Devin Townsend - Z²

Chronique CD album (1:58:21)

chronique Devin Townsend - Z²

Cette fois-ci j'ai une excuse. C'est vrai: comment voulez-vous rester modéré et concis face à un (double-!)album de la trempe de Z2? 21 titres, 2 heures de musique réparties sur 2 CD – Dark Mattersla suite officielle des aventures de Ziltoïd, et Sky Blue, la suite officieuse des aventures commencées sur Epicloud –, une foultitude de détails, et surtout – SURTOUT! – un contenu archétypal de ce qui fait balancer l’auditeur entre exaltation et exaspération, et laisse le chroniqueur dans un état de cul-entre-2-chaisite aiguë, proche du Schizophrenistan.  Alors c’est sûr, ce n’est pas avec ce 17e album (sans compter SYL, les lives, et en m’étant sûrement planté aux entournures dans le comptage) que je réussirais à torcher enfin une chronique en quelques lignes, histoire de ne pas perdre en route les peine-à-lire.

 

Mais démarrons sans plus tarder le gros du boulot. Et du coup, à sensations contradictoires, chronique en mode « Janus horribilis »:

 

Z2, ou la déception gonflée aux hormones

C’est manifeste: Devin commence à perdre un peu en inspiration. Alors que sa muse lui faisait violemment siffler la cocotte-minute cérébrale il y a quelques années de cela, il semblerait que celle-ci ait un peu trop fumé ces derniers temps (la muse, pas la cocotte), et qu’elle ne délivre plus ses idées géniales que par poignées éparses. D’où, pour conjurer cette vérité peu agréable, une tendance lourde à coller tous les potards dans le rouge, à multiplier les pistes instrumentales et vocales, à dégainer plus souvent que de raison les effets « écho céleste » et « cathédrale sonore », et à se raccrocher jusqu’à l’écœurement à tous ces gimmicks qui ont fait leur preuve pendant des années… Et Devin de se perdre donc dans une course éperdue où la quantité et l’emphase tentent maladroitement de masquer un appauvrissement généralisé du travail d’écriture.

 

* Tu peines à composer une ligne mélodique qui tue? Fais chanter ce que tu as pondu par plus de 2000 personnes en même temps (le fameux « Universal Choir », auquel ont participé des milliers de fans via Internet). Ou sinon inspire-toi du travail des autres, comme sur « Earth » dont la guitare céleste initiale semble empruntée au « Pierre et le Loup » de Prokofiev, ou encore sur « Ziltoid Goes Home », « March of the Poozers » et « Silent Militia » pour lesquels tu avoueras toi-même, dans le livret, t’être inspiré de Soilwork, Samael et Will.I.Am.

* Tu n’arrives plus à composer une chanson qui tienne la route? Eh bien n’essaie pas, et contente toi de composer une bande-son de pseudo-comédie musicale (Dark Matters donc), qui servira à monter des spectacles de la trempe de The Retinal Circus.

* Tu voudrais recréer la magie des jours anciens? Eh bien retournes-y! En revisitant Ziltoïd et Epicloud donc (nom de dieu que la dynamique de « Midnight Sun » est proche de celle de « Where We Belong »!), mais également Ki (« A New Reign », « Rain City »), Ghost (« Before We Die », dans lequel tu prendras soin d’inviter Kat Epple et son flutiau, à partir de 5:15, pour retourner dans les bois), Casualties of Cool (pour la sieste « Forever ») ou encore SYL (sur un « Ziltoid Goes Home » joyeusement combatif).

 

Et puis nom d'un p'tit bonhomme, c’est quoi ce « Rejoice » qui démarre Sky Blue? Le « Ladiyo-diyo-diyeeah » niais que fait tourner Anneke, ça ne vous fout pas hors de vous? Comment imaginer plus lourdement sucré, et plus radical pour engluer un titre aux atours pourtant relativement sexy? Et à quoi bon le brouillard vaseux qui termine « Rain City »? Et c’est quoi cette baudruche tiédasse baptisée « Dimension Z » qui joue les voitures-balais sur Dark Matters: on célèbre la fin des JMJ, c’est ça?

 

Botoxé de partout, le Devin Townsend de Z2 ressemble à ces anciennes starlettes qui tentent de nier le passage de la cinquantaine en se ruinant le compte en banque dans des cliniques de chirurgie plastique qui n’arrivent à rien d’autre qu’à les emmonstrifier, les lèvres sensuelles devenant pneus surgonflés, les nez autrefois mutins devenant massacre-au-rabot-II-la-vengeance, les ex-mignonnettes devenant in fine jumelles des Bogdanoff.

Il faudrait sérieusement que le père Devin pense à respirer entre 2 albums, parce que – restons honnêtes –, s’il est capable de se canaliser, de tailler dans le gras et d’arrêter de composer du haut de son Olympe pour autistes, il pourrait tout à fait nous ressortir l'un de ces chefs d’œuvre dont il a le secret. D'ailleurs le meilleur de cet album, de Deconstruction et de Ki, – par exemple –, compilé, optimisé et confronté à un regard extérieur, aurait pu être ce chef d’œuvre.

 

...Alors que là, c'est gavage à la Périgourdine avec les moyens fastueux et le manque d'imagination d'une machine de guerre Hollywoodienne.

 

C'est du gâchis-gâchis-gâchis que j'vous dis ma pôv' Dame...

