Chelsea Wolfe - Abyss

Chronique CD album (55:23)

chronique Chelsea Wolfe - Abyss

Oh ça y'est ils l'ont fait ! La clique à Chelsea Wolfe l'a portée jusque dans le moule de « Grande Princesse Gothique ». Ils sortent son Antichrist Superstar, le disque reptilien NOIR et lourd, lourd de reproche sur la triste nature humaine. Sortez les trompettes de la Mort, attablons-nous pour le grand festin final, il est temps de changer les devises et d'écrire vos épitaphes, rédiger les testaments pour les chiens errants. Et les rats boufferont plus que les miettes.

La saturation sludgeo-doomesque est tantôt de sortie, l'attirail Electro-Indus Reznorien aussi.

Dès les premiers sons, on sent une volonté de corser l'affaire. Ou du moins, de la durcir. Indus ! GothoIndus, de la gomme de pneu et des armures lumineuses dans le noir !

 

Non mais qu'est-ce qui me prend d'adopter ce ton moqueur, là, la langue dans la joue, franchement ça ne se fait pas !

On rembobine et c'est reparti.

 

Je le dirai tout net, Abyss incarne parfaitement mes inquiétudes passées quant à l'évolution musicale de la blafarde musicienne. Je commençais déjà à être plus circonspect sur Pain Is Beauty (ce titre d'album érotico-comique, je m'en remets pas...), la faute à trop d'electro sans doute. Et trop de pose gothique.

Ici, je dirais presque qu'il s'agirait d'un écran de fumée créé par des fumistes. Séducteur par ses sons à la fois saturés et gras, par son petit clin d’œil SunnO)))-Om-Boris-Earth-StonerTrucs-MachinsDoomystiques sur "Iron Moon", par les parallélépipèdes Indus à strates à la Nine Inch Nails, donc, par la volonté acharnée de faire du glauque ("Crazy Love", "The Abyss" et tant d'autres choses...), j'ai pourtant accroché dès la première écoute, le pauvre CD-R promo (merci quand-même Pidji!!!) à blinde dans la bagnole sans clim' à 39 degrés à l'ombre, la tourista au cul, le mal de crâne vrillé dans un seul œil, celui de la chute, et des soucis plein la tronche.

Le disque du moment parfait, quoi, avec des violons de maison hantée et une femme qui chante la tristesse, la peur et les ténèbres.

 

Alors, oui les arrangements sont riches, quelque part ça a bossé sur les sons, nul doute. Mais n'est pas Portishead/Third (album terrifiant et Grand!) qui veut. Cette référence m'embêtait déjà au paravent du temps d'antan.

Je trouve que ça fait un peu cache-misère parfois.

Arrangements travaillés, compositions creuses.

J'ai eu une écoute, particulièrement une seule, où ça m'a vraiment sauté à la gueule, impitoyable ; Chelsea Wolfe n'a pas composé de morceaux solides cette fois. Il se passe des trucs mais en fait il ne se passe rien.

Alors, cette prise de recul était certes extrême et certainement en partie injuste mais elle m'a fait reconsidérer ce disque, à jamais. Impossible de revenir dessus, j'ai vu la lumière, je vous dis, j'ai vu les supercheries et les horreurs de ce monde.

Ses trois premiers albums et quelques étaient bien supérieurs. Ici l'habillage courtise et il faut payer en sortant de la chambre pleine de gimmicks... parfois riches d'idées folles, comme ce dernier titre "The Abyss" complètement cintré...

"Simple Death", " Maw", "Grey Days" et "After The Fall" (malgré un passage Klaus Schulze dancefloorisé à côté de la plaque – on dirait une blague des Melvins) sont peut-être les morceaux les plus honnêtes du disque. Les plus conséquents.

"Crazy Love" (mal assumé, un peu comme un interlude) et "Survive" reviennent, avec quelques instants épars dans la tracklist, à des choses sérieuses : une voix, une guitare. Et même une production qui gonfle avec intelligence et des claps flamenco-tragiques bienvenus pour la désespérante "Survive". Alors que "Color Of Blood", oui, avec tout le costume Darkos Big-Muffé, est réellement flippante et plus convaincante. Elle y chante avec un étrange défaut de prononciation, du genre de ceux qu'un coup porté en pleine bouche peut engendrer.

Ça fait cinq/six morceaux chouettes, c'est déjà pas mal...

 

Mais tout cela pour dire que cet album bien fait, bien joué, bien mixé, bien tire-la-manche est en fait un peu creux. C'est malheureux mais c'est ce que j'en retire, oui.

