Devin Townsend - Transcendence

Chronique CD album

chronique Devin Townsend - Transcendence

Les années passent, et les albums de Devin Townsend continuent de tomber avec une régularité et une générosité qui frôlent la pathologie maniaco-altruiste. Après 2 doubles-albums (Z2 et Casualties of Cool, sortis l'un comme l'autre en 2014) blindés ras les gencives de matos [parfois] assez excellent – en tous cas toujours travaillé jusque dans les moindres détails –, il est assez hallucinant de voir déjà arriver Transcendence, 23e album studio (si l’on considère l'ensemble de l'œuvre, époque S. Vai exceptée) d’une carrière aussi fractale que kaléidoscopique, riche en projets, tournées, hors sujets et autres apparitions en tant que guest de luxe.

 

« Ouais mais ton gugusse là – qui fut un temps, il est vrai, un véritable petit génie –, c’est plus vraiment ce que c’était! Et puis dis: il a dû salement tirer la langue pour le pondre le petit dernier, vu que sur 10 titres il a réussi à caser 2 reprises… »

 

Certes. Mais c’est occulter le fait que 60 titres nouveaux ont été composés pour en arriver là, certaines des 50 compos refoulées à l’entrée de la tracklist ayant d’ailleurs été retenues pour apparaître sur un disque bonus dont je ne pourrai malheureusement vous parler, n’ayant pas eu l’heur de l’écouter. Du coup c’est aller un peu vite en besogne que de jeter la première pierre au robinet townsendien, qui soit-disant commencerait à avoir un débit faiblard du fait d’avoir trop généreusement abreuvé ses fans par le passé.

 

Par contre il est vrai qu’un nouveau challenge aura été nécessaire pour provoquer ce regain créatif, le Devin Townsend Project ayant été réactivé pour tenter de remporter un pari assez particulier: celui d'écrire un album au sein duquel le Canadien dégarni cesserait de jouer le rôle de narrateur omniscient pour laisser enfin s’exprimer ses amis musiciens et producteur (en l’occurrence Adam Getgood, qui s’est occupé de Periphery et Animals As Leaders) sans chercher à tout contrôler comme il pouvait le faire par le passé.

 

« Ouawh… Le Devin serait-il désormais assez mûr et sûr de lui pour enfin lâcher prise? »

Il y a de ça…  

 

« Peut-être y a-t-il là l’espoir d’entendre quelque-chose de nouveau alors? »

Mouais: l’espoir fait vivre… 

 

Alors non: Transcendence n’amène rien de nouveau. Déjà parce qu’il commence par une auto-reprise – celle de « Truth », cf. Infinity – qui ne donne pas spécialement envie d’échanger son paquet de vieilleries contre 2 barils de nouveautés, et qu’il finit par « Transdermal Celebration », une cover de Ween – sympa d’ailleurs, que Devin aurait presque pu l’écrire lui-même. Mais ça vous l’aviez déjà compris. Pour le reste les 8 morceaux sont tous dans la veine des Addicted, Epicloud, et autres Z2, avec en supplément de petites touches de Casualties of Ki (mouaif, la longue fin de « From The Heart »…). Bref, toujours ces tableaux fastueux truffés de chœurs de séraphins extatiques, ces petits matins à la sérénité tranquille, ou encore ces réconfortants câlins-confidences au coin du feu, l’ensemble étant en général taillé pour illustrer idéalement la scène finale où le héros – qui vient de sauver le monde au péril de sa vie – retrouve sa compagne et ses marmots au sommet de la colline depuis laquelle il contemple, confiant, le coucher de soleil sur un monde nouveau… Et en bonus, histoire de saupoudrer quelques brillantes paillettes supplémentaires sur l’œuvre, vous retrouverez de clinquantes orchestrations, ainsi que du chant féminin, dont celui de l’indéboulonnable Anneke.

 

« Si la recette ne change pas, on peut imaginer que le festin reste de qualité, non? »

 

Oui et non. A la première écoute, il est clair qu'on est content de retrouver ce que l’on venait tout juste de quitter sur Z2. Mais très vite l’épaisseur de cette soupe au sucre irrite (burp les « Stars » et autres « Secret Sciences »), et on se prend des envies de vouloir jeter Anneke avec l’eau du bain. Ça ne tournerait pas un peu à vide tout ça dites-moi? Et les plans Meshugghiens de « Higher », on n’y aurait pas déjà eu droit auparavant – genre sur « Planet of The apes »? Et cette sensation de baigner dans un sirupeux bain de spiritualité béate qu'un brin de mélancolie persistante ne perturbe nullement, ça ne vous donnerait pas envie de dépecer du scout à l'épluche-légumes, mmh?

