Toxik - Dis Morta

Chronique CD album (44:31)

chronique Toxik - Dis Morta

Ils ont placé un titre sur l'un des volumes de la célèbre compilation Metal Massacre. Ils ont sorti deux albums chez Roadrunner, tous deux enregistrés aux célèbres Morrisound Studios, tous deux agrémentés d'une pochette signée Ed Repka (… d'ailleurs vous avez peut-être déjà entendu parler de World Circus, qui est régulièrement cité dans des listes de pépites confidentielles). Ils ont tourné aux côtés de King Diamond, Sepultura, Prong, Exodus, Sacred Reich et Pantera. Pourtant, dès que vous entendez le mot « Toxik », c'est à Britney que vous pensez. Et on s'étonne que les groupes splittent... Monde de merde ! Mais tels les Jason Voorhees du Thrash, alors qu'on les croyait dans un composteur, au fond d'un jardin de la grande banlieue new-yorkaise, ils sont de nouveau là, back with a vengeance, bien décidés à montrer à un monde ingrat qu'ils ne fallait pas les enterrer si tôt.

 

Toxik, donc. Qui, pour être exact, est déjà revenu en 2007, a re-disparu en 2010, mais est à présent, 33 ans après la sortie de son dernier véritable album, enfin prêt à confectionner du ragoût d'oreilles de métalleux à l'aide d'un Dis Morta sacrément tranchant, bien loin de ressembler au déambulateur maquillé en bolide qu'on pourrait redouter de la part d'une telle bande de vieux routiers.

 

Vous avez peut-être jeté un œil en coin à l'étiquette stylistique trônant en haut de cette chronique et prétendant qualifier les galipettes musicales pratiquées par ces Américains ? Eh bien oui : leur truc c'est le Thrash technique – on a gardé l'appellation Techno-Thrash parce qu'en l'occurrence il s'agit de loustics ayant connu l'époque où c'était le terme consacré pour causer de Coroner, Mekong Delta & co – mais également le Speed Metal, autrement dit cette excroissance du Heavy jouée les cheveux en pétard, le pied au plancher, le micro lacéré par des contre-ut de Castafiore. Et en effet, les dix titres de ce 3e album évoquent Watchtower, Nasty Savage quand ça tortillonne de manière peu orthodoxe, Metal Church époque The Dark quand le flot mélodique devient triomphant, voire DragonForce quand les solistes sont pris de palpitations. Sauf qu'au lieu d'avoir l'impression que quelqu'un a mis sur la platine l'un des vieux 33 tours de Tonton Marco, ancien abonné à Enfer Magazine, l'écoute de Dis Morta nous fait plutôt nous sentir comme à bord d'un hélico affrontant les bourrasques de l'ouragan Katrina. Tiens, calez-vous sur la 2e piste, « Feeding Frenzy », et appuyez sur Play... Alors, elle reste en place la permanente ? Vous arrivez à y voir quelque-chose sans plisser les yeux ? Le moins que l'on puisse dire c'est que ce genre de torgnole métallique ne peut émaner d'un album d'Ehpad-core ! A priori les fans de Xoth et Vektor ne devraient pas faire la fine bouche !

 

Car Josh Christian, guitariste et dernier rescapé du line-up originel, a beau être plus près des 60 ans que du demi-siècle, ce qu'il aime c'est foncer poignée en coin. Fébrile, intenable, fonceur : malgré certains passages qui lèvent le pied afin de laisser jouer l'effet de contraste (cf. le début poignant de « Devil in the Mirror »), ce sont ces qualificatifs qui reviennent le plus souvent à l'écoute des trois quarts d'heure exigeants que dure l'album. Et la banane ne disparaît quasiment jamais, que ce soit lors de l'éruption guitaristique qui nait au bout d'une minute sur « Devil in the Mirror », sur un « Creating the Abyss » manipulant aussi adroitement le hachoir tech syncopé que les moments de bravoure épico-héroïques, sur la remise au goût du jour d'un « Straight Razor » qui sent la grosse cylindrée et le cuir tanné à la sueur, ou encore sur la course-poursuite déraisonnable « Power ». Et ceux qui aiment quand le Metal fait directement des noeuds aux neurones devraient apprécier un « Hyper Reality » qui déconstruit les standards habituels à coups de contre-pieds, de méandres mélodiques abscons et d'interventions solos pseudo-autistes évoquant un curieux mélange Meshuggah / Mekong Delta.

 

« Papa la prof de Français elle a dit qu'entre les paragraphes Thèse et Synthèse il faut une Antithèse... T'aurais pas oublié un truc dans ton papier ? »

 

OK. Profitons donc de cette interruption du cours enthousiaste de nos programmes pour mentionner quelques points n'ayant clairement pas contribué à l'obtention de la note rondelette ici attribuée. Tout d'abord, si on a le tympan un peu fragile, on pourra reprocher au groupe de pousser parfois ses excès de spasmophilie guitaristique dans des sommets de saturation sonore atteignant des aigus un peu irritants. On regrettera également que ce soit aux extrémités – emplacements stratégiques habituellement soignés aux petits oignons par les vieux renards expérimentés – que l'album soit le moins savoureux. En effet « Dis Morta » passe sa première moitié à traîner funestement les pieds, dans l'attente pesante que l'infirmière vienne rallumer la lumière – ce qui arrive enfin vers 2:20. À l'autre bout « Judas » déroule à peu près tout le discours classique tenu par le groupe sur les 9 précédentes pistes... Mais allez savoir pourquoi, cette fois la sauce ne prend pas plus que ça, les moments de calme étant les seuls à véritablement prendre corps, la poussée d'adrénaline pour laquelle on était venu ne se produisant, elle, jamais vraiment. Bizarre... Le morceau n'est pourtant pas mauvais, mais on en arrive à se dire que l'album y aurait gagné en impact s'il avait fini sur « Devil in the Mirror ».

 

Sans doute n'ai-je pas en tête l'ensemble des cas similaires s'étant présentés à moi par le passé, mais là-tout-de-suite je ne me rappelle pas m'être fait botter aussi fort le train par le retour triomphant d'un « vieux groupe culte » depuis le Order of the Illuminati d'Agent Steel. Alors si vous êtes amateurs de Metal aussi cavaleur que technique, je ne peux que vous encourager – pour peu que vous ne soyez pas complètement allergiques aux chanteurs briseurs de cristal – à vous envoyer ce Dis Morta qui risque fort de finir récompensé aux traditionnels « Metal Music Awards » de fin d'année.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: mi-Speed Metal déraisonnablement fonceur, mi-Techno-Thrash de haute volée, 100 % porté par un gros son méchamment in your face, Dis Morta est une surprise aussi inespérée qu'incroyablement bonne débarquant après 33 ans de coma discographique. Manifestement il fallait que ça sorte, et vu comme ce 3e album de Toxik est explosif, il était grand temps !

photo de Cglaume
le 29/09/2022

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