Une série de clichés pris à droite à gauche, des choses déjà entendues ailleurs – manque de bol, elles étaient dotées d'une personnalité bien marquée qui les rend facilement identifiables. Et Chelsea Wolfe qui semble avoir été atteinte de paresse au niveau du chant, merde ! Elle s'énervait déjà pas beaucoup par le passé, mais sa voix pouvait tenir tout un morceau en son sein, avec rien, un coup de gratte-gratte et point. C'est comme si elle avait légué les rennes à d'autres, des petits filous qui, disais-je en introduction, l'ont collée et enfermée bien à sa place dans son costume de chanteuse gothique murmurante au milieu d'arrangements qui se veulent grandioses mais qui ne sont que surfaits.

On est pas loin de la parodie en fait. Caricatural tout du moins... Et je sais bien que l'on peut tout tourner au ridicule, mais là c'est juste qu'ils en font trop du côté œillades auto-satisfaites et pas assez du côté morceau-qui-tue nerf de la guerre.

Car OUI, C'EST UNE PUTAIN DE GUERRE !

Ce monde est moche, il faut travailler, il faut faire quelque chose qui compte, quelque chose de personnel, quelque chose d'honnête, bordel ! On n' a pas besoin d'un producteur riche ! Je préférais quand elle enregistrait sur son 8 pistes. Putain, 8 foutues pistes c'est déjà Babylone, ah-ha ! Et là ils sont tout endimanchés dans leurs postures d'artistes, le verre à la main, le regard fuyant sur les petits fours macarons.

 

Quand-même, "Color Of Blood" me traumatise presque. J'ai l'impression d'entendre une chanson de femme battue, enregistrée le lendemain d'une des - forcément de plus en plus fréquentes - crises de violence de son cruel compagnon. Ce qui est quelque chose d'assez rare, vous l'admettrez, à part Ike And Tina Turner, je ne vois pas d'équivalent.

Oh vous allez dire que je suis un sale cynique de merdasse. Bah si vous voulez. J'étais pourtant sincère et honnête. C'est quelque chose qui me touche particulièrement. Rassurez-vous, de mon côté quand je tape, je tape dans les murs ou les containers à verre, pas sur les gens et surtout pas sur les gens que j'aime. Pas dans mes chroniques non plus, contrairement aux apparences.

 

Car il y a du bon dans ce disque. En gros, la moitié. Les « We love you » et tout le reste dans "Maw" me feront encore mentir. C'est beau, vraiment très beau, et c'est plus proche de la splendeur de son second disque, par exemple. Et l'album se termine dans les stridulations d'un violon esseulé et martyrisé, c'est le meilleur passage du disque. Le plus à nu. Et c'est tout de même un voyage intérieur à vivre si vous mettez de côté votre intellect et laissez parler les sensations, les émotions, si vous oubliez que le monde de la musique va très mal et que nous nageons perpétuellement dans des eaux d'hypocrisie et de formatage insidieux, ou la liberté de ton et la différence sont proscrites, mises au ban, noyées dans le sac comme de petits chatons malingres pas pure race.

Et c'est bien ce qui m'ennuie ici. Chelsea Wolfe s'est, en partie, fait bouffer par les mawchoîres de producteurs et les ceux-qui-savent pour séduire un public de chèvres molles bêtes à manger du foin carbonisé.

De l'émotion, oui ! Mais faudrait pas trop nous prendre pour des cons. Je suis quelqu'un de gentil mais si on m'accule, je mords. Fort.

 

Pauvre container à verre...

photo de El Gep
le 07/08/2015

5 COMMENTAIRES

Eric D-Toorop

Eric D-Toorop le 21/08/2015 à 09:30:16

"Grey days" réchauffe les larmes, quand même. Me remet pas de ce titre.
Bien vu pour Portishead, Zola Jesus, aussi... fin bref, c'est pas le name-dropping qui manque ; mais on s'en fiche car cet album est vraiment bien bon. Vivement novembre, elle joue dans mon patelin - -

el gep

el gep le 21/08/2015 à 13:28:38

Tu trouves pas qu'il manque... quelque chose, quand-même?
Je sais pas, tiens, le premier titre fait complètement truc Indus typique TradeMark, par exemple...

Eric D-Toorop

Eric D-Toorop le 21/08/2015 à 15:52:20

j'ai eu l'impression qu'il y'avait de "trop" à la première écoute, un riff de PJ, un break NIN, du flanger à Zola, du corps à Shannon Wright, etc...
et puis à mesure, le tout me plaît bien ... sans doute parce qu'il est moins dépouillé que l'unknown room (que je connais plus) et donc ça change la donne.

el gep

el gep le 21/08/2015 à 20:45:45

Pfffiou, "Unknown Rooms", autre donne ou pas, je trouve qu'il est tellement plus... beau.

Eric D-Toorop

Eric D-Toorop le 22/08/2015 à 08:54:26

des titres sublimes, certainement... mais un peu pathos sur la longueur.. fin faut que je le ré écoute ^^
Cette fille n'est pas capable de faire de mauvais disques.

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