 

Z2, ou les épiphanies de la création Townsendienne

Après la pause égoïste Casualties of Cool, Devin devait à ses fans de revenir avec l’un de ces albums maximalistes, pleins de chœurs de chérubins, de régiments d’archanges chargeant à dos de licornes, de riffs célestes et de puissants geysers de lumière. Et c’est ce cahier des charges que Blue Sky et Dark Matters se font un honneur de respecter à la lettre, ceci en 2 volumes Yin-et-Yanguesques, le 1er collant aux talons d’Epicloud et Addicted à l’aide de la bonne fée Anneke, tandis que le second prend la tangente Ziltoïd / humour-SF-proutesque aux côtés de Dominique Persi (chanteuse des Stolen Babies à qui, dans le cas présent, on a volé un bébé Poozer).

 

Les disciples du Devin Townsend « grand prêtre de Gaïa prêchant depuis le haut de la Montagne Sacrée » vont avoir le palpitant en surchauffe tant Blue Sky ne revient que rarement sur le plancher des vaches. Car c’est à un long voyage au sein des merveilleuses contrées oniriques de Youpiland auquel ils sont conviés, du sublime plongeon au milieu des naïades effectué à 2:28 sur « Rejoice » jusqu’à la douce béatification « The Ones Who Love » où l’on verrait presque l’auréole de Monseigneur Townsend briller doucement au milieu des nuages. Franchement, que demander de plus que le metal rock over the top de « Fallout »? Est-il possible de sonoriser un cocon moelleux plus idéalement qu’avec « A New Reign »? Est-il hymne plus puissant et œcuménique que « Universal Flame » (l’un des 3 gros tubes de l’album) ? Peut-on espérer refrain plus accueillant et vaste que celui de « Warrior » ? Peut-on enchaîner délicatesse sophistiquée et refrain puissamment positif avec plus de classe qu’au début de « Sky Blue »? Peut-on injecter la puissance martiale d’un Die Krupps dans l’univers Townsendien avec autant d’à-propos que dans l’irrésistible « Silent Milita » (2e des 3 gros tubes de l’album)? Peut-on consoler quelqu’un avec plus de persuasion que « Forever »?

 

On est d’accord: Sky Blue porte mal son nom, vu qu’à son écoute on est comme sur un petit nuage, le cœur emporté par des vents puissants mais bienveillants.

 

Et comme si cela ne suffisait pas, Devin nous propose en option un voyage intergalactique à gros budget où s’entremêlent l’univers de l’album Ziltoïd et l'aspect comédie musicale de The Retinal Circus. La superproduction résultante ne lésine pas sur les chœurs grandioses (parmi tant d’autre: « Z2 », avec son fameux Universal Choir, ou le superbe début de « From Sleep Awake »), les orchestrations fastueuses (avec, une fois de plus, le support du Prague Philharmonic Orchestra) et les marches triomphales (« March of The Poozers », 3e des gros tubes de l’album). Prenez « Ziltoid Empire »: certes, le début part un peu dans tous les sens, notamment du fait du dialogue qui s’y déroule. Mais dès lors que le Poozer s’enfuit pour retourner dans ses pénates – vers la moitié du morceau – on a le droit à du très grand Devin, sous forme d'un impressionnant mille-feuilles follement foisonnant mais parfaitement agencé. Puis sur « War Princess », lorsque Dominique se décide enfin à aller botter nos fessiers terriens  vers la barre des 0:45 , l’auditeur se trouve embarqué dans un appel martial et grandiose à partir au combat. « Earth » nous en colle une fois encore plein les mirettes, notamment lors de l’arrivée de Herman, puis dans sa suite « Ziltoid Goes Home » en fait tout autant ce dernier nous gratifiant entre autres d’un clin d’œil au titre « Planet Smasher » (« Tell Me What You Want From Me ») ainsi que d’un retour particulièrement jouissif dans le monde de SYL.

Et au cas où les nombreuses blablateries requises par la dynamique narrative du récit vous indisposeraient, Devin a même prévu de vous fournir la version « raw » de l’histoire.

 

Alors que demande le peuple?

 

… z’avez compris le message, non? Ce disque en est usant à tout le temps maintenir nos sens de pauvres fans Townsendophiles à un tel niveau d'excitation. C'est du sur mesure les copains: préparez-vous à l'orgie des grands jours!

 

Alors, au final?

Eh bien tout dépend de votre état d’esprit, de la quantité de bon vin bu avant l'écoute, et de la couleur du ciel entrevu à travers le vasistas ouvert au-dessus du pouf sur lequel vous vous envoyez ces 2 CD. Si vous rangez votre esprit critique au placard et que votre haleine s'avère délicatement chargée d’un fond de Gewurtz’ Vendanges tardives, vous allez sans aucun doute triper délicieusement. Si par contre vous avez passé une journée de merde et que vous avez envie de vous défouler sur une pauvre victime innocente, vous aurez du mal à contenir quelques grimaces dépitées et autres pulsions sadiques.

Vous êtes prévenus.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: P’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non. Z2 est violemment gonflé aux hormones, et pour moitié trop orienté comédie musicale. Mais également blindé de tout ce qui nous a fait faire des galipettes de plaisir sur Epicloud, Addicted, Infinity ou encore Ziltoïd. Un double-album qu’on adore ou qui écœure (… voire les 2 à la fois).

photo de Cglaume
le 11/12/2014

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