Ulver - Liminal Animals

Mine de rien, sans crier gare, en suivant son petit bonhomme de chemin sans se soucier des regards extérieurs, Ulver est en train de devenir l’un de mes groupes favoris, aux côtés de Pink Floyd et Solefald, notamment grâce à une discographie impeccable, au moins depuis Shadows of the Sun (2007). Déjà leur treizième album pour un peu plus de trente ans de carrière. Je vous renvoie à mes précédentes chroniques d’Ulver, qui couvrent quasiment toutes les périodes du groupe, pour une présentation du pack norvégien à la géométrie variable. Liminal Animals a été composé par Ole Alexander Halstensgård, Kristoffer Rygg et Jørn H. Sværen, et au cours des douze derniers mois, le groupe a publié, numériquement et sans aucune promo, six morceaux, un processus que les musiciens ont ainsi qualifié de « plutôt libérateur en ces années crépusculaires ».

Petit à petit, commence à se dessiner un monde dramatique avec « Ghost Entry », « A City in the Skies », « Forgive Us », puis « Hollywood Babylon », dévoilés progressivement à partir du 15 décembre 2023. Rien ne semblait présager le coup de tonnerre qui a frappé Ulver le 16 août 2024 : Tore Ylwizaker, le claviériste et bidouilleur électronique de génie depuis 1998, mais qui avait récemment pris ses distances avec le groupe, est retrouvé mort le jour de ses 54 ans. On imagine sans peine l’impact profond qu’a eu ce décès sur les musiciens. Bien sûr, l’album avait déjà été écrit quand ils ont appris la tragique nouvelle. Liminal Animals est bien évidemment dédié à sa mémoire, et les ambiances crépusculaires paraissent maintenant prémonitoires. Depuis, Ulver a livré deux nouveaux morceaux : « Hollywood Babylon », « The Red Light », ainsi que les deux parties instrumentales de la suite « Nocturne ».

Quelques semaines avant sa sortie, une version non officielle a été disponible et même référencée sur Metal Archives. Intitulée The Red Light, elle dispose d’un tracklisting différent, avec un remix par Autechre du titre qui a donné son nom à ce bootleg. Liminal Animals se termine quant à lui par « Helian », un morceau sombre et enivrant de 11 minutes, enregistré en septembre, et qui comprend la lecture par Jørn H. Sværen du long poème onirique et délirant de Georg Trakl. J’ai toujours bien aimé les sonorités de la langue norvégienne, que je trouve très chantante. Sur ce titre, la voix de Jørn H. Sværen, grave, éraillée et chaude, est chargée d’émotion.

Avec Liminal Animals, Ulver continue sa lente mue, dans son style si particulier, dans le prolongement de ses œuvres précédentes, tout en continuant d’évoluer comme il l’entend. Plus Rock cette fois-ci, avec une guitare particulièrement mise en valeur, sur « A City in the Skies », « Hollywood Babylon » ou « The Red Light », tandis que les « Nocturne » rappellent les heures les plus expérimentales, tout en restant structurées comme des morceaux traditionnels. La pochette représente The Senseless Seven, l’autoportrait dessiné d’Austin Osman Spare en 1911.

Les loups évoluent, encore et encore.

Xuaterc

le 28/11/2024