A swarm of the sun - An Empire

Chronique CD album (71:11)

chronique A swarm of the sun - An Empire

Y a du people cette année, chez Pelagic Records. Avec les fort sympathiques petits derniers de Oh Hiroshima, Bipolar Architecture et And So I Watch You from Afar tombés ces derniers mois dans les mails promotionnels de la team CoreAndCo, en tout cas, ça fait déjà du beau monde à l'affiche de leur festival annuel. On me dit même à l'oreillette de source quasi-sûre que leur catalogue réserve encore quelques surprises d'ici la fin de l'année. Et si ça pourrait effectivement être le nouveau A Swarm of the Sun, désolé de vous faire mariner mais ce n'est pas lui, attendu que je n'ai justement pas le droit d'en parler au moment où j'écris ces lignes.

 

Après eh, pour ce que j'en dis c'est déjà pas trop mal comme lot de consolation. Cinq ans d'attente avant de se replonger dans les nouvelles frasques d'un post-rock aux paysages sonores aussi percutants qu’élégiaques, moi en tout cas avec le dernier Hippotraktor (cliquez donc !) et tout le noisecore que j'engloutis au p'tit déj ça me fait déjà une année pleine de satisfactions ; l’îlot de tranquillité qu’il représente n’en est même que plus bienvenu. À plus forte raison lorsque l'album qui les regroupe « brise le cycle, défie la catégorisation et reflète les incertitudes inconfortables de notre époque ». Les boulimiques de musique expérimentale ont certes pris l'habitude de nuancer ce genre de formulation, un tel virage n'en garde pas moins de quoi titiller leur curiosité.

 

Pourtant, on ne peut pas spécialement dire que l’ouverture d’An Empire détonne tant que ça par rapport à The Woods – tant qu’à prendre le plus proche chronologiquement parlant. Étendue de la première au deuxième tiers de la seconde track, la déchirante nappe atmosphérique introduisant ce nouveau voyage aurait même presque l’air interminable. Une profondeur et une déréliction typées infiniment plus DSBM dans cette exploitation de la plus petite nuance de la palette chromatique de la tristesse – Woods of Desolation n’est jamais très loin – donnent plutôt l’impression de ne jamais vouloir laisser éclater tout le fatalisme hantant ses parties atmosphériques. Leur omniprésence et les modulations infinies qui les traversent ne manquent guère d’éloquence ; quand l’harmonium n’anime pas les textures de basses d’« Anthem » de pulsations surnaturelles aux plus doux accents de Sunn O))), un vibraphone soigneusement calibré structure celles d’« An Empire » d’une stridence chthonienne typée Raison d’Être, ou un piano éthéré appuie « This Will End in Fire » de ses accords lacrymaux. Tendez l’oreille et quelques petites touches d’orgue et de trombone parcourant l'album achèveront de plonger dans un univers sonore aux airs d’un Orange Mécanique post-apocalyptisé.

 

À ce moment-là de la chronique, vous pourriez légitimement vous demandez ce que je peux présentement bien foutre à vous parler d’un skeud de musique purement ambient. Et encore, je ne vous ai même pas encore glissé le plus petit mot sur des parties vocales entêtantes, souvent moins chantées que déclamées dans toute la beauté de leur mélancolie – comme, parfois, dans toute la rébarbativité de leur plainte, intro de « The Pyre » en tête. Le tour de force majeur d’A Swarm of the Sun à ce niveau-là réside en grande partie dans la pertinence du crescendo émotionnel avec lequel il introduit son post-rock corrosif, dont les premières mesures ne se manifestent qu’au bout d’une bonne quinzaine de minutes. Et ce, sans même qu’elles ne sortent réellement la tête en-dehors de la mer de nappes drone dans laquelle le groupe s’est bien appliqué à noyer ses textures sonores.

 

C’est même le lot de chacune de ses occurrences tout au long d'An Empire, et leur économie ne les rend finalement que plus explosives. Six titres divisent l'album en quatre mouvements distincts, en deux fois deux tracks courtes puis une longue. Si les sursauts post ne les balisent pas forcément, A Swarm of the Sun les amène systématiquement avec une fluidité désarmante dans la phraséologie de l’album. Sur les morceaux courts – rythmique martiale répétitive peu à peu enrichie et gratte amplifiée sur « The Burning Wall » pour se fondre en mur de son monolithique en conclusion – comme sur les longs – tout en textures synthétiques aussi lancinantes qu’abrasives rappelant Swallow the Sun.

 

Structures ambiantes perforantes et ballades émouvantes – en point d’orgue sur les huit minutes de la title-track – s’érigent en somme en piliers porteurs d’un post-metal incisif quand il le faut, dolent sans jamais sombrer dans l’atermoiement chronique. L’ombre de Cult of Luna, Hypno5e et Godspeed You! Black Emperor plane sur ce labyrinthe de sensations fortes à la construction millimétrée. Rien que la durée de l’album, d’exactement 1:11:11, ne doit rien, j’en suis persuadé, au hasard. Au terme d’un voyage aux hybridations multiples rehaussées par l’intervention du sempiternel aréopage de virtuoses dont Erik Nilsson et Jakob Berglund aiment s’entourer – Karl Daniel Lidén à la batterie, Anders Carlström à la basse, Minna Larsson Heimo à l’orgue et Vilhelm Weréen au trombone –, An Empire enrichit l’édifice d’A Swarm of the Sun d’une pierre gris sombre ouvragée, polie avec un soin à la mesure de la mélancolie habitant son artisan.

photo de Aldorus Berthier
le 05/09/2024

6 COMMENTAIRES

Pingouins

Pingouins le 05/09/2024 à 09:11:03

Tu le vends bien, faudra que j'écoute quand je redescendrai de la montagne.

Tookie

Tookie le 05/09/2024 à 09:34:46

Je suis content qu'on en parle parce que, comme toutes les sorties de Pelagic, celle-ci vaut encore le détour. C'est mélancolique à en chialer et même s'il n'ont finalement que peu évolués depuis plus de 15 ans, ils foutent toujours aussi bien le cafard.

Vincent Bouvier

Vincent Bouvier le 06/09/2024 à 11:59:45

Cœur de plomb et ciel de pierre.

Très bonne sortie.  

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 08/09/2024 à 01:30:34

@Tookie : Ah mais rien que de base Pelagic est vraiment ma top découverte depuis que j'ai intégré la team CoreAndCo, j'ai pas un exemple de mauvaise sortie dans leur catalogue cette année 👌
Ce genre d'album en plus c'est du pain béni à écouter quand jme tape une grosse phase de déprime, justement parce qu'au-delâ du cafard y a quand même un côté très spontané dans la démarche du skeud !

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 08/09/2024 à 01:32:31

@Ping' : Et pourquoi pas depuis tout là-haut dans ta montagne ? Il est sorti depuis en plus, même pas besoin d'aller chercher au fond des mails promos jetés à la corbeille !

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 08/09/2024 à 01:33:52

@Vincent : Rdv à la Massey si le Motoc les programme en 2025 ! (ce serait bien...)

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