Redemptus - Blackhearted

Chronique CD album (51:30)

chronique Redemptus - Blackhearted

Le trio portugais de Redemptus n'en est clairement pas à son coup d'essai, puisque ce Blackhearted, édité par toute une batterie de labels, est leur troisième album à fouler nos territoires auditifs. Ils proposent donc en ce début de mois de septembre (bien que les morceaux aient été composés l'an dernier) un voyage dans les douces contrées de l'auto-dépréciation, du sentiment de vulnérabilité personnelle et du travail à faire pour laisser de côté la haine de soi, en renforçant le propos par quelques samples ici et là (« Blackhearted », « Purged by Light Engulfed by Darkness »).

 

Leur objectif avoué ? Brouiller les frontières entre metal, hardcore, punk et dérivés (ce qui – force est de le constater – correspond tout de même pas mal à la ligne éditoriale de ce webzine). Les musiciens ne sont pas non plus en reste en termes d'expérience et de mixité, puisque le groupe partageait un membre avec les doomeux montpelliérains de Verdun, mais aussi avec les post-metalleux portugais de Juseph. Comme on peut s'y attendre au vu de ces préliminaires, la plus grande partie du disque suivra des rythmes low à mid-tempo.

 

Pour ce faire, les Lusitaniens vont explorer sur ces dix pistes tout un ensemble de variations autour d'un socle central globalement postcore, ou post-hardcore, ou appelez ça comme vous voudrez. Ajoutez à cela les influences desquelles ils se réclament – Sumac, Converge (ce qui est certes un peu un poncif, mais l'originalité ici est que ce sont plutôt les parties les plus lentes de votre groupe de hardcore préféré dont on retrouve des touches, et non pas le côté chaotique et extrême) et surtout le travail des groupes de feu Caleb Scofield (Cave In, Old Man Gloom, Zozobra), malheureusement décédé dans un accident de voiture en 2018 – et vous aurez déjà une idée des contours (même flous) de leur musique.

 

C'est donc sur ces bases que s'ouvre Blackhearted. Et pour ne pas faire mentir la réclame, il est vrai que l'on ressent transversalement l'influence des groupes sus-cités dans la musique de Redemptus. Mais ce qui distingue très favorablement les Portugais de la masse des groupes de postcore divers et variés (encore que la mode se soit un peu estompée ces dernières années), c'est leur capacité à toujours se mouvoir entre les lignes et à amener des éléments suffisamment nouveaux pour accrocher l'oreille.

 

Ainsi, si certains morceaux seront par exemple plus typiquement proches des classiques du postcore, tel le premier morceau, qui donne son nom à l'album, avec de forts accents de Rosetta tirant sur des ambiances à la Isis sur la fin, ou « Purged by Light Engulfed by Darkness » qui évoquera un Cult of Luna à mi-chemin entre les périodes The Beyond et A Dawn to Fear, de nombreuses déclinaisons viennent s'ajouter à l'ensemble, tels des chemins de traverse à partir desquels piocher régulièrement à droite et à gauche, sans que cela ne semble à aucun moment surfait.

 

On aura notamment régulièrement un son de guitare saturé sur des riffs tirant plutôt du côté stoner/sludgisant (« It Was Never Meant », « How Much Pain Can Fit In One's Chest », début de « Swallow the Tears »...) avec des boucles et des vibrations qui viennent racler le sol et pourront évoquer des sursauts de Kylesa ou des vieux Baroness (« Sunk in Perpetual Tidal Waves »).

 

Ailleurs, ce seront d'autres acceptions du post-hardcore qui s'invitent, en s'appuyant souvent sur une basse lourde et un son différent, ici proche de l'école anglaise et de la myriade de groupes gravitant autour d'Alex CF, Lightbearer en particulier (« Still Resembles the Silence », « Doomed to Crumble » ou l'on sent également un peu plus l'influence convergienne, alors que le morceau démarre de façon paradoxalement plus doom), là plutôt sur les côtés à la lenteur martiale d'Amenra... Sans oublier des sons et parties de guitare quasiment psychédéliques parcimonieusement répartis tout au long de l'album, pour des touches de couleur et des reliefs bienvenus, notamment sur les morceaux les plus longs.

 

Du côté de la voix, ce qu'offrent Redemptus est là encore assez varié, avec quelques voix claires écorchées, la plupart du temps nettement hurlé dans la tradition post-core, mais parfois allant tirer sur des parties plutôt hardcore, mettant largement en avant le texte sur des parties plus calmes, pas si loin de ce que faisait Jeffrey Eaton chez Modern Life is War. Si Alex CF (Lightbearer, Fall of Efrafa, Morrow...) déjà cité n'est souvent pas loin dans les intonations, on aura la surprise sur le dernier morceau « Doomed to Crumble » de retrouver des grosses voix qui s'approchent terriblement de rien de moins que.... celles que posaient Von Till et Kelly sur Through Silver in Blood de Neurosis, pour s'abandonner dans un final plus noisy.

 

Alors je m'excuse par avance à ce qui ressemble à un banal name-dropping tout au long de cette chronique, mais les dix morceaux proposés ici par Redemptus parviennent à rester sur cette ligne de crête qui passe tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, sans jamais perdre de sa fluidité et de sa cohérence, digérant de nombreuses sous-catégories stylistiques pour en faire un objet aux contours fuyants mais jamais brouillons. Les intentions de bases sont donc respectées sur l'ensemble de l'album, qui offre une large palette d'émotions et de sensations et parvient à ne jamais rester figé.

 

Des sons de guitare changeant (en invitant d'ailleurs l'ancien guitariste sur un morceau), une basse lourde et racleuse, une batterie qui est presque la seule à accélérer parfois bien plus que les autres instruments, des jeux de voix variés (avec là encore un invité) : il y a beaucoup de matière à digérer sur ce Blackhearted, qui tire clairement son épingle du jeu dans un style que l'on considère parfois bouché. Et qui constitue donc une très bonne surprise de cette fin d'été.

photo de Pingouins
le 07/09/2021

4 COMMENTAIRES

Freaks

Freaks le 07/09/2021 à 12:42:59

Pas mal le timing Pingouins ;)
En tout cas au vu des refs ça a l'air bien cool ce groupe.. Vais m'y mettre.. 

Freaks

Freaks le 07/09/2021 à 23:42:54

Niveau name dropping jentend du Have heart dans la voix.. Et les compos sont hyper bien foutues.. Un petit avantage aux guitares ;) 

Freaks

Freaks le 07/09/2021 à 23:50:43

A la guitare omnisciente. Autant pr moi :p

David

David le 24/09/2021 à 04:45:12

Love this band, awesome album and Awesome review, they really stand next to a lot of the band you mentioned. Just two notes on the review:
The singer, Paulo Rui, is not the singer for Verdun since 2019, and the name Zuzubra is not correct, it is Zozobra.
Blackhearted one of the albums of the year.

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