The Beyond - Crawl

Chronique CD album (43:24)

chronique The Beyond - Crawl

Chineurs de tous poils, arpenteurs de bric-à-brac et autres mélomanes rétro-fétichistes, welcome back dans la rubrique nostalgico-dominicale de CoreAndCo ! Avouez : une fois de plus, vous sentez comme une envie irrépressible de bière fraîche, de t-shirts hawaïens, de crème solaire et de jingles MTV... Ce sont là les premiers signes du manque de Funk Metal ! Ce qu'il vous faut en de telles circonstances, c'est de la gouaille pétillante, des guitares californiennes, une basse gaulée comme Pamela Anderson et des potos avec lesquels se taper sur les cuisses...

 

… Sauf que, c'est ballot : ce n'est pas tout à fait l'idée que The Beyond se fait de la Fusion.

 

Pourtant, sur Crawl ça slappe méchamment de la basse. Et puis on est en 1991, que diable : en plein LA période où le genre proliférait. D'ailleurs, comme beaucoup des têtes de pont du mouvement, à l'époque le groupe s'est fait mettre le grappin dessus par une major, Capitol en l'occurrence.

 

Mais The Beyond a d'autres centres d'intérêt. Oh il aime le Funk Metal, malgré son passeport anglais – après tout, Scat Opera a prouvé que ce n'était pas incompatible. Mais il aime également le Prog. Et sans doute le Techno-Thrash, également. Du coup, quand il porte des lunettes, elles ne sont pas forcément de soleil. D'ailleurs les groupes avec lesquels il a tourné reflètent bien ses différents visages. Jugez plutôt : on coche la case Fusion avec les Red Hot et Living Colour, la case Thrash avec Xentrix et Acid Reign, la case Prog avec Rush... et même la case Grunge avec Soundgarden !

 

Vous me direz : Faith No More lui aussi a dû se produire avec un peu tout le monde...

 

Sur son premier album, contrairement à beaucoup des joyeux drilles de la scène, The Beyond s'avère donc plus requin que marteau (… jolie pochette, au passage, non ?). Et l'on se rend rapidement compte que, même si la basse nous claque souvent au visage et que la batterie s'affole brillamment, la tonalité générale reste quand même plutôt sombre. Ou, dans le meilleur des cas, studieuse. N'attendez pas ici une piste intitulée « The Big Bad Juicy Funky Beat », vous n'en trouverez pas. Au contraire : un bon tiers des morceaux adoptent un abord plutôt morose – impression à laquelle John Whitby contribue pour partie avec son chant renvoyant régulièrement au Mucky Pup mélancolique de Lemonade. Ainsi, « No More Happy Ever Afters » ressasse son désenchantement dans de vieux coussins élimés. « Empire » s'avère certes plus vif, mais il en transpire régulièrement une certaine fatigue laissant entrevoir un brin de déprime (il a été choisi comme single, vraiment ?). « Sick » est le journal d'un noctambule dont le spleen laisse parfois transparaitre une rage intérieure. Quant à « Dominoes » c'est la pire conclusion qui soit : comment peut-on abandonner l'auditeur sur ce genre de somnifère démotivant ? À moins, évidemment, de sciemment œuvrer pour que celui-ci n'ait aucune envie d'appuyer à nouveau sur le bouton >Play...

 

Heureusement, Crawl ne se résume pas à ces pistes. Car l'album a la bonne idée de démarrer sur le coup de pied aux fesses « Sacred Garden », qui tortille autant du riff qu'il invite vivement à se secouer la couenne. Il réserve également un gouteux « Great Indifférence » qui continue d'emprunter des chemins de traverse, des trajectoires non linéaires, tout en conservant une saine effervescence. « Day Before Tomorrow », de son côté, nous donne l'impression de découvrir un inédit bonnard de Mordred dans lequel le groupe aurait omis de glisser du scratch. « One Step Too Far » affirme joliment son ancrage Tech'n'Prog, tandis que de son côté la tracklist garde encore au chaud deux de ses meilleures surprises. Avec tout d'abord « The Eve of My Release », qui manifeste une grosse pêche communicative – John adoptant sur les couplets un débit relativement impressionnant. On regrettera juste un solo barré se prolongeant sur une durée un peu trop égoïste. Mais le meilleur est encore à mettre au crédit de « Lead the Blind », morceau qu'il aurait fallu laisser conclure l'album tant il est aux antipodes de « Dominoes » avec sa Fusion / Thrash nerveuse, ses riffs vigoureux, sa rythmique enlevée – presque Ska par moments – et sa capacité à nous faire lever nos séants des fauteuils dans lesquels on aurait d'aventure pu se vautrer.

 

À noter que l'album connaitra deux sorties : une première chez Harvest Record, en 1991, puis une seconde, orientée vers le continent américain, en 1992, chez Continuum. Au menu de la deuxième, une playlist chamboulée, un morceau en moins (le pourtant très sympa « Second Sight ») compensé par deux ajouts (« Everybody Wins » et « Nail », sortis en faces B outre-Manche), ainsi qu'un titre nettement pimpé (« Great Indifference »). Hormis la perte de « Second Sight », on peut juger que l'on y gagne avec cette version bis, notamment en évitant la présence des trop peu sexy « Empire » et « Sick » si tôt dans le peloton de tête. Il faudra par contre supporter la mode de l'époque qui voulait que c'était top mégateuf de répéter ad nauseam des samples au sein de ses compos (cf. « Great Indifference » et « Everybody Wins »).

 

Après Crawl suivra Chasm en 1993, puis quelques EP et singles sortis sous le nouveau nom de Gorilla. La formation y perdra en poils et en aspérités, abandonnant au passage sur le bas-côté les derniers fans d'Infectious Grooves qui avaient tenu le coup jusque-là. D'ailleurs, une fois la messe dite et les bagages bouclées (date de l'épilogue : 1998), Neil Cooper, le batteur et cofondateur du groupe, ira rejoindre Therapy?, scellant définitivement le sort des Anglais. Mais c'est souvent comme cela que s'achève les histoires aux pays des vieux croutons amateurs de Fusion. Et cela n'empêchera pas ces derniers, ainsi que toi, ami(e) lecteur(/rice) qui a fait l'effort de lire jusqu'ici (à moins que tu aies triché, canaillou, en ne lisant que le dernier paragraphe?), de jeter une oreille sur ce Crawl certes perfectible, mais finalement pas tant que cela, pour peu que l'on aime autant les détours sombres et le Metal chiadé que la basse slappée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : Crawl est ce genre d'album typique du tout début des 90s, quand les jeunes formations de Funk Metal sortaient leur premier disque sur des majors. Sauf que The Beyond ne se contente pas de pratiquer la basse slappée et le refrain gouailleur. Il aime également le Prog sombre et le Thrash tortueux, et ajoute en conséquence une légère touche dark'n'tech à sa Fusion, que l'on rapprochera donc plus d'une version sophistiquée d'un Mordred sans scratch, ou d'un Mucky Pup époque Lemonade, que de leurs compatriotes de Scat Opera.

photo de Cglaume
le 07/07/2024

2 COMMENTAIRES

lelex7986

lelex7986 le 13/07/2024 à 17:14:59

Super interessant cet album acheté en à sa sortie et un peu oublié. Un peu dans le même esprit que Mind Funk que je me repasse régulièrement. Tiens ! Chroniqué également ici par Cglaume....

cglaume

cglaume le 13/07/2024 à 18:39:00

Les deux albums font en effet dans le Funk Metal non conventionnel :)

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