Flotsam And Jetsam - Blood in the Water

Chronique CD album (52:29)

chronique Flotsam And Jetsam - Blood in the Water

J’avoue: quand je pense « Flotsam and Jetsam », que je vois la photo du groupe et que j’entends la voix d’Eric A.K., j’ai un peu l’impression d’écouter Poivre & Sel FM en compagnie d’une bande de vieux quinquas qui comparent leurs souvenirs live de Maiden et suivent Zégut sur Twitter pour savoir avant tout le monde si Foreigner ou ZZ Top jouera sur les Main Stages du Hellfest. Alors c’est sûr, on est loin de l’ambiance des fans clubs de Betraying the Martyrs ou Eskimo Callboy… Et c’est tant mieux! Ouais, c’est ça, « vieux con », si vous voulez, ça me va. Parce que même s’ils ont ce petit côté « Sélection Thrash pour Manu & Tonton Roger » qui fera bêtement ricaner les jeunes piercés du sourcil, quand tu poses l’un des derniers albums des Américains sur la platine (je ne parle même pas de Doomsday for the Deceiver ou No Place for Disgrace qui n’ont pas besoin qu’on les défende), tu te prends une bonne grosse mandale. Virile, mais correcte la mandale. Mais virile. Parce que le Heavy Thrash de Flotsam and Jetsam est massif, fiable et immuable, et qu’il trace la route contre vents et marées, comme ces impressionnants road trains qui parcourent l’immensité du désert australien, à peine conscients des restes de poils agglutinés et de croûtes séchées qui tapissent leurs immenses pare-buffles et témoignent des vies fauchées au passage. Flotsam and Jetsam c’est la force tranquille du Thrash – le côté Force étant méchamment plus prononcé que le côté Tranquille. Flotsam and Jetsam c’est l’ancien qui ne fait pas trop de bruit mais qu’il est préférable d’écouter quand il l’ouvre...

 

Bref Flotsam and Jetsam c’est le genre de groupe auquel on ne pense pas souvent, mais qui procure de vifs plaisirs quand on le recroise au détour d'une sortie nouvelle.

 

Résumons rapidement pour la génération Z: Flotsam et Jetsam a eu un début de carrière de folie, avec deux premiers albums hautement estimés et un premier bassiste qui, quand il a quitté leurs rangs, a connu LA vie de rock star. Ces dernières années – notamment sur leurs 3 derniers albums – les Américains ont trouvé un équilibre artistique stable, façonnant leurs compos en piochant principalement dans ce bon vieux Thrash robuste, pas forcément hyper véloce mais large d’épaule, pratiqué par les Testament et autres Death Angel, mais également en proposant des moments plus mélodiques, plus épiques, plus grands-desseins-et-cœurs-vaillants – bref en s'adonnant à un Heavy/Speed/Prog rappelant tantôt Nevermore, tantôt une version Thrash de Blind Guardian, tantôt Queensrÿche ou Iron Maiden – le chant d'Eric A.K. se parant parfois de trémolos grandiosement dramatiques. Notez que malgré le « Prog » lancé timidement ci-dessus, la musique du groupe reste façonnée selon une tradition millénaire, en enchaînant de manière quasi systématique courte introduction, couplets, refrain mémorable et solo inévitable, ce classicisme assumé permettant de rentrer extrêmement facilement dans leur univers.

 

En dehors d’un artwork laid à choper la dysenterie en environnement stérile, le précédent album – The End of Chaosavait été une franche et chaleureuse accolade métallique qui avait arrosé de dopamine notre galette des rois 2019. Deux ans après, peu de choses ont changé. Ou plutôt si, mais légèrement, et dans le bon sens. L’artwork de Blood in the Water – leur 14e album nom de nom! – est certes toujours aussi peu organique, mais il donne carrément moins envie de se vider les boyaux en un geyser de protestation. Premier petit mieux, donc. Côté line up, un peu de mouvement: exit Michael Spencer, qui se voit remplacé par un « petit jeune confirmé », Bill Bodily, bassiste des très affûtés et relativement méchants Contrarian. Dernier level up notable, sans doute plus intangible mais néanmoins sensible: on note un petit mais net supplément de patate et d’inspiration, ce qui propulse le groupe quelques crans plus loin encore sur l’axe des abscisses de notre admiration ainsi que sur celui des ordonnées de leur Potentiel Sympathie.

 

Maintenant que trouve-t-on exactement quand on dissèque ce 14e album? Tout d'abord une entame solide constituée de 3 morceaux très représentatifs – tellement même qu'ils ont été choisis pour servir de mise en bouche avant la sortie effective de l'album. Parfait équilibre entre tabassage houleux et grandiloquence mélodique, ceux-ci affirment crânement que le groupe n'est pas là pour rigoler ni faire de la figuration. La 2e moitié de la face A accuse néanmoins un petit coup de mou du fait d'une power ballad à la Annihilator dont on aurait pu se passer (« Cry for the Dead ») et d'une caricature de morceau Heavy héroïque, en mode pompier à-dada-sur-mon-fier-destrier (« The Walls »). C'est un peu fâcheux, mais malgré ses quelques tortillons hésitants « A Place To Die » rattrape le coup, notamment grâce à son refrain higher-than-the-sky. Sur la face B par contre, tout n'est plus que miel et divines liqueurs. « The Wicked Hour » et ses opulentes parties de batterie a un bon petit goût du Forbidden de Distortion. « Too Many Lives » est une démonstration de force extrêmement convaincante. « Dragon » adopte le rythme d'une bande-son pour Grand Prix moto. « Reaggression » maintient la même moyenne, sans freiner dans les virages. « Undone » la joue plus Rock'n'Roll mais part en piquée sur de superbes pré-refrains scintillants. Et en guise de point final, les Américains nous offrent la plus grandiose des conclusions dont on aurait pu rêver pour clore cette formidable épopée: cavalcade menée à un rythme soutenu, dernier combat des justes restés debout jusque-là, orchestrations posées dans l'exacte quantité permettant d'apporter de l'emphase sans sombrer dans le too much, élans magnifiques, feu et or dans le ciel nocturne: « 7 Seconds » est le morceau parfait pour finir d'embraser le cœur du fan. Les déceptions et demi-molles de fin de parcours – qu'elles soient discographiques ou cinématographiques – sont tellement fréquentes... Que c'est bon quand, enfin, un album finit ainsi au sommet!

 

Blood In The Water est donc la preuve qu'il est possible de résoudre la délicate équation consistant à proposer, après 37 ans de carrière, un album excellent qui ne choque pas les fans mais qui soit réellement excitant, qui ne change pas la donne stylistique mais qui ne sente à aucun moment la routine – exercice ô combien difficile qu'un Sodom (par exemple) peine à réussir pleinement. L'époque vous permettant d'accéder facilement à toute la musique existante sans vraiment débourser d'argent, faites donc ce que vous n'auriez jamais fait si vous aviez eu à sortir un billet: allez jeter une oreille à l'album – à « Dragon » et « 7 Seconds » au moins – histoire de laisser une chance à ces vétérans incroyablement méritants.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Il semblerait bien, en effet, que quelqu’un ait fait tomber un peu de sang dans leur bassin, parce que les vieux squales de Flotsam and Jetsam ont sacrément faim, et leur envie de croquer l’auditeur à grands coups de mâchoires Heavy/Thrash fait plaisir à entendre! Car Blood in the Water est un très bon 14e album (!), tellement bon qui mériterait que le public voit enfin les Américains comme un grand groupe, et plus seulement comme les vénérables anciens combattants d'une guerre métallique révolue.

photo de Cglaume
le 02/07/2021

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