Deeds Of Flesh - Nucleus

Chronique CD album (40:36)

chronique Deeds Of Flesh - Nucleus

Deeds of Flesh… Pour l’auteur de ces lignes, ce nom réveille les souvenirs d’une lointaine époque où l’horizon métallique n’était que sang et couenne roussie, growls et blasts, blasphèmes et surenchère de brutalité. Cannibal Corpse, Suffocation, Immolation, Broken Hope, Cryptopsy, Deicide avaient permis de mettre le pied à l’étrier. Mais la jeunesse est un puit sans fond : ces quelques noms n'avaient évidemment pu suffire à rassasier un appétit carnassier. Heureusement les fanzines et un internet balbutiant avaient rapidement permis d’élargir le champ d’investigation. Ce furent donc bientôt Nile, Aborted, Benighted, Deranged, Vital Remains, Mortician et bien d’autres qui vinrent se joindre à la fête. Sans oublier Deeds of Flesh, donc, avec le référentiel Path of the Weakening. Je vous parle d'un temps qui remonte à bien avant que les breakdowns du Deathcore et les concours de celui-qui-a-la-plus-grosse-technique ne viennent changer un peu la donne. A l’époque il n’y en avait que pour le gras, les viscères et la gadoue. Notez bien que cela n’interdisait ni la « mélodie » (je mets des guillemets pour faire plaisir à Tata Solange) ni les prouesses techniques. Mais les canons esthétiques de ces groupes étaient bien distincts de ceux d’Edge of Sanity et Amorphis, ou encore d’Atheist et Cynic: le Brutal Death se devait d’être frontal, impitoyable, sale et velu.

 

Fast Forward vers 2020. Une grosse vingtaine d’années ont passé. Depuis il y a eu Origin, Spawn of Possession et Odious Mortem, mais aussi Rings of Saturn et Beneath The Massacre, et puis Carnifex et Whitechapel. Et bien qu’il soit ici question d’une toute petite communauté versée dans l’extrême de l’extrême – donc ayant tout intérêt à se serrer les coudes – les évolutions évoquées plus haut ont entraîné la formation de sous-sous-chapelles encore plus cloisonnées, avec les uns – les trves, forcément – bavant sur les autres, ainsi que sur ceux qui avaient dévié de la saine orthodoxie initiale pour se compromettre dans le « Metal impur » – dirons-nous, pour résumer la « Zemmour attitude » ambiante. Parmi les « déviants » figure un label, jadis révéré pour la violence de ses groupes, mais de plus en plus décrié pour avoir accordé une place grandissante aux groupes de Deathcore et pour avoir participé à la standardisation de prod’ de plus en plus cliniques (« plastiques », comme ils disent) : Unique Leader.

 

Pourquoi ce long laïus limite hors sujet ? Pour pleurnicher sur les jours heureux comme un vieux lapin nostalgique ? Pas seulement. Il faut savoir qu’Erik Lindmark, guitariste / chanteur / fondateur de Deeds of Flesh, mort en 2018 d’une sclérose (certaines sources évoquent plutôt une cirrhose), était également le fondateur d’Unique Leader. Et qu'à l'image de ce label, Deeds of Flesh a effectué un virage vers plus de technique et moins de grumeaux – à partir d’Of What's to Come si j’en crois ceux qui savent. Et comme de bien entendu, cette « déviance » a provoqué les Beurk des détenteurs de la Vérité avec un grand V comme dans Viril. « Sans âme », « Accumulation de riffs sans queue ni tête », « Générique » peut-on ainsi lire ci et là, à propos de Nucleus. Vous êtes d’accord : ce genre de situation où veuve et orphelin se tapent sur le groin réclame l’intervention de Lapinator, super-héros très attaché à ses premières amours musicales et par ailleurs grand défenseur d’albums sortis récemment sur le label californien, comme les derniers Exocrine, Afterbirth ou le superbe Välde de Humanity's Last Breath.

 

… Taïaut, sus aux lapideurs du web et aux rétro-snobinaaaaaaaaards !!!

 

Alors en effet, confronté à « Odyssey », intro théatralico-symphonico-matrixo-over-the-top (comme à l'outro « Onward »), on peut comprendre que les amateurs de bons vieux samples horrifiques à la Mortician s’étranglent sur leur bretzel. Le niveau d’emphase est tel qu’on se croirait plus chez Fleshgod Apocalypse que chez Brodequin. Par contre sur la grosse demi-heure prise en sandwich entre ces deux accès de faste hollywoodien, on se fait copieusement marteler les tempes ! Il est vrai que le son est particulièrement sec et moderne, quelque-part entre Beneath The Massacre et les chirurgiens modernes les plus velus issus du Quebec. Bref : bien loin des miasmes fangeux colorant les prods underground des 90s (Tu comprends rien lapin : avant c’était OR-GA-NIQUE). Perso’ ce son clinquant, net, propre comme un emballage de Livebox, qui a l’avantage de bien laisser entrevoir tout ce qui se passe même quand on traverse des nuées de marteaux-piqueurs mangeurs d’homme, je trouve ça pas si mal. Mais continuons avec ce qui fâchent les fâcheux : oui, les guitaristes se caressent dorénavant la nouille comme des Malmsteen siamois, rompant violemment avec la rugosité des morceaux. Et oui, c’est vrai, de temps en temps le groupe se livre à des saccades Decapitated-esques (tiens : sur « Ascension Vortex »), voire même à du breakdown sentant fort le dessous de bras de coreux méchu-djenteux (à 1:39 sur le morceau-titre). M'enfin la chose est rare. Sans compter qu’elle ne me déplaît pas. « Cépukomavant », certes. Mais – vilains rageux – dites-vous qu’il est fort probable que ce soit votre dernière occasion de rouspéter, étant donné qu’Erik Lindmark a décidé de prendre un CDI dans l’au-delà et que – semble-t-il – cet album est principalement sorti pour lui rendre hommage, en développant certaines de ses idées restées jusque-là à l'état de maquettes. Ce qui en fait probablement le dernier opus avant le raccrochage de gants. Et ce qui explique pourquoi une nuée de guests est venue lui tirer une dernière fois leur chapeau (on a du mal à distinguer les interventions d’untel et untel pour être honnête, mais si on tend l’oreille on peut entendre – je ne vous les cite pas tous – Luc Lemay de Gorguts, John Gallagher de Dying Fetus, Frank Mullen de Suffocation ou encore George Fisher de Cannibal Corpse).

