Xerath - III

Chronique CD album (01:08:25)

chronique Xerath - III

"Toujours plus", telle semble être la devise de Xerath

Parce qu’au menu de III – leur 3e album, eh oui, t'es trop perspicace Matthias! – c’est toujours plus de pistes orchestrales, un son toujours plus volumineux, toujours plus d’emphase, toujours plus de morceaux et de minutes de musique. Ce qui est une démarche tout à fait honorable… Tant que le résultat rentre sur l’espace borné d’une rondelle laser, qu’il reste compatible avec les capteurs sensoriels et le processeur cérébral des auditeurs, et que la tête et les chevilles des auteurs de cette surenchère passent toujours les portes des studios et des loges.

 

Bon, vous sentez percer une pointe de sarcasme entre les lignes de ce début de chronique. Certes. C’est que les anglais dont il est ici question continuent logiquement leur fuite en avant dans un domaine où la grandiloquence et la démesure peuvent facilement faire gonfler les melons et transformer les jolis carrosses en grosses citrouilles boursouflées.

M’enfin rassurez-vous: sur III on n’en est pas tout à fait là. Pas encore…

 

Mais expliquons, pour ceux qui auraient loupé les opus précédents (… et, notamment, la chronique de II), en quoi consiste l’univers musical de Xerath. Le metal proposé sur ce nouvel album est d’obédience « moderne », et excessivement enrobé d’orchestrations grandioses, débordant parfois largement sur l’univers de la B.O. Par « metal moderne », il faut entendre ici une musique qui oscille entre les saccades futuristico-mécaniques de Sybreed (ou de Fear Factory si vous ne connaissez pas les suisses), les pirouettes d’un djent relativement aéré – voire mélodique, à la Textures – et les élans mégalo-fastueux d’un Devin Townsend. Le groupe ayant recours à des parties symphoniques grandiloquentes, cela renvoie également l'auditeur vers Septicflesh et Hollenthon. Mais le parallèle qui, d'album en album, devient de plus en plus évident, c’est celui avec Biomechanical – en dehors que là où ce dernier appuyait sa composante velue sur un groove metal très influencé par Pantera, ici ce sont les contre-pieds des années post-Meshuggah qui parlent.

 

Comme Biomechanical, donc, Xerath en colle toujours plus au sein de ses compos, le problème étant que la forme prend parfois un peu trop le pas sur le fond. Et de fait, quand on gratte un peu les 14 énormes parpaings multi-couches qui nous sont balancés en travers de la poire (chapeau bas au maçon en chef Jacob Hansen pour ce mur du son particulièrement impressionnant), 1 fois sur 2 on se rend compte que la chose s'avère en fait un peu creuse, que la recette se répète trop systématiquement, et qu’on a du mal à différencier le morceau A du morceau B. C’est qu’une armée de violons appuyée sur l'artillerie lourde d'une rythmique de TB-TT, ça en jette, quel que soit le matériel mélodique utilisé pour bâtir les fondations! Du coup, sur un « Witness » qui ne brille que par son lead de basse, sur « Ironclad », sur « Sentinels » ou encore sur « Death Defiant », on a l’impression que le groupe ne force pas trop son talent, ces titres ne brillant pas franchement pas leur personnalité.

 

Heureusement, III n’est pas pour Xerath ce que Cannibalised fut pour Biomechanical – une grosse boursouflure pleine de vide. Non, cet album nous réserve tout de même de grands moments, avec notamment un « I Hold Dominion » qui met tout de suite les choses au clair: nous sommes en terrain conquis, et ce n’est pas sans raison! « I Hunt For The Weak » laisse ensuite transparaitre la sensibilité du cyborg à travers un refrain en chant clair à la limite du choupinet, tandis que « Bleed This Body Clean » emporte l’adhésion grâce à une alliance sans faille entre guitares et parties orchestrales dans la création de rafales saccadées particulièrement massives. Et cet art de la saccade qui démonte se trouve réaffirmé une nouvelle fois à la fin de « Demigod Doctrine » – qui hache menu toute velléité de contestation. Mais le groupe garde en réserve de meilleurs arguments encore pour faire taire les éventuels sarcasmes: sur « Passenger » comme sur « The Chaos Reign », bien que ne changeant pas foncièrement sa formule, les anglais nous montrent qu’ils sont tout à fait capables de composer des titres ayant de la personnalité, de l’accroche – et in fine un véritable impact. Alors certes, en comparaison cela met également en évidence le manque relatif de substance des autres titres, mais malgré la pertinence de la remarque on tâchera de ne pas trop prendre en compte ces considérations et de simplement profiter de la puissance de la chose sans chercher la petite bête.

 

D’autant que l’album se termine sur un coup de maître en 2 tomes – « Veil – Part I », puis « Veil – Part 2 » – qui, s’il commence doucement, sans trop éclabousser, prend dès la barre des 3 minutes, après un solo bluesy, une dimension proprement grandiose. Entremêlant coupe-coupe guitaristique et vastes mélopées de cordes classiques sur fond de chant multiple bien que murmuré, les anglais décollent au firmament pour transformer l’essai de manière magistrale sur un 2nd morceau tout simplement fabuleux, qui ôte définitivement toute envie d’égratigner trop sérieusement le groupe. Majesté, grandeur, élégance, puissance: ce morceau est la conclusion parfaite pour un album aussi ambitieux.

 

Balançant entre 1) une certaine réserve due à cette approche « too much » qui semble vouloir masquer sous une débauche de moyens fastueux l’indigence relative de compos parfois un peu creuses et 2) le plaisir que réservent ces élans magnifiques où metal du IIIe millénaire et orchestre symphonique ne font plus qu’un sous les ordres d’un apprenti Devin Townsend particulièrement brillant, notre cœur finira par se laisser aller au plaisir que III procure objectivement. Merde: ce n’est pas parce qu’elle a menti sur son âge et sa profession qu’on va s’interdire de flirter avec une aussi jolie petite minette!

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: vous prenez Textures, Sybreed et Biomechanical. Vous touillez pour bien homogénéiser la pâte. Vous recouvrez d’une généreuse couche d’orchestrations symphoniques fastueuses. Vous faites gonfler avec de la levure Jacob Hansen. Vous mettez un brin d’ambition et de démesure Devin Townsendienne. Et vous servez bien chaud. Attention toutefois à ne pas vous étouffez en avalant de trop gros morceaux en une seule fois!

photo de Cglaume
le 27/02/2015

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