Incubus - S.C.I.E.N.C.E.

Chronique CD album (55:52)

chronique Incubus  - S.C.I.E.N.C.E.

« Incubus, deux cubus, c’est l’heure de l’apéro Fusion++ ! »

 

Sauf que non : Incubus n’est pas le blaze qui revient le plus souvent quand sont évoqués les grands noms de la Fusion US des 90s. Pourtant le groupe a écoulé quasiment 20 millions d’albums, réussi à placer l’un d’entre eux en tête du Billboard dès sa sortie, et tourné en compagnie de Korn et System of a Down.

Oui mais ce bel édifice dissimule des vices cachés. Dont deux majeurs :

* les Californiens portent tout aussi naturellement – voire plus – les dreads névrosées de la scène Néo que les lunettes de soleil de la scène Funk/Rap Metal. Et vous savez comment sont les gens : il y a un tiroir pour les torchons, un pour les serviettes, et une corbeille pour les vieux kleenex. Et pas question de mélanger tout ça, car là où il n’y a pas d’hygiène, il n'y a pas de plaisir – comme pourrait le dire l’adage.

* et puis, sacrilège : le groupe a trahi. Tu quoque mi Incubi. Tout comme les grands frères de Red Hot Chili Peppers. Car en effet, dès son 3e album, celui-ci est tombé dans la facilité d’un Rock plus rangé, plus Ouï FM-compatible. Il a vendu sa muse au grand $atan. Pas celui, sympa, qui organise des messes noires à la cool avec des nonnes friponnes. Non : celui qui siège au conseil d'administration de Sony, qui organise de grands festivals familiaux sponsorisés par Pepsi, et qui consulte Michel Drucker pour valider la playlist Rock de noël.

 

Vade retro SataNéo vendu aux radios !

 

Certes. Mais que ces reproches soient justifiés ou non – on y revient – cela ne change rien aux faits. Et de fait incontestable, en voici un : S.C.I.E.N.C.E. bute ! Oui, malgré la trombine de « Jean-Eustache la Moustache » qui souille de jaune pisseux le bleu de la pochette. Vous n’êtes pas convaincus ? On va tenter d’y remédier... Vous avez tout à y gagner, croyez-moi !

 

Nü Metal, Incubus, vraiment ? Alors oui, le groupe s’est fait dénicher par Epic Records, label qui, à l'époque, venait tout juste de transformer Korn en poule aux œufs d’or. Et dès la sortie de son EP Enjoy Incubus, celui-ci partira sur les routes pour aller sautiller en première partie des aînés de Bakersfield. Et oui, c’est vrai que c’est Terry Date qui a assuré le mix, et que sur certains morceaux on sent que des tourments adolescents pourraient bien couver sous les riffs sautillants (écoutez « Vitamin » par exemple). Rajoutons une dernière couche : si un vieux lapin comme moi aura tendance à penser à Mordred en entendant DJ Lyfe scratcher comme si sa bière en dépendait, d’autre y verront plutôt une preuve de plus de la filiation maudite : « … Ah, tu vois : du pur Limp Bizkit ! »

 

Sauf que si l’on veut bien faire l’effort de se remémorer la raison d’être de la Fusion, on se rappellera qu’il s’agit de mélanger les genres. Y compris avec les trémas du Nü Metal. D’autant que s’il est vrai qu’on peut tomber sur quelques-uns des gimmicks du genre au sein des 12 pistes de S.C.I.E.N.C.E., on y trouve surtout de la basse slappée, des coups de soleil, et de GROSSES tranches de Faith No More, d'un Red Hot Chili Peppers old school, ainsi que de Mucky Pup. Bref, si Brandon Boyd et ses potos mettent des baggys une ou deux fois par semaine, ils enfilent quand même bien plus souvent des shorts de skaters !

 

Mais au lieu d'essayer de prouver que S.C.I.E.N.C.E. est plutôt un album de ceci qu’un album de cela, embrassons-le dans toute sa diversité, et insistons sur le fait que quelque soit la personnalité qu’il endosse, il s’avère quasiment toujours brillant, équilibré, et incroyablement séduisant. Car c’est avant tout une belle collection de tubes. Des plus évidents, comme « Redefine », pièce de Funk Metal à fleur de peau qui trublionne sur les couplets tel le plus impertinent des Faith No Chili Peppers, mais qui laisse également affleurer quelques fêlures sur un refrain joliment nuancé. Ou comme « A Certain Shade of Green », hit parmi les hits, qui invite au jump le plus vigoureux, et joue la menace séduisante sur fond de galipettes à la basse. Sans parler du plus insolite « Glass » qui fait mariner des samples féminins entêtants dans une grande soupe enthousiaste culminant sur un refrain qui, une fois planté dans la caboche, s'y agrippe comme une moule à son rocher (« Should I apologyyyyyyyy ? »).