 

C’est vrai.

 

Mais putain, t’as écouté « Failure »? C’est pas de la pure magie ça, bonhomme? Un peu de la martialité d’une attaque Ziltoïdienne, la pesante majesté d’un vol plané cétacé… Ample, imposant, vecteur d’un spleen léger, le morceau convainc très vite. Et « Higher » crénom! 9 minutes 40, et en fin de course, alors qu'aucun bâillement n'est venu perturber la fête, tu l’ajoutes à la liste de tes morceaux préférés sans même l'ombre d'une hésitation! Grandiloquent dis-tu? Certes. Mais pertinent. Avec des nom-de-nom de riffs salement accrocheurs! Et puis une bonne vieille rage comme on aimerait en entendre plus souvent. Sans parler de « Offer Your Light » qui, bien qu’il démarre tout clavier dehors comme le plus standard des morceaux de Blood Stain Child, nous rappelle vite les grands moments d’Addicted tant il coule avec punch et évidence!

 

Conclusion? Eh bien on se retrouve une fois de plus dans la position p’têt-ben-qu’oui-p’têt-ben-qu’non dans laquelle on avait quitté Z2. Avec peut-être un peu plus de bienveillance, vu que l’on n'a cette fois que 10 « petits » morceaux à ingurgiter, et donc pas de risque sérieux de traumatisme audio-digestif. Les 3 titres cités dans le paragraphe précédent rendent objectivement cette sortie tout à fait digne d’intérêt, mais il est vrai que sur d’autres compos on manque parfois de s’étrangler sur un trop plein de crème. Ceux qui n’apprécient que les 3 premiers albums solo du Canadien peuvent donc rester au fond de leur caverne à bougonner dans le noir, tandis que les fans frétilleront de l’excroissance caudale tout en regrettant que cet album, s’il s’inscrit bien dans la délicieuse suite Addicted - Epicloud - Z2, ne réussisse pas vraiment à retrouver la superbe des 2 premiers albums de cette série. On attend donc à présent le projet symphonique que cet infatigable glouton de Canadien est en train de nous concocter…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: 2 reprises, 3 très bons nouveaux morceaux, plus 5 titres rassurants-sucrés-convenus, tel est le bilan de Transcendence. Certains vont se lasser – et on ne leur jettera pas la pierre –, mais la triplette « Failure » / « Higher » / « Offer Your Light » devrait suffire à rassasier les fans…

photo de Cglaume
le 01/09/2016

9 COMMENTAIRES

korbendallas

korbendallas le 01/09/2016 à 12:27:36

Bon, je ne l'ai écouté qu'une fois, sur un trajet en voiture. Le l'ai trouvé moins pompeux et sirupeux, avec moins d'Anneke (tant mieux) ... mais pas eu envie d'y revenir pour le moment.
Je l'ai trouvé plat suite à cette écoute, avec un gros manque de patate, sauf sur un titre.

mcmetal

mcmetal le 01/09/2016 à 15:57:42

Bonne critique de bons titres dans l 'ensemble ,meilleur que Z2

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 01/09/2016 à 20:43:50

La chro est bien meilleure que le titre en écoute (rôôô cette voix, mes dieux !!).

Xuaterc

Xuaterc le 02/09/2016 à 08:02:59

Pour info, sur son meilleur album au Devin, il y a aussi une reprise, qui se cale bien, moi, ça ne me pose pas problème, tant que la cohérence est là...

cglaume

cglaume le 02/09/2016 à 09:12:13

Le mec qui lâche ça en commentaire pour qu'on lui demande: C'EST QUOI SON MEILLEUR ALBUM AU DEVIN ????

Xuaterc

Xuaterc le 02/09/2016 à 10:57:04

Je crois qu'il n'y a pas de débat là-dessus
https://www.youtube.com/watch?v=dZAKk3kxI1o

cglaume

cglaume le 02/09/2016 à 11:06:38

J'ai cru que tu allais me sortir un album de Steve Vai... :P

korbendallas

korbendallas le 02/09/2016 à 13:16:59

Débat non ... pas la peine ... mais City, Ocean Machine et Infinity sont pour moi au même niveau !

Xuaterc

Xuaterc le 02/09/2016 à 13:20:17

C'est vrai que Sex & Religion est essellent

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