Fractal Universe - The Impassable Horizon

Chronique CD album (57:30)

chronique Fractal Universe - The Impassable Horizon

Bien que la mythique pile du courrier en retard de Gaston Lagaffe reste inégalable, j’en connais une qui n’a franchement pas à rougir en comparaison : celle des albums promis-juré-je-le-chronique-sans-faute qui trône au milieu de la salle de rédaction virtuelle de CoreAndCo, alors que clignotent les décorations de fin d’année pour nous rappeler que les fêtes sont là et qu’on est grave à la bourre. Trônant au sommet de ma tour de Pise promotionnelle perso’ : The Impassable Horizon, le 3e des jalons longue durée régulièrement posés par Fractal Universe depuis le début de sa carrière. Et c’est avec le même plaisir que l’institutrice accueillant son meilleur élève au retour des vacances que nous nous saisissons de cette nouvelle copie remplie d’élégants pleins et déliés, de preuves d’une maîtrise parfaite du cours, ainsi que de ces observations judicieuses qui poussent le correcteur à griffonner remarques bienveillantes et bonnes notes méritées en rouge dans la marge.

 

Mais vous rappelez-vous où nous avions laissé le premier de la classe nancéen lors de l’épisode précédent ? Comme à son habitude, celui-ci arborait de belles moyennes et tout plein de compliments sur son bulletin trimestriel. On le félicitait de ne plus avoir besoin de se référer à ses camarades plus âgés pour réussir à rédiger ses rédactions. On avait constaté une utilisation ponctuelle d’un saxophone, celle-ci s’inscrivant dans la continuité d’une approche artistique toute en retenue et en sophistication – ah ça, Fractal Universe n’est pas ce genre de garnement qui colle ses doigts dans son nez et passe ses récréations à éviscérer ses petits camarades pour quelques billes. Eh bien sur ces plans, pas de chamboulement à l’horizon : ni Ducobuïsation sauvage, ni revirement Porn-Grind, The Impassable Horizon est une œuvre fidèle à ses aînées, très réfléchie, pleine de dentelles subtiles et de figures de style chiadées, et s'aventurant toujours plus loin sur la voie progressive – si bien que, même si la recette n’a pas changé tant que cela, on a désormais plus envie de parler de Prog Death technique que de Tech Death progressif. Si si, il y a une nuance…

 

Définitivement débarrassé de l’influence des Gorod et Trepalium (la musique du groupe se veut moins frontalement groovy), ce 3e album doit plutôt être abordé comme une version Prog moderne du répertoire de Darkane, le recours fréquent au chant clair rendant quant à lui plus évidentes les connexions avec les univers de Menace, Cynic, voire Voivod (période Nothingface). Le groupe aime plus que jamais jouer sur les contrastes, de fragiles origamis guitaristiques alternant avec d’imposantes coulées métalliques qui déchaînent tantôt les blasts, tantôt des saccades massives (l’ombre de Meshuggah plane de loin en loin). Si l’impression qui nous restait de Rhizomes of Insanity était une classe folle, cette fois, sans s’éloigner bien loin de cet univers feutré c’est le mot « élégance » qui s’impose à nous, sans doute du fait d’une sophistication toujours plus grande, celle-ci se manifestant notamment par une utilisation plus intensive (même s’il faut grandement relativiser ce terme) du saxophone, qui apparait sur pas moins de 4 titres.

 

Les conditions pourraient donc sembler réunies pour qu’enfin le groupe atteigne un palier supérieur – celui n’ayant pour le moment jamais réussi à obtenir plus qu’un 8/10 en ces lieux. Pourtant ce plafond de verre refusera cette fois encore de se briser. Car au bout de 11 morceaux, la très grande homogénéité dont fait preuve la musique du groupe finit par avoir un effet attiédissant, les alternances de chaud et de froid, les refrains-confidences finis à la Soupline et les solos de saxo faisant de moins en moins d’effet au fur et à mesure que les minutes défilent. Sans ses trois dernière pistes – dont un « Godless Machinists » qui aurait gagné à se contenter de ses 4 premières minutes et une version unplugged de « Flashes of Potentialities » – cette impression aurait peut-être été moins gênante. Mais en l'état, au moment du bilan, on se rend compte que la grande majorité de nos coups de cœur se concentrent sur la première demi-douzaine de morceaux. Sur « A Clockwork Expectation », qui sans contestation possible mérite son rôle de premier single. Sur l’alliance divine d’un solo lumineux et d’un refrain dans la grande tradition, à la fin de « Interfering Spherical Scenes ». Ou sur ce long et colossal ébrouement qui secoue « Falls of the Earth » sur son dernier quart.

 

The Impassable Horizon conforte donc Fractal Universe dans le haut de la première division Prog&Tech française. On pourra reprocher au groupe de ne pas avoir une personnalité vraiment proéminente, et de rester un poil trop monochrome sur la durée. On pourra le trouver un peu trop sage, trop appliqué – plus scout que punk, pour le dire autrement. Pourtant sa nouvelle offrande est une fois de plus un petit bijou de sophistication, d’équilibre et d’intelligence. Et si les Nancéens avaient su faire en sorte que le niveau d’excitation ressenti au cours des 5 premiers titres reste constant jusqu’au terme de ces 57 minutes de musique, leur album aurait fini sans problème dans mon Top 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: album après album, Fractal Universe continue de tracer son sillon dans le paysage technico-progressif français. Tout en retenue, en nuances et en uniforme élégance, mais réservant tout de même quelques belles démonstrations de force, The Impassable Horizon ravira les fines gueules avec une musique semblant dérouler le scénario uchronique suivant : "Et si Darkane avait viré Tech/Prog ?"

photo de Cglaume
le 27/12/2021

0 COMMENTAIRE

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements