We were strangers when we met (Hey David Bowie !) - 16 titres (qui ne sont pas des singles) à écouter absolument (part 1)

We were strangers when we met (Hey David Bowie !) 16 titres (qui ne sont pas des singles) à écouter absolument (part 1) (dossier)
 

 

Oui pour découvrir un musicien certains pensent qu'il suffit de bombarder du « hit », a.k.a des titres à succès commercialement parlant. Pour Bowie, comme pour par exemple Iron Maiden, Motörhead et bien d'autres, et sans vouloir les dévaloriser ces « hits », les pépites se trouvent souvent juste à côté. Mauvais format, mauvais moment, choix des singles par les labels, les raisons sont multiples pour qu'un titre plutôt qu'un autre soit mis en avant. Certes, pour certains albums, ces singles choisis semblent évidents. Il faut bien appâter l'auditeur me direz vous, mais pour les musiciens précités, ce sont régulièrement de nombreuses chansons de qualité qui sont présentés (ce n'est pas pour rien que ce sont des « références »). Malheureusement certaines d'entre elles n’ont pas la reconnaissance qu’elles méritent. 

 

Pour Bowie, les best-of (avec des titres malheureusement évidents commercialement parlant), les « singles collection » (avec des titres qui n'étaient même pas des singles et d'autres qui l'étaient mais qui sont oubliés) et autres styles de compilations, ne sont jamais satisfaisants. Elles manquent terriblement d'audace, surtout quand des enregistrements jamais dévoilés débordent des archives. À cela, certain titres seront en version « edit » / « radio » / « single » (etc, etc), proposant des versions plus courtes voire sauvagement raccourcies des intros, des outros, des ponts, carrément des passages par rapport à leur version originales… La looose serait le terme approprié et la question du respect du morceau est posée.

 

Donc, plutôt qu'une compilation de titres dits « évidents », nous vous proposons une alternative afin de découvrir la musique de David Bowie par d’autres chemins. Sous l'angle de chansons immanquables qui reflèteront bien davantage la pluralité de sa musique. Elles pourront êtres de véritables portes d'entrées vers les albums afin de ne pas se cantonner à une de ces multiples compilations qui ne sont que de bien faibles résumés de ses capacités.

 

 

  • "Up The Hill Backwards" (Scary Monsters - 1980) :

 

1980, Bowie a terminé sa désintoxication américaine grâce à une période européenne Allemagne-France-Suisse. Cette étape l'a conduit à de nouvelles expérimentations musicales - avec Brian Eno et Tony Visconti - et aux albums Low (1977), Heroes (1977) et Lodger (1979). Sur Scary Monsters il revient à un format de chanson plus traditionnel (exit les plages « ambient » et grand retour des refrains). Garde à ses côtés ses nouvelles fréquentations (la session rythmique Dennis Davis aux percussions, George Murray à la basse, Carlos Alomar à la guitare, et Robert Fripp de King Crimson). En fait revenir (Roy Bittan du E Street Band de Bruce Springsteen). En invite de nouvelles (Pete Townshend des Who,). S'offre une reprise ("Kingdom Come" de Tom Verlaine des Television). Écrit et compose tous les autres morceaux. Signe aux passage quelques futurs « hits » ("Scary Monsters (And Super Creeps)", "Ashes to Ashes", "Fashion") pour au final un album définitivement en avance sur son temps. Il a récupéré des effets et des structures qu'il a pu tester sur les trois précédents albums. Certains de ces effets paraîtront aujourd'hui dépassés, la production est par moments tendu jusqu'à être stridente, mais avec tout ces éléments (une importance de certaines percussions assez nouvelle) on se rend compte que même quand il revient à un format dit plus « audible » pour le grand public, il continue d'avancer. Quand pour beaucoup les années 80 sont dans leur ensemble considérées comme celles de sa chute dans la dance vulgairement populaire, il faut se rappeler qu'en 1980 sortait cet album comme un incroyable rebondissement aux précédentes années qu'il venait de nous faire partager. On se rend compte qu'un titre comme "Up The Hill Backwards", avec sa pop décalée (énormément pour l'époque), ne dépareillerait pas dans les années 90, et 2000. Ceci étant bien confirmé par la présence au concert des 50 ans de David Bowie (au Madison Square Garden en 1997) de Franck Black des Pixies et le choix d'interpréter aux côtés du maître un morceau de cet album ("Scary Monsters (And Super Creeps)").

