Dog Fashion Disco - Cult Classic

Chronique CD album (41:35)

chronique Dog Fashion Disco - Cult Classic

« On vous prévient : on est toujours aussi gravement atteints »

 

C'est le message qui nous est adressé dès les toutes premières secondes de Cult Classic, via un sifflement en apparence nonchalant, mais se révélant vite sournoisement glaçant. Car c'est par l'entremise d'un petit gavroche junkie, sourire mauvais en coin, les mains dans les poches pour triturer une lame de canif ou une vieille seringue, que Todd Smith et Jasan Stepp nous accueillent au terme de 7 années passées à n'effectuer que des réenregistrements – ou presque, on n'oublie pas Get Possessed ni le premier Beyond Paranoid. Évidemment la paire est heureuse de pouvoir s'extraire de là où elle avait été confinée et de pouvoir enfin ajouter du matériel nouveau sur le catalogue de son propre label, Razor to Wrist. Pour autant elle ne compte pas fêter la chose en envoyant les flonflons de la fanfare, des lapins malicieux bondissant dans les talus et des bouquets de fleurs des champs. Alors si si, rassurez-vous : Cult Classic va quand même nous câliner un peu l'oreille avec des cuivres, mais presque exclusivement en face B, et après nous avoir copieusement enduit le pavillon auriculaire de suie et autres éclaboussures psychiatriques...

 

Ce qui est fort avec Dog Fashion Disco, c'est qu'ils ont beau poser un décor menaçant, grincer du riff et nous murmurer des horreurs en arborant un rictus sadique, ils ne peuvent s'empêcher de créer ce genre d’ambiances moites qu'on a bizarrement envie de requalifier en « chaleureuses ». Parce que cette guitare lancinante, cette voix MikePattonnesque qui surgit parfois du fond, cette batterie ample, puis ce soudain sprint Thrash croisés sur « Spider Fang » – premier morceau à l’introduction sifflée, donc – nous font nous sentir un peu comme à la maison (… vous me ferez le plaisir de venir boire le thé un de ces jours : j'ai refait l'isolation phonique de la cave et acheté une nouvelle scie à métaux).

 

Ainsi, malgré de fréquentes morsures acides, malgré des entre-deux inquiétants, malgré des menaces larvées, ce 9e album s'avère drôlement séduisant. Grâce à des mélodies qui font mouche, à un équilibre savant entre abrasivité Metal et éléments autres, mais aussi – et surtout ? – grâce à la science innée de Todd pour les refrains marquants et les formules finement ciselées. La chose est évidente sur « This Sow Is Mine » qui démarre certes sur un riff immédiatement gagnant, mais qui s'épanouit surtout sur un « Fuck Off and Good Bye ! » destiné à squatter longuement les recoins de notre cervelet, et à rejaillir aux moments les plus incongrus, sous la douche comme dans la file d'attente devant la caisse. Même démonstration de talent sur « Grand Experiment », morceau plus purement Nawak, vicieux et forain, traversé par des dégringolades Surf Rock, un solo Rockabilly, des claps-claps joyeux, des menaces entraînantes, et surtout quelques fulgurances magnifiquement accrocheuses – on garde ce « God loves his children » longuement en tête, accompagné d'un « … Don't try this at home ! » judicieusement complémentaire.

 

C’est certain, Todd et Jasan ont tenu à ne pas jouer la facilité. En témoigne le long « Spirit Cooker », morceau plombé, angoissant, oppressant, inexorable, dont l’ambiance n’est pas sans rappeler la fin éprouvante de Seven, en plein désert – non, n’ouvre pas cette boîte, tu n'y trouveras aucun Mon Chéri ! Autre salle autre ambiance avec « Black Omens », dont le début « champagne et napperons » – un piano bavard et un violoncelle guindé – tranche avec le Thrash houleux qui déferle rapidement. Le pus s’est accumulé depuis la sortie d’Ad Nauseam, et quand on perce les bubons ce qui en sort n’est pas joli-joli. Enfin c’est ce que pourrait relater un rapport décrivant froidement les intentions des Américains. Mais la vérité c’est que ces dresseurs de chiens dansants n’ont pas leur pareil pour transformer en or le gluant et le fétide. La preuve une fois de plus avec « Vomitorium », qui voit certes le grand retour des cuivres, mais dans le cadre d’une coexistence symbiotique avec de sinistres « You Make Me Sick » et de crépitants et impératifs « K-K-K-K-Catch it and Kill It ! ».

