Electric Wizard - Dopethrone

Chronique CD album (71:09)

chronique Electric Wizard - Dopethrone

Dopethrone.

 

Jamais un nom aussi puéril n'avait sonné si lourd et si charismatique. Un peu comme Dopesmoker en somme. Cet album sent la drogue opiacée, l'Indica lourde et les alcools frelatés. Hallucinatoire et puéril, le trio donne alors le meilleur de leur haine. Voyez alors le discours du groupe : le monde va mal, nous sommes constamment sous la menace d'une guerre nucléaire, le désespoir fait bien plus que nous guetter. Une solution à cela ? La drogue, bien sûr. Beaucoup de drogue, parce qu'il va falloir s'en prendre un paquet pour ouvrir les portes de la perception. Et, un peu comme un rejeton maléfique des Doors, Electric Wizard ne pense qu'à délivrer les divinités Chtoniennes du grand dehors. Avec cet album, le Doom metal trouve l'accord parfait entre une vision désespérée du monde et l'oubli narcotique.

 

Le groupe de Dorset signe ici leur pièce maîtresse, pilier central de l'édifice du genre, mélangeant la lenteur et la lourdeur d'un Doom apocalyptique ("Weird tales") et quelques pointes de hard rock groovy assez Stoner dans l'esprit, comme pouvait en faire Black Sabbath, tout en remplaçant la joie de vivre par la joie de se droguer jusqu'à la fin des temps. Désespéré et furieux, des morceaux ressortent comme autant de charges contre la modernité : "Vinum Sabbathi", "Barbarian" ou "We hate you", et la haine qui transpire là pourrait bien s'apparenter à l'état d'esprit du Black Metal Norvégien s'il n'était pas autant tourné à la tourbe de fuzz qui elle est plus en rapport avec le Sludge. Un peu comme un vin qui madérise.

 

Au niveau du son et du mixage, cet album, au même titre que Come my fanatics, a la singularité d'être massif, sale, noir, quelque chose qui, il y a 15 ans, n'avait encore jamais été entendu. "Le Doom metal le plus lent et le plus lourd imaginable". A la différence de l'album précédent, on peut dire qu'il est bien plus abrasif et agressif, mieux mixé quoi qu'on en dise (pas évident de se faire une idée claire dans toute cette boue de fuzz). Le fait est que cette manière de sonoriser un album était jusqu'alors assez inédite, pensez : mettre les basses et guitares tellement fort que la voix et la batterie se noient au dedans, comme si ce gouffre de fuzz massif aspirait tout le reste. Ce n'est pas "sage" si l'on considère ce parti pris et la qualité que l'on attend d'un album conventionnel, mais en terme de délivrance catharique, cette pièce de maître en est une, justement parce qu'elle a outrepassé des codes rigides pour le plus grand bonheur des cheveulus en manque de fureur sonore. Prenez par exemple la fin de "Funeralopolis" et son tour de magie qui donne l'impression de retourner le mix, c'est "sale", encore une fois, mais l'intention reste entière, et le résultat fantastique reste dans les mémoires.

 

Cependant la véritable magie de cet album ne réside pas dans son son massif, mais dans les riffs, dont AUCUN, aucun n'est à jeter. Electric Wizard montre là comment l'on peut, avec 5 ou 6 notes égrenées lentement, créer un riff qui délivre une émotion propre à lui même, une puissance d'évocation profonde et un groove imparable. C'est ça, la magie d'Electric Wizard. Je ne me lasserai jamais d'entendre chacun de ces riffs tous plus anthologiques les uns que les autres, et force est de constater que depuis 15 ans, il y a bien peu de groupes à avoir réussi à dépasser franchement la qualité de créativité de Jus Oborn (et si on va par là, ça fait quelques temps qu'il n'y est pas revenu lui non plus). Mais si l'on ajoute à ce talent celui de Mark Greening qui ne manque jamais de trouver une frappe atypique et inimitable, sachant passer des parties lentes où il cavale sans compter sur les descentes de toms, à des parties plus enlevées où il fait... Pareil avec ses descentes de toms. J'adore ses roulements de toms en fait, même si c'est pas toujours carré, car c'est l'intention qui compte avant tout, et dans le cas présent, elle est aussi brute qu'un dinosaure dans une crèche.

 

J'entendais il y a quelques années de ça que cet album était un gouffre sans fond dans lequel l'on replongeait comme un Junkie s'impatientant pour son prochain fix. Je dirais plutôt que cet album a été parmi l'un des premiers du genre à sortir la tête de son trou pour montrer sa haine à la face du monde, et que c'est ça qui le rend aujourd'hui aussi addictif. Ce disque exprime la négativité, la révolte, la haine, mais un peu comme un adolescent attardé pour qui il serait trop tard, car il se serait trop enfoncé dans son nihilisme. Ce genre de disque qui te dit que tout est trop tard, que plus rien n'en vaut la peine, qu'il n'y a plus qu'à se résigner, dans la haine et la mauvaise humeur.

 

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photo de Carcinos
le 31/08/2014

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