Ailiph Doepa - Exormantis

Chronique CD album (39:00)

chronique Ailiph Doepa - Exormantis

Préambule commun aux chroniques d'Exormantis et Plasma ~The World~

On ne peut pas dire que l’exercice du double-album soit monnaie-courante. En effet, tant qu’à avoir une muse prolifique, les groupes préfèrent en général mettre les excédents d'idées juteuses de côté pour l’opus d’après. Il faut dire que c’est tout bénef:

- ça garantit un meilleur niveau qualitatif du N+1ème album (du fait d’un réservoir de compos plus important dans lequel puiser)

- ça évite d'étouffer les fans sous un trop plein de son nouveau (ce sont de fragiles petites choses après tout)

- ça permet d’avoir de bonnes raisons de tourner sur une période plus étendue (car la tradition veut que prendre la route sans nouvelles compos à défendre soit une hérésie… non?)

Pourtant certains artistes souffrant à la fois d’impatience chronique et d’incontinence créative sortent parfois de ces énormes pavés offrant double dose d’oignons, de salade, de fromage et de sauce. On pense aux Use Your Illusion de Guns’n’Roses, au Keeper of the Seven Keys: The Legacy de Helloween, au Hardwired… to Self-Destruct de Metallica, ou encore à The Wall de Pink Floyd… Forcément, le phénomène est encore plus rare dans la micro-chapelle Nawak Metal. Pour autant celui-ci n’est pas non plus inexistant: rappelez-vous le Mezmerize / Hypnotize de System of a Down, ou encore le Z2 de Devin Townsend. Eh bien un troisième parpaing peut à présent se voir ajouté à ce jeune édifice en cours de constitution: Exormantis / Plasma〜The World, respectivement 4e et 5e albums d’Ailiph Doeapa. Et comme on aime faire durer le plaisir sur CoreAndCo, on abordera ce sommet de WTF Metal en deux chroniques, le présent périple vous proposant d’aborder l’œuvre par sa face sombre en s’attaquant à l’équivalent japonais du Dark Matters townsendien: Dark Side Album: Exormantis.   

 

Alors rassurons les vieux de la vieille et informons les newbees: pas de changement de personnalité artistique ni d’assagissement à craindre sur ce nouveau chapitre. Les Japonais continuent de pratiquer ce Metal barré débordant de testostérone comparable à une version musclée d’un Maximum The Hormone qui aurait chipé des idées à Troldhaugen et Iwrestledabearonce. Ça bourrine, c’est parsemé d’explosions toonesques, bref ça balance de la mosh part et de la saccade pimentées d’ingrédients exotiques, de mélodies Pop et d’incongruités pince-sans-rire. Et nom de nom, c’est exceptionnellement accrocheur! En gros, si on devait sous-titrer cette sortie nouvelle, on lui collerait un sticker clamant « Rhaa lovely in Nawakland ».

 

Exormantis présente néanmoins deux différences notables avec Oxygen, ces singularités trouvant leur origine dans la nature même du présent exercice de style: en effet, étant drapé du costume du méchant, ce nouvel épisode s’avère à la fois plus systématiquement brutal et moins varié que son illustre prédécesseur. Eh oui, c’est comme ça quand il y a un contrat à respecter: on ne peut plus en faire complètement qu’à sa tête… Pour ce qui est du côté « surenchère de brutasserie », les 39 minutes que dure ce sombre tome ratatinent en effet l’auditeur de manière plus soutenue qu'auparavant, les attaques menées par ces joyeux barjots alternant entre les registres Deathcore, Thrash, gros Death graisseux et Modern Vénère Néo-Meshugcore (quoi, l'appellation n'est pas officielle?). Mais on y trouve également une pincée de Powerviolence (bam, à 0:54 sur « T.A.P »), ainsi que du bon vieux D-Beat (à 3:05 sur « My Right Hand Thumb is a Kraken »). Et comme les loustics sont particulièrement cintrés, en plus de marier cette violence AOC à des éléments insolites, ils se permettent même d’inventer de nouvelles façons de nous malmener les tympans: tiens, comment vous qualifieriez, vous, la branlée reçue à 0:47 sur « My Goblin »? Du Goblin Tagadatagada-core?

 

L’autre aspect par lequel cette cuvée 2021 se démarque est un peu moins positif: en effet, quand démarre le dernier tiers de l’album, on commence à trouver que la formule se répète un peu. La faute au petit manque de personnalité de certains titres, ceux-ci étant moins fortement typés que les tubes d’Oxygen, qui manifestaient généralement une forte individualité.

 

Pour autant ce nouvel album est encore une fois riche en moments forts et en hits méchamment barrés. « My Right Hand Thumb is a Kraken », le premier single, fait partie du haut du panier, son mélange de gros Metal velu avec – dans le désordre – de la salsa, du D-Beat, des mélodies du Soleil Levant, des passages martiaux, des mélodies Pop ultra-accrocheuses ainsi que de multiples fioritures qu’il serait fastidieux de lister ici, accouchant d’un tube tout aussi mastoc que fiévreux, exténuant et réjouissant. « My Goblin » s’avère du même tonneau, tout comme « Bloody Uncle » qui se distingue par un sens certain du swing. Mais il est vrai que pris globalement, ce shaker géant est plus éprouvant que l’expérience de 2018, le rythme s’avérant extrêmement soutenu et les moments de répit rares. Alors évidemment, la chose étant ainsi énoncée on pourrait penser que l’album est décevant: il n’en est rien. Mais Oxygen ayant placé la barre extrêmement haut, il est impossible de ne pas juger ce nouvel album sans le comparer à son grand-frère. Néanmoins la seule information vraiment importante à retenir au final est que si vous aviez craqué sur ce dernier, il est impensable que vous ne remettiez pas le couvert avec le côté sombre d’Ailiph au pays des merveilles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: côté obscur d’un double-album tout aussi fou que l’excellent Oxygen, Exormantis ratatine un peu plus sévèrement que son aîné, et laisse rarement l’occasion de souffler. Mais de multiples moments de folie douce, des mélodies imparables et une enthousiasme communicatif en font un opus quasiment aussi attachant.

photo de Cglaume
le 28/04/2021

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