David Bowie - Diamond Dogs

Chronique Vinyle 12" (38:10)

chronique David Bowie - Diamond Dogs

« We are the dead »

 

7,9 pour un moi, ou 9,7 pour un autre, pas facile de noter cet album.

À la fois « bancal », à la fois il comporte d’excellents morceaux. Il a cette particularité du truc qui tic et qui cloche mais qui fait qu’on a toujours envie d’y revenir (rien que pour être certain d’avoir bien entendu David Bowie faire « wouf wouf», « woua woua », tel un aboiement de chien par un enfant, dès la deuxième piste de ce huitième album).

 

Pour ce côté bancal, le tracklisting, faute à la présence d’un morceau qui me parait « hors sujet », manque de cohérence, et de puissance par rapport à ce que l’album pourrait être. Comme sur The Man Who Sold The World où le morceau éponyme est complétement différent, voire n’a rien à voir avec le reste de l’album, ici c’est "Rebel Rebel" qui casse toute la dynamique et mériterait de ne pas y figurer. Vous remarquerez qu’il s’agit de deux « gros » morceaux, singles, connus, et, sans remettre en cause leur qualité, individuellement ils nuisent à l’album d’où ils sont extraits en en étant aucunement représentatifs.

Et pour les excellents morceaux, s’ils sont ici tous très très bons, le temps nous apprendra que de leurs sessions d’enregistrement, un parmi les meilleurs ne figure pas sur l’album, le « étrangement » nommé "Alternative Candidate", ou "Candidate" tout simplement. Je dis « étrangement », car un morceau se nomme déjà "Candidate" sur l’album, et s’ils partagent un titre et 2 lignes de textes, ils n’ont absolument rien à voir l’un de l’autre. Alors, s’il avait remplacé "Rebel Rebel" la notation passerait de 7,9 à 9,7 sans se poser de question. Oui toute la différence, toute la cohérence de l’album basé sur la sélection de deux morceaux.

Mais avec ce tracklisting, cette chanson absente et révélée tardivement, ces morceaux excellents mais pour certains soit jamais – ou très peu – joués en concert, soit massacrés lors de la tournée de 1974, et les futurs fantastiques voyages qui suivront, montrent que Diamond Dogs aurait pu être bien plus, ou bien mieux.

 

Diamond dogs est un gros combiné et mélange de la B.O de Shaft, des Rolling Stones, du livre 1984, des techniques d’écriture de William Burroughs, d’Orange Mécanique (encore!), des débuts de l’utilisation du studio d’enregistrement comme centre de « bidouillage », de souvenirs de casseurs de bijouteries aux dents pourries et manteaux en fourrures vivants sur les toits de Londres et se déplaçant en rollers, du retour en transsibérien du Japon en passant par l’U.R.S.S et son régime et passagers accueillant(s), d’égo et de mégalomanie, etc, etc, le tout, passé, présent, futur, plongé en roues libres dans une descente de poudre blanche plus haute et plus profonde que le midnight Everest. Oui ça fait beaucoup de choses en 38 minutes que dure le disque. Au-delà de l’album, on verra lors de la tournée qui y fait suite, que Bowie marchait vraiment sur la ligne (dont il n’était pas plus épais).

 

Nous voilà donc en 1974 avec son « opéra rock baroque » drogues, oppression, soumission, destruction, et dystopie en veux-tu en voilà, entre autres. En tant que nouvel américain Bowie s’est - à nouveau - débarrassé de tout passé (sauf le claviériste Mike Garson en rescapé de la table rase, et Tony Visconti pour "rescaper" la production du disque) et souhaite en mettre plein les mirettes à ses nouveaux concitoyens.

Malgré un réservoir chargé d’assurance et une renommée internationale qui commence à pointer, la nouvelle petite affaire part de travers. Entre les droits du livre 1984 qui sont refusés par la veuve de George Orwell et une histoire de comédie musicale liée à 1984 donc, et/ou Ziggy Stardust, dont on ne verra jamais rien (si ce n’est des fantômes au travers de papiers ou d’interviews dans le temps), tout était jeté pour un dénouement « quitte ou double ». Et bien, comme le montrera le futur terre à terre, ce n’est pas grave. Il tire de nouvelles ficelles, en rafistole d’autres, pour mieux les repeindre, une à une, de la plus resplendissante couleur orgueil. Si David Bowie était mon vieux pote de lycée sûrement que j’entendrais à la sortie de l’album : « Salut je chante encore mieux qu’avant », « Alors, tu ne trouveras jamais comment j’ai obtenu ce son », « Ce morceau sera entendu et plus connu que l’original dont il est inspiré qui, lui, est voué à rester à la niche-musicale- », « J’avais déjà fait 2 morceaux en 1, alors là j’en ai fait 1 divisé en 3 », etc.

Oui l’échelle vocale est encore plus large des aigus aux graves, voire dans le même morceau, avec touche « crooner » qui n’avait pas été entièrement utilisée jusque-là. L’intro et l’outro de l’album sont tout ce qu’il faut de bizarroïde (attention aux oreilles en sortie de disque). Les références sur certains morceaux « aujourd’hui » évidentes, ne l’étaient pas forcément. De l’ultra slow il n’y en avait jamais eu de comme ça. Comme je le disais, on ne sait pas où donner de la tête, et au final, de la première écoute à la suivante, on a l’impression d’être baladé, en laisse ! Souvenez-vous en intro de ce texte, « wouf wouf », « woua woua ». À nouveau, il nous a bien eu.

 

« With you by my side, it should be fine

We'll buy some drugs and watch a band

Then jump in the river holding hands »

 

 

P.S : Et pour l’apprécier au max, j’invite donc à écouter l’album comme il a été sorti, en séparant les deux faces du vinyl. Pour l'apprécier encore plus je vous recommande d'enlever "Rebel Rebel" (en plus je préfère la version «single U.S » à celle sur l’album) et de mettre "Alternative Candidate" en fin de face A ou début de face B (par exemple). Et pour le CD il faut trouver les rééditions de 1990 ou - surtout – 2004, car ce sont les seuls éditions avec en bonus tracks "Alternative Candidate" (ou "Candidate demo" car le morceau n’est pas appelé de la même façon) qu’on ne trouve même pas sur les coffrets sortis ensuite ou en streaming "officiel".

 

 

Post P.S : Comme je ne prévois pas de chroniquer les disques live de la période 74-75, qui ont fait suite à la sortie de l'album, et dont l'écoute est pour moi encore très difficilement supportable, j'en fais une note ici. Il faut savoir que sur cette tournée David Bowie a inventé ce que seront les années 1980 en terme de "mainstream" : chansons/concerts surproduits avec des tonnes de cuivres qui plombent les chansons, omniprésence de choristes en plus de son chant principal ultra sur-joué, chorégraphies assez grotesques dans une ambiance cabaret musical, et costumes à l'avenant entre chapeaux et pantalons hauts fièrement portés. Voilà ce que j'évoquais plus haut par "chansons massacrées"... Je ne plaisantais pas avec le style musical indiqué.

 

Cette chronique fait partie du dossier sur David Bowie We were strangers when we met (Hey David Bowie !)

photo de R.Savary
le 24/09/2022

1 COMMENTAIRE

Rafff1

Rafff1 le 10/11/2022 à 22:01:34

En complément : https://bowiesongs.wordpress.com/?s=Diamond+dogs

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