 

Mais dépassionnons un peu le débat pour ne juger l'album que pour ce qu'il est, et pas pour ce que certains voudraient qu'il soit. Il est donc ici question d'un album de Brutal Death Technique relativement dense, qui offre un grand écart intéressant entre – attention, simplification ! – l'univers extrêmement déshumanisé de Beneath The Massacre et les momies faisandée de Nile. On s'y fait copieusement ratatiner les douilles lors d'assauts monumentaux qui évoquent en effet plutôt des cataclysmes cosmiques que l'atelier bricolage du serial tronçonneur de base. La question face à ce genre de déferlement dantesque, c'est est-ce que l'auditeur peut profiter du paysage en surfant sur la vague de violence, ou est-ce qu'il se prend le bordel en pleine poire, sans rien y comprendre, quitte à être saoulé au bout de quelques minutes ? Eh bien sur ce point le tableau n'est ni tout noir, ni tout blanc : un vrai damier ce Nucleus, quoique tirant plus sur le manteau neigeux que sur la mine de charbon. C'est vrai que sur la fin de l'album – notamment sur « Races Conjoined », qui est un vrai festival de l'agitation frénétique – on commence à peiner un peu. Non seulement parce qu'on a déjà pas mal morflé sur les pistes précédentes, mais également parce que les changements de braquets deviennent plus nombreux que jamais, et que la structure des morceaux finit par se perdre dans ce chaos de notes. Mais pour autant cela ne peut faire oublier les nombreux kiffs vécus par ailleurs. Notamment sur « Catacombs of the Monolith » qui offre certains des moments les plus flamboyants de l'album (préparez vous à avoir les poils dressés lors de la fière attaque ascendante qui démarre à 0:49, ou sur le pilonnage éclair qui intervient à 2:32) ainsi que sur son successeur, « Ethereal Ancestors », dont l'entame trahit un certains goût pour les Meshuggueries, et dont les derniers instants constituent une apothéose de grandeur métallique houleuse.

 

Alors en effet, même avec un fondu-enchaîné concocté sur mesure par le plus malin des DJ extrême-métalliques, Path of the Weakening aura du mal à laisser la place à Nucleus au sein de la playlist « Cookie Monster Party » sans que l'on se rende compte qu'il y a eu passage maladroit de relais. Mais si Deeds of Flesh trouve qu'on fait plus de dégâts avec un ED-209 qu'avec une massue, c'est son choix, et un choix qui se défend plutôt bien d'ailleurs. Le seul problème de Nucleus – si vous posez la question à mes oreilles de lapin sensible – c'est qu'il se perd parfois dans une accumulation bourrative de plans massivement brutaux là où il aurait pu être bon de laisser un peu respirer les cordes pour laisser parler la musique un peu plus longuement que le hachoir à viande. Pour autant on n'est pas là pour attraper des papillons et faire des bouquets de fleurs des champs. Alors si de temps à autres vous aimez prendre une bonne douche de plomb, n'hésitez pas à ingérer ce gros Noyau concocté par des experts en la matière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Erik Lindmark, fondateur de Deeds of Flesh et d'Unique Leader, n'est plus. Ces comparses – épaulés par une quantité dingue de guests – lui rendent un dernier hommage en finalisant des idées de compos qu'il n'aura jamais pu mener à leur terme. Nucleus s'avère donc être un album de Brutal Death velu mais technique, extrêmement dense, dans l'esprit – moderne, clinique, massif – de ce que le label a l'habitude de sortir ces dernières années. La chose est certes un peu bourrative sur la durée, mais néanmoins très impressionnante.

photo de Cglaume
le 23/07/2021

3 COMMENTAIRES

mams

mams le 31/07/2021 à 18:55:09

Leur plus mauvais album et de loin. L'aspect modern core et les breaks associés sont vraiment irritants. Les soli sont comme rajoutés à l'arrache et sonnent inappropriés. 5/10

cglaume

cglaume le 01/08/2021 à 08:04:23

Oui, ton avis est en effet représentatif de ce que disent une partie des fans du groupe.

Keyser

Keyser le 01/08/2021 à 08:42:27

J'avais tenu 2 écoutes. Absolument imbuvable. Tout ce que je déteste dans le brutal death technique moderne. Mais ça va bien avec ce qu'est devenu Unique Leader depuis quelques années. RIP.

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