Les Modules Etranges - Socially Awkward

Chronique CD album (53:57)

chronique Les Modules Etranges - Socially Awkward

Il aura donc fallu quatre albums et une poignée d'EP pour que Les Modules Etranges s'installent de façon durable dans l'évolution des musiques sombres. Un parcours qui tiens autant de celui de chercheur-documentaliste chevronné que celui de passionné aveugle. C'est que lorsque que l'on a une culture, on aime la partager, la discuter et 1000 fois la valoriser . C'était assez flagrant sur les premiers opus, jusqu'au dernier Turmoil qui, si sur la durée ne parviens pas à tenir la distance, avait joliment réussi son entrée dans le sillage noir des adorateurs de Rimbaud. Les sentences rimbaldiennes n'exprimant ici que le fait que les fans du mouvement gothique sont bien souvent plongés dans les mêmes torpeurs. Dans le partage, LME a sorti sur son label une compilation très réussie consacrée à cette scène qui pourtant, n'a pas toujours été tendre avec eux. Une bien belle réponse en somme pour leur implication, de même que les podcasts mixés qu'ils délivrent ça et là qui fait la part belle tant à leurs influences qu'à leurs contemporains.

 

Gothique, le mot est lâché. On va causer mouvement gothique, lèvres noirs, crêtes vertes et visages peints. Le décorum, en somme. Tout ce qui a amener un jour Andrew Eldritch, leader des Sisters of Mercy (une des influences de LME) a claqué la porte et se produire sur scène régulièrement habillé de blanc ou de rose. Tout ce qui a amené à ce qu'en 2012, on parle de mouvement cyber-goth qui n'est finalement qu'une version en noir et dentelles d'une Eurodance incestueuse. Musicalement, on ne peux plus creux, mais ça donne des déguisements parfois fortiches. Face à cette hérésie, une poignée de groupe en France, défendent le canal historique contre vents et marée et d'autres, moins nombreux mais bien plus combatifs, ont décidés de faire évoluer les choses. Parmi les plus notables, les vétérans de Popoï Sdioh, l'infatigable Madame B dans ses multiples projets et Les Modules Etranges avec Socially Awkward. Si un mot devait caractériser ce groupe, ce serait évolution !

 

Dawn qui sortait en 2009 est un album à l'ambition ténue, trop court pour bien défendre le groupe, un disque fait avec passion certainement mais qui reste trop dans la copie. Another Vision en 2010, plonge le groupe dans la mélancolie, l'atmosphère est sombre et la voix de femme-enfant d'Azia n'incite pas l'auditeur à voir autre chose qu'une certaine timidité, un manque de force pour porter le propos et le défendre. Avec Turmoil en 2011, c'est une toute autre histoire, l'envie, la hargne, la conviction, la force et la maîtrise. Une fois le coup de boule ressenti.... tout s'estompe. Un album très direct, sale qui secoue comme la boule de rage dans la gorge que l'on éructe.

 

2012, remarquez la brillante régularité du combo, Socially Awkward déboule sans forcément être attendu... rappelez-vous l'effet coup de poing du précédent opus, et c'est une toute autre histoire. Socially Awkward est rudement mené entre incursions punk new/no – yorkaises, mini-pièces Electro, chant engagé et guitares vrombissantes. Le groupe est libéré, en tout cas il s'en donne les moyens, des contingences stéréotypées du mouvement chéri. Si on ne reconnaissait la touche magistrale de Jenn pour les parties de guitares et la voix de tête d'Azia, on pourrait imaginer que l'on parle d'un autre groupe. Les nantais ont considérablement poussés leur art dans des confins jusque là inattendus.

 

D'abord, il y'a cette poignée de titres/singles-tueurs à haute valeur ajoutée, « Drawkwa », « Sick Tribe », « You.Me.Intercourse », « The Dweller of Threshold » bande-son/respiration apocalyptique, « Fire », la reprise très réussi du « White Rabbit » du Jefferson Airplane en fin de course (avec les Crimson Muddle). On en a plein la tronche, clairement. Le parti-pris volontaire de produire une bande-son urbaine, rêche et dense suscite parfois une sensation de suffocation. Et lorsque l'on respire – l'album contient un beau lot d'interludes façon Lynch ou Carpenter lorsqu'ils se mettent aux instruments- on respire à plein poumons la sciure. Socially Awkward est une bande-son pour notre monde malade, juste en avance sur l'échéance fatale. Elle renvoie immanquablement à tous ces films d'anticipation de Strange Days à Invasion Los Angeles en passant par Escape from New-York/LA et bien sur l'ombre de l'oeuvre de David Lynch. « Arya » qui ouvre l'album tire son inspiration de Twin Peaks.

 

Socially Awkward sous des dehors étouffants contient son lot de mélodies à l'éther « Misanthropy », « Sub Woman » et respectueuse, la reprise de « Trapped » d'Internal Autonomy.

En quatre albums et une poignée d'EP, Les Modules Etranges auront revisités de fond en comble presque 35 ans de musique sombre.

photo de Eric D-Toorop
le 06/02/2013

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