 

 

  • "Sweet Thing" / "Candidate" / "Sweet Thing (reprise)" (Diamond Dogs - 1974) :

 

Trois pistes pour en fait une seule pièce découpée en trois mouvements.

David Bowie a suicidé Ziggy Stardust et les Spiders From Mars à Londres en 1973, 1974 sera l'année d’un nouveau renouveau avec son installation aux Etats-Unis. Et l'arrivée de son projet le plus mégalo. Rien de moins que la tentative d’achat des droits du livre 1984 de George Orwell pour le mettre en scène, et en faire la musique. En mode solo (composition, arrangements, production, guitare, sax). En fait il n'obtiendra pas les droits, 1984 deviendra Diamond Dogs, et la tournée sera un four. Financièrement et artistiquement. À ce niveau, sur la tournée (souvent en mode solo, encore, seul devant sur scène avec le groupe derrière un rideau), il en fera des tonnes. David Bowie est maintenant crooner, il abuse du vibrato à tire-larigot, joue les poses du lover tourmenté, les morceaux sont dépouillés de leur âme pour être ensuite lacérés, et sur-arrangés, par les nombreux instruments, cuivres et autres chœurs, qui tirent dans tous les sens. Il ira jusqu'à l'enregistrer, c'est David Live. N’importe qui à sa place aurait déjà fait une OD ou serait bouclé en HP. Heureusement sa nouvelle tête est entière. Heureusement l'album aura évité cette surenchère grossière, et offrira de belles réussites dont ce "Sweet Thing" / "Candidate" / "Sweet Thing (reprise)" de bravoure. Mike Garson encore une fois fait des merveilles au piano. Moins exubérant que sur Aladdin Sane, étant surement, cette fois, davantage cadré par David Bowie, il alterne passages discrets, même rythmiques, réponses à la mélodie vocale et mélodies principales pour se fondre parfaitement avec les évolutions du chant et ainsi porter le morceau dans sa progression. Pour ce chant, théâtral, forcément, David Bowie a atteint un nouveau niveau. Des graves aux aigües, son spectre n’a jamais été aussi large. Ces nouvelles capacités lui permettent de tenir les 9 minutes durant les multiples rebondissements du morceau. Ici tout y passe, lent-rapide, grave-aigu, sombre-lumineux, statique-dansant, solo sax-solo guitare-solo piano… Ce triptyque résume d’une certaine façon l’album. Et toujours ces mélodies, cette progression, ces montées vocales… Superbes.

 

 

  • "Word On a Wing" (Station To Station - 1976) :

 

Ballade mélancolique qui clôt la première face de Station To Station, "Word On a Wing" laisse entendre une voix d'un David Bowie nostalgique, plus vieux, voire même fatigué sur le premier couplet. Ce n'est qu'illusion. C'est tout simplement et juste mis au profit du morceau. Au travers des 8 précédents albums (en 7 ans) il a incroyablement développé ses capacités vocales. D'un ton troubadour folk, il est passé à celui du rock énervé en passant par celui du crooner, du lover nostalgique, ou encore du funk survolté. Il atteint sur Station To Station un niveau qui peut être considéré comme son apogée vocale. Une très grande classe. Quand l'ensemble de l'album est relativement « sec » (certains diront « froid »), les deux ballades que sont donc "Word On a Wing" et - la reprise - "Wild Is The Wind" apportent elles, à chaque fois en clôture des faces du vinyl, le pesant plus « chaud » de l'album. À ce positionnement dans la tracklisting original (au regard de la version vinyl) et le ton plus grave qu'elles seules ont sur l'album, avec leurs titres aux sonorités proches on constatera qu'elles développent une certaine gémellité. Par contre si "Wild Is The Wind" est portée par une guitare acoustique, "Word On a Wing" l'est elle par le piano de Roy Bittan. Alors si c'est cette dernière qui est mise en avant, au-delà du fait qu'elle soit de David Bowie et non une reprise, c'est tout simplement pour son refrain. Effectivement et forcément la voix y est magnifique. Tout en montée, tout en émotion. Mais sa spécificité - qu'on retrouve sur les plus beaux refrains de Bowie tout au long de sa discographie - c'est sa structure. Oui un refrain qui a plusieurs motifs. Entendre par là qu'on ne passe pas comme ça et tout banalement du motif du couplet à celui du refrain qu'ensuite on répétera à l'identique. Non dans cette chanson on peut considérer qu'il y a un pré-refrain et un post-refrain à ce refrain. Ou, en d'autres termes, une intro et une outro au refrain. C'est bien ce type de structure qui vous porte et vous fait enlacer ce moment pour le rendre mémorable. C'est ce type et cette qualité de composition, tout comme d'arrangement, qui rend "Word On a Wing" si fort. Et, émouvant.

 

 

  • "Always Crashing In The Same Car" (Low - 1977) :

 

Premier album de sa période dite « berlinoise », après s'être échappé des Etats-Unis, de la sur-consommation de produits toxiques, de problèmes de contrats et autres problèmes de fréquentations tout autant toxiques. L'album, comme le sera le jumeau Heroes sorti la même année, s'articule en 2 faces, la première avec des morceaux pop ultra raccourcis et majoritairement chantés, la deuxième expérimentale, majoritairement instrumentale. Les deux faces, des deux albums portent de nouveaux effets sonores. « There's the old way, there's the new way, and there's David Bowie » comme le disait le teaser en 1977. J'adhère. Le reste n'avait pas encore été inventé. "Always Crashing in The Same Car" fait donc partie de la première face de Low - aux cotés des terribles "Sound And Vision" et "Be My Wife". Si ces deux derniers sont rythmés très « sautillant », faussement joyeux, "Always Crashing In The Same Car" lui se différencie par son côté sombre. Ni triste, ni mélancolique, juste sombre. Il semble que le narrateur fasse état de sa situation, sans aucun jugement, juste une constatation, avec un ton et une façon de chanter qui sonnent assez nouveau pour Bowie. On pourrait croire qu'il en est le narrateur. Ce morceau gardera sa grâce dans le temps, même interprété légèrement différemment, sur un ton qui ne sera sûrement plus le même comme le montre la version sur le live de 2000 au BBC Radio Theatre de Londres. Et puis, je ne sais pas vraiment pourquoi - et parce qu'il y a forcément de l'émotionnel dans tout ça - ce morceau me renvoie au film Crash de david Cronenberg, alors forcément le côté sombre… Chacun y trouvera son « always crashing in the same car ».

 

 

  • "Seven Years In Tibet" (HEART HL ING - 1997) :

 

Cet album n’aurait pu être que jungle, style dans l’ère du temps et appliqué sur ces 9 titres de 1997, mais non. Il a goûté aux joies de Nine Inch Nails et de l’enregistrement en digital (ici son premier) alors il ne va pas s’en priver. Ce sera donc un mur de guitares que l’on rencontrera frontalement sur ce morceau. L’artificier Reeves Gabrels – qui l’accompagne depuis Tin Machine en 1988 – n’y est pas pour rien. En tant que «Brian Eno » de la guitare il est pour les expériences soniques explosives et dissonantes. La structure du morceau reste très simple, couplet posé V.S refrain détonnant, mais ces parties guitares tantôt claires, tantôt écorchées, cette batterie et cette grosse caisse écrasante, ce saxophone passager qui ne se doute pas de ce qui va suivre, et donc cette puissance, tous ces éléments rendent "7 Years In Tibet" addictif.

