Converge + Chelsea Wolfe - Bloodmoon: I

Chronique CD album (58:48)

chronique Converge + Chelsea Wolfe - Bloodmoon: I

Effet de mode ou direction artistique qui vogue en parallèle, après Julie Christmas & Cult of Luna, Emma Ruth Rundle & Thou, les apparitions de Lingua Ignota chez Amenra, voici Chelsea Wolfe & Converge, pour cet album dont je n'avais personnellement aucune idée du fait que cette collaboration aie été sur les rails. J'ai donc été assez surpris (comme, j'imagine, une bonne partie d'entre vous) au moment de découvrir son existence, d'autant que les noms accolés l'un à l'autre ne relèvent pas de l'évidence pour en imaginer un métissage.

 

D'un côté, après presque une trentaine d'années de carrière (pensez-y, leur premier album est sorti en 1994, c'est-à-dire quand Nirvana sortait son Unplugged), Converge continue d'arpenter la scène et de proposer de nouveaux albums. Inutile de s'étendre ici sur l'héritage que le combo de Boston a laissé, les milliers de groupes qui ont essaimé dans leur sillage constituent un ensemble assez éloquent pour ne pas avoir besoin d'abonder en présentations. Juste au cas où, faisons-en une : si vous ne connaissez pas Converge, filez de suite écouter Jane Doe, leur album sorti en 2001. Et ensuite revenez ici, parce que ce nouvel album, en collaboration avec Chelsea Wolfe donc, n'a strictement rien à voir. Si vous arrivez vers ce groupe par le biais de cette collaboration, vous risquez d'être un poil surpris-es.

 

De l'autre, Chelsea Wolfe pardi. Egérie rocko-gotho-ambiento-tout ça depuis une dizaine d'années, elle aussi a inscrit ses marques dans les paysages auditifs des musiques sombres, avec des sons relativement variés d'un album à l'autre.

 

Sur le papier, comme on le disait, réunir ces deux noms relève du défi, tant leur domaine de compétences (ou tout du moins d'activité) est distant. La base du projet remonte à 2016 quand, au festival Roadburn, Converge avaient invité Chelsea, mais aussi Stephen Brodsky de Cave In (qu'on retrouve de nouveau sur le disque, bien que son nom ne figure pas en première place sur la collab) ainsi que Steve Von Till de Neurosis avec sa guitare acoustique, afin de pouvoir s'aventurer dans des territoires que leur format de quartet ne permettait pas.

 

Alors n'y allons pas par quatre chemins : c'est globalement plutôt du côté de Chelsea Wolfe que penche la balance musicale sur Bloodmoon. On retrouve certes quelques incartades franchement Convergiennes (l'intro de « Viscera of Men » par exemple, qui rappellera les rythmiques roulantes d'Axe to Fall ou All We Love We Leave Behind, ou le titre « Tongues Playing Dead » par exemple), mais il faut tout de même bien constater que l'ensemble de l'album est globalement orienté low à mid tempo.

 

Il faudra donc parvenir à s'ôter de la cervelle que c'est de Converge qu'il s'agit, du point de vue direct et musical, parce que l'on ne trouvera que très difficilement ce que l'on pourrait s'attendre à trouver sous ce label. Mais c'est aussi un bon point : après une longue carrière sur l'une des pointes des musiques énervées, Converge ont fait le pari de la nouveauté, de l'évolution sonore et du renouvellement là où on ne les attendait pas. Ce qui constitue une véritable prise de risque et ne manquera pas de créer une division assez forte parmi les auditeurs et les auditrices à propos de cet album.

 

Donc, pour vaguement tenter, périlleux exercice s'il en est, d'en faire une chronique : de cette base rythmique relativement lente découle un album qui tire largement sur le post-hardcore (voire le rock) grimé d'ambiances plutôt goth, et c'est là qu'on sent que le style de Chelsea Wolfe a infléchi la musique dans ce sens, puisque ce sont des sonorités très atypiques chez Converge.

Et c'est là que réside l'un des intérêts majeurs de ce disque : des sons, des styles, des directions que l'on ne connaissait pas aux Bostoniens : l'ambiance à la limite Etrange Noël de Mr Jack de « Coil », l'intro acoustique proche du desert rock de « Daimon », des sonorités quasi rock psychédéliques en mode « dark Pink Floyd » et une vibe à la Portishead sur « Scorpion's Sting » (l'un des meilleurs titres du disque à mon sens, avec « Crimson Stone »), un JiBé (Jacob Bannon) qui s'essaye un poil plus que d'habitude à la voix claire....

 

Bon, ne nous méprenons pas, il vient aussi de temps en temps s'arracher les cordes vocales, ça reste Bannon. Mais il n'est pas le seul à le faire. Parce que ouais, Chelsea aussi se transforme en banshee hurleuse glaçante sur la fin du single « Bloodmoon » (ce qu'on était pas habitués à l'entendre faire), mais que Stephen Brodsky (Cave In, vous vous souvenez ? Mais aussi Mutoid Man) aussi s'y met. Sa présence permet d'ailleurs d'un peu mieux aussi certaines orientations et arrangements un poil plus rock, plus Cave In justement (« Lords of Liars »).