 

Mais S.C.I.E.N.C.E. ce sont bien d’autres couleurs. C’est « Magic Medicine », interlude Trip Hop / Dub qui prend tout d’abord à revers, mais qui s’avère finalement logique et parfaitement à sa place. C’est « Summer Romance », balade veloutée sous l’ombre des palmiers, légère mais vive, le regard perdu dans le concert des lumières qui clignotent follement le long d’une baie estivale animée par des rythmes tropicaux et un saxo bienveillant. C’est « Deep Inside », qui voit Mike Patton accepter le collier de fleurs que lui tend Carlos Santana. Et c’est enfin « Nebula », morceau qui rompt d’autant plus profondément les codes qu’il pète joyeusement les plombs, à proximité des plates-bandes de Mr Bungle.

 

Et l'on s’y sent tellement bien qu'on a envie de se perdre encore et encore dans cette tracklist pétillante. Pour évoquer « Favorite Things », son riff hilare, ses grincements électroïdes, ses orchestrations orientales diffusées discrètement en fond d’espace sonore. Ou le trip brumeux « Calgone » d’où surgit un refrain qui aurait pu éclore sur l’un des opus du Mucky Pup de fin de carrière. Mais vous n’avez pas besoin d’en lire plus. Vous savez d’ores et déjà que ce 2e album d’Incubus saura vous procurer cette énergie positive que seule la Fusion des 90s semble être à même de vous faire ressentir, tout en vous emmenant en bien d’autres lieux, pas moins intéressants. Et c’est là l’une des forces de cet album qui, pour ceux qui refusent de voir la cohérence de ce brillant puzzle, aura le cul entre de multiples chaises, mais qui, pour nous autres, fait preuve d’une personnalité rare au sein de cette scène certes parcourue par des formations plus libres les unes que les autres, mais retombant souvent dans les mêmes réflexes bondissants...

 

Alors même si vous êtes de ceux que le Mathcore rebute et qui ne goûtent que peu les riffs quantiques d’un Meshuggah, pour une fois laissez-vous séduire par les blouses blanches et allez étudier cette S.C.I.E.N.C.E. qui mérite d’infuser longuement dans vos béchers et enceintes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: il y a eu un Incubus brillant et pétillant avant la tiédeur des succès Rock faciles… Une grosse Reebok Pump plantée dans le Funk’n’Rap Metal de Faith No More et des vieux Red Hot, quelques orteils trempés dans une scène Néo naissante, et la tête planant à mille pieds au-dessus des conventions, S.C.I.E.N.C.E. est une pépite trop peu souvent citée parmi les albums majeurs de la Fusion des 90s. Heureusement, vous, vous ne ferez plus cette erreur...

photo de Cglaume
le 24/10/2021

11 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 24/10/2021 à 14:09:02

Que de souvenirs avec ce disque acheté à sa sortie...
Tellement fun, tellement bondissant, que j'y reviens avec grand plaisir 😁

Xuaterc

Xuaterc le 24/10/2021 à 14:33:12

Un très grosse claque à l'époque. La suite en revanche a été beaucoup décevante
ça fait des années que je ne l'ai pas écouté

Viviangeldust

Viviangeldust le 25/10/2021 à 10:09:58

Album référence! Je retrouve certains accents de cet album dans du Twelve foot ninja d'ailleurs. Vous connaissez ?

cglaume

cglaume le 25/10/2021 à 12:11:36

@Viviangeldust : les 3 derniers albums de Twelve Foot Ninja sont chroniqués sur ce même site par ce même chroniqueur... La réponse est donc : OUI ;)   Et je n'avais pas fait la parallèle : le même public peut être intéressé par les 2 groupes en tous cas, c'est clair !

Ludwigretsch

Ludwigretsch le 25/10/2021 à 15:10:52

Un monument de fun délectable et jouissif, des zicos au top ! Avec Around The Fur et Aenima sortis à peu de choses au même moment, on tenait là le triptyque royal qui survolait méchamment la scène... Que de souvenirs et de bonheur !

dayedayedaye

dayedayedaye le 25/10/2021 à 15:40:39

Quel album mais quel album !!
Merci pour la chronique !

cglaume

cglaume le 25/10/2021 à 16:05:59

Retourner se tremper les oreilles dans la fontaine de jouvence Fusion, c'est toujours un grand bain de fraîcheur ! :)

Ludwigretsch

Ludwigretsch le 26/10/2021 à 15:03:12

"Thank You Scientist", groupe génial prog' fusion funk cuivré, font également penser à cette galette ! 

el gep

el gep le 26/10/2021 à 16:58:47

Me souviens d'un machin clinquant et peu fiable.
Pas envie de me remettre dessus...

cglaume

cglaume le 26/10/2021 à 18:34:50

Au lieu de te remettre dessus, tu peux te mettre en-dessous, sinon, Gepetto: il faut savoir être passif pour se laisser pénétrer par la musique haha

el gep

el gep le 27/10/2021 à 09:51:06

Très très bien vu Lapin, elle est ... bonne celle-là! Toujours un peu plus qu'une étincelle de génie, mon p'tit lapinou en sucrette.

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