Kehlvin - Holistic Dreams

Chronique CD album (34:50)

chronique Kehlvin - Holistic Dreams

Les Helvètes de Kehlvin nous avaient laissés avec le souvenir d'un post-metal à la croisée des univers dessinés par d'illustres aînés comme Isis ou Cave In dans ce que ces derniers livrent de plus aérien. Lorsqu'ils reviennent en 2021, après un silence de 6 ans, c'est pour se déprendre de toute dimension éthérée et lâcher un post hardcore habité par une rage brute, sans fioriture. Ce qui ne veut pas dire qu'elle ne se montre pas complexe. Bien au contraire. Concision ne sous-entend pas simplicité. Si les 7 titres qui composent "Holistic dreams" se ramassent sur de relatives courtes durées, ils n'en demeurent pas moins gorgés d'une riche énergie fort avenante. En effet, la fureur des compos ne délaisse jamais une certaine forme de mélodie qui offre  à l'ensemble un supplément d'âme.

 

Dès l'entame de l'album, le groupe prouve que ce long silence lui a été profitable. Tous les ingrédients d'un produit de bon aloi porté à maturité se trouvent réunis dans l'assurance des parties de batterie, la hargne des lignes de chant, vociférantes mais mélodieuses, et les surprises ingénieuses dans la structure du morceau. Lorsque "The impossibility of progress" s'achève sur un calme apaisant dispensé uniquement par les guitares, c'est pour mieux confier le relai au titre suivant, énervé, mais en totale possession de ses moyens. Car ce qui frappe tout au long des 35 minutes de l'opus, c'est l'extrême précision des partitions : ça saccade, ça s'emballe, ça se fige, l'espace d'un instant, avant de s'arracher les tripes à nouveau, mais jamais sans que rien ne dépasse ou ne traîne. Prenez "Causation failure", à la lisière du metal core technique et du post-hardcore furieux. Le moindre soubresaut s'y effectue à l'unisson des instruments, avec la précision chirurgicale d'un horloger. "Electric monks" constitue l'exemple parlant de la capacité du groupe à naviguer dans les territoires du sludge, avec cette lourdeur rampante mais  non dénuée d'une sensualité tout en rotondités entêtantes, par le truchement de riffs hypnotiques répétés à l'envi et une ligne vocale torturée. "Holistic dreams" déroule son programme de façon logique, fluide, cohérente. La lourdeur sludgesque se lie à une sinueuse sensualité sur "Gently thinking", tout en gardant la sauvagerie des titres précédents.

 

A bien y réfléchir, on retrouve là l'esprit de Mastodon, dans cette aisance à allier mélodies languides et tonitruance musclée. Le tout embarqué dans des structures qui relèvent de l'évidence, en apparence, mais qui, en réalité, s'avèrent bien plus sophistiquées qu'il n'y paraît. Car les rondeurs des mélodies ne s'échappent jamais des angles contondants des riffs acérés qui les soutiennent. Kehlvin n'alterne pas, mais marie savamment ces éléments a priori antagonistes. Résultat : aucune baisse de régime, aucun temps mort, ni faiblesse inavouée. Si l'album ne réinvente aucun genre en soi, il se montre en revanche extrêmement solide. Bien campé sur ses appuis, il peut alors s'autoriser des embardées contrôlées  hors des territoires qu'il arpente. Et ainsi, proposer de la variété dans un package compact. Car chaque chanson dialogue avec les autres de manière subtile, jusqu'à la pièce finale, "Flash backward", épique en diable. En somme, un retour réussi.

 

photo de Moland Fengkov
le 07/12/2021

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