 

Plus que d'habitude, les paroles seront discernables, puisque c'est la voix de Chelsea que l'on entendra le plus. On pourra donc y accorder plus d'attention directe qu'à l'accoutumée, à l'envie, leur donner plus d'importance dans la forme que prennent les morceaux.

 

Au niveau de la batterie, on s'étonnera parfois du côté « trop simple » du jeu de Köller. Mais il faut vraiment se sortir de la tête ce que l'on savait de Converge : Bloodmoon est ailleurs, complètement. Et pourtant on retrouve des liens ici et là.

 

Je trouve personnellement la deuxième partie du disque plus solide, sur les quatre ou cinq derniers morceaux. La belle outro qu'est « Blood Dawn », la croisée des mondes « Daimon », un « Crimson Stone » lancinant et très beau là encore, qui vient faire s'entrecroiser en belles harmonies les trois voix à disposition... Peut-être est-ce le temps de s'habituer, mais je trouve ces derniers titres plus consistants, quand bien même l'explosivité n'est pas non plus très présente.

 

Il s'agira finalement probablement de l'album le plus accessible de toute la discographie de Converge.... sauf pour les fans de Converge, qui auront plus de fil à retordre que ceux de Chelsea Wolfe, qui y auront plus de repères. Il peut donc aussi s'agir du plus exigeant à appréhender, selon le côté de la barrière duquel vous vous trouvez. Par ailleurs, vous aurez noté le discret I sur la pochette. Et bien c'est parce que Bloodmoon s'appelle en fait Bloodmoon: I. S'il s'agit d'un chiffre, on peut imaginer qu'il y aura potentiellement une suite. S'il s'agit d'une lettre, et bien il s'agit probablement d'un élément central du concept de l'album, empêtré dans les couleurs et les reptiles.

 

Bref, arrêtons-nous là. Je suis déjà emmerdé par les notes générales à donner aux disques, là c'est pire. On va faire un truc : donnez vous aussi la vôtre. Avec un peu de chance la mienne passera entre les mailles.

 

A écouter plusieurs fois pour ne pas passer à côté, en s'imaginant un nouvel objet surgit du néant, sans attaches passées.

photo de Pingouins
le 24/11/2021

8 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 24/11/2021 à 10:15:33

Bah comme tu dis, pour le moment je passe à côté de ce disque. Je n'arrive pas à entrer dedans 😕

Pingouins

Pingouins le 24/11/2021 à 17:19:29

J'avoue avoir un poil réhaussé la note du fait de la prise de risque.
Sinon, comme je le dis plus haut, je trouve vraiment que la seconde moitié est plus accrocheuse, bien que le disque peine un peu à démarrer (malgré de bonnes choses).

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 24/11/2021 à 18:15:00

On va dire que Chelsea Wolfe m'en touche une sans bouger l'autre. On va dire dire aussi que Converge, après Axe To Fall, m'emmerde. Et bien là, curieusement, cette tourbe, même dans ses moments les plus poppy, me séduit. Elle trouve son rythme dans le bancal de certaines associations contre nature. Bien content de ne pas avoir eu à chroniquer cet album et bien content de l'écouter.

Freaks

Freaks le 24/11/2021 à 18:49:15

Cromy t'as laissé ta fille sans surveillance? Elle a usurpé ton identité ou bien? :p
Cool que ça te plaise, je t'attendais pas là.. 
Chelsea Wolfe apporte clairement un truc au chant, Stephen Brodsky aussi même si les compos ne lui permette pas de révéler tous ses atouts mélodiques.
Pas hyper emballé dans l'ensemble, un riffing convenu et pépère j'trouve. Rien de transcendant pour ma part même si les deux ballades avec Chelsea en lead me parlent beaucoup.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 26/11/2021 à 16:43:04

Ma fille est fan de Motörhead, Bolt Thrower et Body Count...

cglaume

cglaume le 26/11/2021 à 17:00:19

Veinard…

Freaks

Freaks le 27/11/2021 à 10:53:21

Tu vas me donner goût à la parentalité.. ça a l'air sympa en fait :p

Moland

Moland le 01/02/2024 à 16:51:18

Suis en train d'écouter le prochain Chelsea Wolfe, du coup, je relis les chros déjà consacrées à la Dame ici. 
En termes de collabs entre Circé et groupe obéissant à la règle des 3L, faut quand même pas oublier les patrons : Neurosis (l'un des 5 meilleurs groupes de toute l'histoire des collabs) et Jarboe (membre tutélaire de Swans, l'un des 5 meilleurs groupes de toute l'histoire des mariages pas si contre-nature qu'il n'y paraît) et on a aussi A.A.Williams qui a fricoté chez Mono ou encore Anna Von Hausswolff chez Swans et Sunn O))). Que du beau  monde qui donne envie de les voir se mélanger, tous, encore davantage. 

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