon jamais tapé dans l’oeil avec leurs visuels.

 

"Proceed With Caution", "I Love Secret Agents", "Monticello", "Cleopatra's Sling", "Caffeine", "Three For Flinching (Revenche Of The Porno Clowns)", 6 titres dont les versions studios résonnaient pour moi encore jusqu’à il y a peu comme des légendes, des intouchables dont j’avais abandonné (un peu bêtement) l’idée de pouvoir les écouter un jour. Bien qu’il me soit difficile de juger ce premier EP qui m’arrive dans les oreilles un peu après la bataille, je m’y risque.

Ce debut-album n’est pas un prologue timide, mal assuré d’une version balbutiante de Dillinger. Alors, oui, il est moins perché qu’Under the Running Board, moins dans la recherche, plus immédiat, moins “taré” mais peut-être plus direct. En tout cas impossible de nier que le style du groupe est déjà en place, en tout cas, sa substantifique moelle, celle dans laquelle les fans de la première heure se reconnaîtront.

Ils y trouveront cet hardcore chaotique, exutoire, débridé mais empreint d’une approche parfois mélodique, parfois technique et toujours très écrite même si l’interprétation convaincrait du contraire. Elle est ici débordante d’une énergie quasi-punk transcrite dans une avalanche de riffs déstructurés. Les chromatismes sont là, la dissonance aussi mais pas encore poussée dans ses retranchements les plus expérimentaux (il faudra atteindre Irony Is A Dead Scene donc "Caffeine" laisse pressentir quelques plans). Il y a aussi énormément de jeu avec les harmoniques naturelles, le larsen et beaucoup d’autres petits gimmick noisy de la guitare qui vont régulièrement chercher la fin du manche à la rescousse.

 

Minakakis est incroyable de puissance. Ca a toujours été mon chanteur préféré dans ce groupe (oui, même devant Patton) et je continue, plein d’orgueil, de croire que c’est bel et bien le meilleur. Il avait cette véritable fibre hardcore avec un rendu vocal incroyable. Il a dans sa façon de crier une espèce de modulation d’intensité, une jolie bancalité essoufflée du plus bel effet et que j’apprécie plus que tout. Il est très irrégulier mais dans le bon sens du terme et ça colle parfaitement. Et puis…Bah…Il chante juste…Hein…Bon…Pas comme d’autres…Les placements ne sont pas très variés mais il appuie la rythmique et c’est parfaitement ce dont l’auditeur peut avoir besoin pour se retrouver.

 

Techniquement au top, Chris Pennie n’est pas au summum de son inventivité mais il a déjà sa patte très jazzy dans l’approche avec beaucoup de fla et de grooves qui sortent complètement de la zone où les batteurs lambda se trouvent quand ils sortent de leur zone de confort. Au rendez-vous des signatures rythmiques pétées, je parierai plus qu’un pennie sur Chris. ⅞? Fastoche! 9/8 ? Tranquilloche ? 13/16 ? 15/16? Balaise mais à l’aise. Et tout ça dans le même morceau ("Cleopatra's Sling"). Et sa façon de frapper sa caisse claire très sèchement, très nettement, de la bonne giflette qui donne bon goût à la galette. Plus mécanique que Rymer, il ne manque pas de groove mais aborde la chose de façon plus martiale, il se fait métronome humain, décortiquant le temps pour le réassembler à sa guise.

Côté basse, c’est discret. Pourtant les plans sont absolument dingues ("I Love Secret Agent") mais apparemment souvent pratiqués aux doigts, le son a une attaque est ronde et du coup parfois un peu discrète.

 

Steve Evetts est derrière les manettes et met joliment tout ce monde en place. Ca sonne évidemment très fin des années 90, le son n’avait pas encore basculé dans le modernisme et la brillance très fat des années actuelles, ça manque un poil de respiration mais cela confère à l'album une couleur inouïe, comme s'il s'agissait du produit d'une expérience qui aurait débordé de tous côtés.

 

J’aurais bien du mal à trouver des défauts à cet album que j’ai intensément écouté depuis sa découverte. Déjà plein de folie, de fougue, distillant un hardcore chaotique qui sera étiquetté mathcore ensuite et à qui on attribuera une paternité plus ou moins discutée, The Dillinger Escape Plan est surtout un groupe unique qui a créé un style unique et l’a fait définitivement dès ses débuts et ce premier EP en est le sinon un témoignage d’archive. La première photo, charmante, pleine de nostalgie, d’un diaporama dans lequel on se dit “ah oui, c’est bien eux, ils ont l’air plus jeunes mais on les reconnaît bien”. Si Pingouins disait de Calculating Infinity qu'il est essentiel "quand on écoute des choses affiliées au hardcore, même si ça ne parlera clairement pas à tout le monde", ce premier EP en sera une très bonne préface.

 

 

On aime bien: la présence de Minakakis, le style déjà là, le premier d’une longue histoire, intrinsèquement très bon

On aime moins: rien

photo de 8oris
le 19/02/2023

4 COMMENTAIRES

el gep

el gep le 19/02/2023 à 09:15:22

J'avais trouvé ce disque sans difficulté y'a une vingtaine d'années mais... c'était pas du tout cette pochette-là, plutôt un truc encore avec des lampes d'amplis dans le délire de "Calculating". J'arrive même pas à la trouver sur le net, bizarre....

el gep

el gep le 19/02/2023 à 09:26:40

Ah si, suis con:
https://www.discogs.com/fr/release/2654008-The-Dillinger-Escape-Plan-The-Dillinger-Escape-Plan/image/SW1hZ2U6NjIyNDM4NQ==

Tookie

Tookie le 19/02/2023 à 13:10:57

Ah ! Je connaissais la même qu'El Gep mais pas celle-ci non plus. Je dois en revanche avouer que les fichiers MP3 de cet album moisissent au fond du disque dur...

Pingouins

Pingouins le 21/02/2023 à 20:01:37

Je n'avais encore jamais pris le temps de l'écouter non plus, alors merci :)
Et merci aussi pour le reste.

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