 

 

  • "Hallo Spaceboy" (Birthday Celebration - 2011) :

 

Plusieurs précisions : Tout d'abord, ce titre provient de l'album 1.Outside de 1995. Ensuite, le bootleg largement répandu, et ici mis en avant, Birthday Celebration, sorti en 2011, est le live au Madison Square Garden de 1997 pour les 50 ans de David Bowie. Enfin, ce titre est présent dans les « best-of » mais présenté sous un remix des Pet Shop Boys qui ne rend pas du tout hommage à l'original. Mais alors pas du tout. De ce remix, à la version album, c'est en concert que ce morceau révèle toute sa puissance. Avec les deux excellents batteurs qui ont pu la jouer live, que ce soit l'incroyable Zachary Alford de la version originale album et de cette tournée ou Sterling Campbel ensuite, ce fût à chaque fois une déflagration totale. Aucune vidéo, aucun système son ne pourra reproduire la violence qu'a ce titre en concert. Pour essayer de s'en approcher rien de mieux que cette version néanmoins deluxe avec, à son terrible groupe de scène, un background band en plus à ses côtés, à savoir les Foo Fighters. Une deuxième basse vient donc marteler le rythme, et ce n'est pas à la guitare que Dave Grohl participe, mais à la batterie. Il s'ajoute à  Zachary Alford et au batteur des Foo Fighters. Oui c'est donc bien ici trois batteries et deux basses qui martèlent un rythme répétitif sous les stroboscopes épileptiques. Et Bowie déclame « this chaos is killing me ». Ultime ! On aurait pu, on aurait aimé, ajouter la version live de la tournée 1995 où David Bowie et Nine Inch Nails partageaient la même affiche. Ils la co-partageaient même, à savoir qu'ils jouaient conjointement des morceaux de l'un et de l'autre. On avait donc un "Hallo Spaceboy" avec en plus du groupe de Bowie, tout Nine Inch Nails en background band. Ce live a récemment été sorti en « bootleg » (Back In Anger) et des vidéos peuvent se trouver mais on regrette qu'il n'y ait pas eu une sortie officielle, et de qualité. Et on ne pourra que jalouser ceux qui ont pu y assister. Après une période de trouble et de doute, puis un album jazz-sax assez ordinaire, Bowie revenait en 1995 avec ce 1.Outside, un album bien plus que dans l'ère du temps avec des morceaux, comme "Hallo Spaceboy", qui lui ouvraient un nouvel espace.

 

 

  • "Sense Of Doubt" (Heroes – 1977) :

 

Fameuse période européenne de Bowie, rattachée à son installation - pour une courte période - à Berlin, l’album Heroes succède à Low et restera connu surtout pour sa chanson éponyme (reprise un nombre incalculable de fois). Et de cette trilogie « berlinoise » (LowHeroesLodger), Low sera celui des trois qui sera le plus considéré. Heroes, en tant que frère jumeau de Low, a lui aussi une face B quasiment instrumentale et "Sense Of Doubt" est de ces titres instrumentaux. Ambient. Minimaliste. Entre musique de plan fixe et fond sonore d’arrivée ou de départ de soucoupe volante. Ou de n’importe quelle manifestation céleste. La plage sonore est ponctuée à plusieurs fois par quatre notes de piano menaçantes. Il nous semble entendre le vent, la mer, on sent la lumière et l’obscurité s’entrecroiser, mais on restera toujours, au bout de ces quatre minutes, dans le mystère de savoir ce qui vient de se passer. On retrouvera ce minimalisme, cette ambiance, et plus spécifiquement cette décente mélodique ordonnée par les quatre notes de piano évoquées dans la musique faite par Jóhann Jóhannsson pour le film Sicario (c’est plus que de la ressemblance !).

photo de R.Savary
le 10/12/2016

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