 

Toujours aussi peu easy-listening, « Wheel of Misfortune » glisse une séduisante mélodie en crabe entre des syncopes Thrash et quelques passages autistes débités par des mannequins décérébrés. L’un des rares solos de l’album (ils ne sont que trois) et un saxo relativement chaleureux viennent néanmoins contrebalancer ces tourments profonds. Par contre nulle bouée ne sera lancée sur un « If I Only Has a Brain » qui continue de nous maintenir la tête sous l’eau, notamment du fait d'une entame particulièrement chaotique. Seul oasis d’apparente légèreté sur la face B, « Destroyer of Hearts » a les contours tièdes et flous d’une procession vespérale à l’issue de laquelle une assemblée en costumes blancs lancera un dernier bouquet sur l’étui en sapin depuis lequel une victime paralysée et légèrement comateuse vit avec quelques heures de retard ses derniers moments de semi-conscience…

 

Drôle de voyage, pas vrai ? En même temps vous avez l’habitude avec ces lascars... Ceux qui aiment tomber la chemise et faire tourner les serviettes au son de tubas hilares et des pulsations funky regretteront un peu l’absence de ces moments presque festifs que le groupe sait parfois ménager. Mais aucun fan ne pourra déplorer ces excès de noirceur merveilleusement sublimés par une science de la composition et de l’accroche à nuls autres pareils. Plus sombrement dingo que joyeusement disco, ce neuvième album est donc une réussite – voire même un futur classique – de plus, qui n’en finit pas de nous conforter dans l’admiration que l’on éprouvait déjà pour le groupe.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : premier album depuis 7 ans contenant 100% de matériel inédit, Cult Classic révèle un Dog Fashion Disco plus sombre et torturé que jamais, et pourtant toujours aussi séduisant – tel le cobra hypnotisant sa proie. On se pourlèche les babines, on fait le plein de compos brillantes, et on continue de se dire que – quand même – on est bien plus à l'aise dans notre rôle de fan que dans celui de psy – ou pire : de victime – de Messieurs Smith & Stepp…

photo de Cglaume
le 11/04/2022

9 COMMENTAIRES

Arnaud

Arnaud le 11/04/2022 à 20:53:35

Merci pour ces belles découvertes : Dog Fashion Disco et Polkadot Cadaver....et  toutes les autres dont j'étais passé à côté (pour certains un trou d'une vingtaine d'années) :  Carnival in Coal, 6:33, Psykup, Pin-Up Went Down, öOoOoOoOo,  Cool Cavemen, Schrodinger,.... 

cglaume

cglaume le 11/04/2022 à 21:54:32

La liste est longue et belle. Bien content d’arriver à colporter un peu la bonne parole ❤️ :)

Xuaterc

Xuaterc le 12/04/2022 à 07:49:39

D'ailleurs, la chronique de Vivalavida de CinC arrive bientôt

cglaume

cglaume le 12/04/2022 à 08:33:56

En voilà une initiative qu’elle est judicieuse !!!!!

Arnaud

Arnaud le 14/06/2022 à 18:25:05

Le refrain de "If I Only Had A Brain" me fait penser à une partie du refrain de "Servitude" de l'album "Give A Monkey A Brain..." de Fishbone (dont quelques albums mériteraient quelques chroniques rétro du dimanche comme ça avait le cas à un moment - Limbomaniacs, Scat Opera, .... ). 

cglaume

cglaume le 14/06/2022 à 21:06:34

De Fishbone, tu pourras trouver la chro de Chim Chim ici.
Celle de Give a Monkey je l'ai écrite... mais sur le webzine Thrashocore, il y a bien longtemps :) 

noideaforid

noideaforid le 16/06/2022 à 13:24:30

Ça fait du bien d'avoir du neuf,sept ans déjà...! Les refrains restent bien en tête,j'aime bien ce côté moins pouet pouet (même si le pouet pouet DFD c'est cool),plus sombre,plus brutal. Ça m'a dérouté au début,j'ai eu du mal à me mettre dedans,je ne sais pas si c'est voulu ou si ça vient des plateformes musicales mais le son de l'album fait très... Profond ? Rétro? religieux ? année 90? Faut vraiment tendre l'oreille par moment. Où alors la surdité me guette... 

cglaume

cglaume le 16/06/2022 à 13:35:32

Je ne me rappelle pas avoir spécialement tilté sur le son. Faudra que je le réécoute avec ce point en tête...

noideaforid

noideaforid le 16/06/2022 à 18:57:31

Ce n'est pas péjoratif hin :-) !  les premières écoutes, cette impression de petit d'écho dans la voix et la batterie par endroit, d'ailleurs ça colle parfaitement avec la pochette d'album qui est superbe tout autant que l'album. C'est juste que c'est la première fois avec DFD qu'à la fin d'un album deux je me dis: monde de merde ! Avec un Ah Ah sarcastique. 

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