Déluge - Ægo Templo
Chronique CD album (56 mn)

- Style
Black Metal / Post-Hardcore - Label(s)
Metal Blade Records - Date de sortie
6 novembre 2020 - Lieu d'enregistrement F.-T. / Deviant Lab Studio
- écouter via bandcamp
Xtreme Fest 2017. Avant que cet event fasse la part belle quasi uniquement à des formations HxC et Punk, l’affiche proposée cette année-là était d’une densité et d’une variété assez inouïes. Jugez par vous-mêmes : Carcass, Septic Flesh, Nostromo, Hatesphere, Abbath, Mass Hysteria, Ultra Vomit, Sidilarsen, Stinky, Kadavar, Der Weg Einer Freiheit, Max & Igor Cavalera, … Une affiche suffisamment fournie pour que j’embarque à la fin du mois de juillet toute la p’tite famille pour des vacances tarnaises, suffisamment fournie pour que je fasse découvrir la scène metal à mon cadet de 7 piges le dimanche midi. Mon fils qui débutait alors la gratte n’est pas près d’oublier son premier concert : Déluge. Yep, je sais, j’y suis allé un peu fort : rafales de Jam à la batterie, hurlements de Maxime, lumières stroboscopiques, … Trois ans après, il m’en parle encore…
…Je l'admets bien volontiers : j’avais plutôt bien accroché à leur premier album Aether, spécialement à l’enchaînement dantesque des trois premiers morceaux, trois déferlantes à dire vrai (le reste étant marqué par un relatif essoufflement). J’avais même réussi à retourner Xuaterc, plus aisément certes que l’agent Brody dans Homeland. Un peu tiède, en tout cas mesuré et sur la réserve à l’occasion de la rédaction de la chronique pour notre zine, il a pu se rendre compte de l’énergie qui se dégageait en concert de cette formation originaire du nord-est de la France. Nous avions reçu ensemble, bras-dessus bras-dessous, une bonne claque lors du Ladlo Fest 2018 à Nantes.
Le mot que vous cherchez, c’est « Enfin, bref ! »…
Enfin, bref, tout cela pour vous dire que, cinq ans après la sortie de sonpremier opus et après être devenu le fer-de-lance du roster des Acteurs de l’Ombre (ce n’est plus le cas désormais), le quintet Déluge était attendu ; en tout cas ai-je appris la sortie de leur nouvel album, Ægo Templo, pour le début novembre avec un réel intérêt.
Nous avons droit ici à première vue au même BM Post-Hardcore, cette musique réunissant tout à la fois du Céleste, Converge et Deafheaven et combinant tabassages en règle et longues plages lentes que le leader compositeur F.-T., pas peu fier des novations proposées, qualifie lui-même d’« Untrve French Black Metal ». L’identité visuelle de l’album en témoigne : toujours autant de suggestions, de symbolismes, de métaphores, de références mystiques. En outre, toujours autant de samples de vagues, d’écoulements, de bruits d’eau, moins grossiers que sur Aether. Notons une grande stabilité dans le line-up, si ce n’est le départ du bassiste et le renfort d’un musicos pour les samples et les backing vocals. Même le gratteux Richard de Mello, malgré son intégration remarquée dans Dagoba, est resté fidèle au groupe qui l’a vu naître artistiquement. Des renforts sont, enfin, à signaler avec Hélène Muesser, la femme du boss, qui contribue avec sa voix cristalline sur "Abysses", "Ægo Templo" et "Digue", ainsi que Tetsuya Fukagawa, le hurleur d’Envy, à la fin de "Gloire au silence". Pour ma part, j’ai été moins saisi par la prestation vocale de ce dernier que par les riffs pénétrants qui l’accompagnent à partir de 4 mn 40s.
Des changements significatifs ont été apportés d’abord dans le son ardemment (re)travaillé pour devenir plus « accessible », ensuite dans le chant en français de Max (qui a eu ici les coudées franches), plus varié, moins vociférant et surtout plus intelligible. Cinq années, éreintantes à coups surs, ont été mobilisées pour cela avec la clef de multiples expérimentations (introduction du saxophone sur "Opprobre") et une évolution très nette vers du Post-Metal et du Post-Hardcore. Mais il y a eu un prix à payer, à savoir un Black Metal relativement mis en éclipse.
Et c’est là que notre chemin se sépare. Mis à part quelques morceaux (bon titre éponyme, "Béryl" sombre à souhait) et en dépit de sa prod’ tirée au cordeau, ce second opus m’a moins transporté, moins transcendé, moins ému qu’Aether. Et les multiples écoutes que j’ai pu faire depuis cet été n’ont rien pu y faire. Et cela commence dès les premières secondes de "Soufre" qui risquent d’en déstabiliser plus d’un… Déluge a par ailleurs perdu son côté smashant et percutant, celui-là même qui faisait des ravages sur scène. Les passages brise-nuque qui charpentent le mitan de "Abysses" et surtout la seconde moitié de "Vers" (à compter de 2 mn 40s) sont malheureusement trop rares. Dommage.
Dommage également les registres trop variés que Maxime et son comparse ont voulu donner à leurs performances (chant clair) : sur quelques morceaux, tels que "Opprobre", "Soufre" ou "Baïne", une semblable prise de risques n’est vraiment pas probante. Ce n'est pas le cas, à rebours, sur "Vers".
Ce nouveau Déluge va donc certainement, tout comme le premier (et peut-être même davantage), susciter des impressions tranchées et fort contrastées. Pour ma part, plutôt hameçonné par Æther, me voilà désormais propulsé bien malgré moi parmi les détracteurs. Mais je suis persuadé que, dorénavant portés par un label de renom (Metal Blade), les Messins trouveront de nombreux et nouveaux disciples : c’est tout le bien que je leur souhaite !
1 COMMENTAIRE
Vincent Bouvier le 02/12/2020 à 21:08:11
Déstabilisant effectivement. Dans les sorties de routes, il y a parfois des gros platanes...
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