Bloodbath - Survival Of The Sickest
Chronique CD album (44:49)

- Style
Death metal - Label(s)
Napalm Records - Date de sortie
9 septembre 2022 - Lieu d'enregistrement Rorysound Studios
- écouter via bandcamp
Allez, attaquons-nous à un problème mathématico-musical aux faux airs de grand classique : soit une baignoire de marque suédoise généreusement remplie de sang. Sachant que des brèches causées par 24 années de corrosion naturelle laissent échapper en moyenne un album tous les 4 ans, sachant de plus que le robinet à inspiration coule logiquement de moins en moins fort, calculez combien de temps il restera suffisamment de sang frais dans ladite baignoire avant que son contenu ne tourne en eau de boudin.
… Honnêtement ce n’est pas qu’on s’emmerdait – non, promis juré – mais après The Fathomless Mastery, on avait cessé de frétiller d'impatience à l’annonce des nouvelles sorties de Bloodbath. Pas que les opus les plus récents soit inintéressants, mais plus que le savoir-faire et l’expérience, ce qui nous stimule dans la musique ce sont plutôt la fraîcheur, l’insolite, ainsi que l’appétit et l’envie d’en découdre. Et il faut bien dire que ces aspects ne sont pas (... plus !) ceux qui caractérisent le plus les vieux renards aux commandes de la grande baignoire rouge. D’ailleurs certains de ceux-ci en ont vite eu marre, et on a donc vu rapidement partir les Dan Swanö (en 2006), Mikael Åkerfeldt (2012) et autres Peter Tägtgren (2005). Ces départs expliquent d’ailleurs que l’on retrouve aujourd’hui dans le spa écarlate Nick « Paradise Lost » Holmes au chant (… on préfère d'ailleurs quand il retrouve la pêche en enfer que quand il déprime dans son paradis perdu), ainsi que Tomas « Lik » Åkvik à la seconde guitare, ce dernier reprenant un poste décidemment en proie à un gros turnover – Joakim « Craft » Karlsson n’ayant finalement tenu que 2 ans.
Quasiment un quart de siècle après ses premiers bleuargl HM-2olâtres, où la formation a-t-elle décidé de nous emmener avec son 6e album ? Eh bien pas très loin de son point de départ à vrai dire. Survival of the Sickest continue en effet de pratiquer un Death old school pimpé à l'aide d’un gros son caractéristique de la 1ere division du Metal extrême, et promouvant une approche plus que jamais œcuménique, l’héritage « swedo- » laissant de grands espaces libres pour des sonorités plus largement européennes, voire même carrément américaines. Sur « Putrefynig Corpse » par exemple, à 2:00, on croirait que c’est Chuck Schuldiner himself qui vient se fendre d’un tapping. Et le bougre ne s’en tient pas là, l’hélico-riff suivant immédiatement, puis le solo venant juste après portant là encore sa marque. Mais à Tampa on trouve aussi Morbid Angel, et c’est à lui qu’on pense face au malaise rampant qui ouvre « Dead Parade », face au solo s’épanouissant en terrain hostile à la toute fin de « Malignant Maggot Theory », ou face à l’accablement aristocratique qui donne le ton à « No God Before Me ». Vous voulez toujours plus d’Amérique ? Pan : « To Die » fait revivre la groove vomitif d’Obituary, tandis que la première minute de « Malignant Maggot Theory » pourrait être l’œuvre du Cannibal Corpse des 2010s.
Sauf qu'on ne s’arrache pas si facilement à sa culture et ses racines. Les guitares gardent donc un pied solidement ancré dans le registre le plus baveux, certains leads glacés prennent garde de ne s’exprimer qu’au loin, derrière un épais rideau de brume (tiens, à 1:31 sur « Affliction of Extinction »), tandis que certains sprints ébouriffants conservent cette patine mélodique propre aux terres les plus septentrionales (cf. « Environcide »). Mais en cette période de renforcement des liens européens (Poutine aura au moins réussi ça), Bloodbath ouvre ses frontières pour laisser entrer Anglais (cf. Barney Greenway sur un « Putrefynig Corpse » assez Punk pour le coup), Hollandais (coucou le clin d’œil au synthé de Testimony of The Ancients – Pestilence – à 0:56 sur « Dead Parade ») et même Allemands (Marc Grewe de Morgoth vagit comme à la grande époque sur « To Die »).
Alors certes, de « Malignant Maggot Theory » à « Affliction of Extinction », on constate un certain flottement. Notamment lors d’un « Born Inferno » sans génie, qui latte basiquement, à mille lieues du registre exigeant de Gorguts – dans lequel officie habituellement le guest de luxe Luc Lemay. Mais les triplettes de tête et de queue de tracklist rattrapent largement ce coup de mou, en ajoutant personnalité et accroche au Death archétypal – velu et juste mélodique ce qu’il faut, sans donner dans l’excès putride ou dissonant – pratiqué par le groupe. Alors on déguste cette cuvée 2022 sans trop d’arrière-pensées, le rictus aux lèvres, en se disant que si on n’est pas sûr de savoir résoudre le problème énoncé en début de chronique, on sait par contre que le train « Nostalgie » parti en 1998 de la gare de Stockholm et le train « Expérience & Gros moyens » parti cette année de la gare de Napalm Records se croiseront le 9 Septembre 2022, à l’heure précise de la sortie officielle de Survival of the Sickest.
La chronique, version courte: efficacité, savoir-faire, nostalgie, Bloodbath continue de faire du Bloodbath, et le fait sacrément bien ! Alors non, pas de révolution, de retour aux Studios Sunlight ni au sommet de la chaîne alimentaire : Survival of the Sickest est « juste » un solide nouvel album qui satisfera les amateurs de Death old school de première division, féroce sans être excessivement barbare, évident sans abuser des mélodies faciles. Du travail de pro, sans surprise ni déception.
4 COMMENTAIRES
Black Comedon le 09/09/2022 à 08:26:47
La fin du son de grat bien granuleu + le départ de Dan Swano a fait rentrer le groupe dans le rang à partir de The Fathomless. Ca reste très très cool mais plus unique. De side project de Katatonia c'est devenu un groupe à part entière, ça me fait penser à ces petites brasseries qui pour faire face au succès ont pris de l'ampleur et ont commencé à brasser des mètres cube, perdant ainsi le côté "rough" des débuts.
cglaume le 09/09/2022 à 08:48:35
Bonne comparaison ;)
Crom-Cruach le 09/09/2022 à 09:08:39
Bon perso, je n'ai jamais rien trouvé d'original au groupe donc je pense que je ne serai pas choqué.
Crom-Cruach le 11/09/2022 à 10:30:22
Et pas déçu, du bon OSDM des familles.
AJOUTER UN COMMENTAIRE