Mörk Gryning - Hinsides Vrede

Chronique CD album (35:24)

chronique Mörk Gryning - Hinsides Vrede

Il est en général préférable de laisser les gens qui savent gérer les dossiers relevant de leurs domaines de compétence. C'est pourquoi, quand les noirs corbeaux du Black font des ronds au-dessus du toit de la maison CoreAndCo, on charge Seisachtheion, Xuaterc, voire Cromy ou Vincent d'aller remettre du grain dans la mangeoire qui leur est dédiée. Capables de confectionner un pentagramme à partir d'une boîte de Vache qui rit ou une croix renversée en mie de pain, ces experts-maisons ont définitivement plus le feeling avec ces sombres bestioles. Et puis vous avez déjà vu un lapinou jouer les fauconniers vous? Ça serait un coup à se prendre un vilain coup de serres! Il existe cependant des occasions dans lesquelles pelage moutarde et corpse paints font bon ménage: quand les vieilles chouettes beumeuh s'essaient aux blagues de Toto (cf. Solefald, Sigh), qu'elles osent le métissage (cf. Leper, Necropod ou plus récemment Etienne Pelosoff)... Ou, comme c'est le cas aujourd'hui, qu'elles s'adonnent au Black/[Death] mélo du bon Docteur Dissection.

 

Sacramentum, Decameron, Necrophobic, Unanimated, Dissection – donc – ou encore Mörk Gryning: autant de formations suédo-suédoises qui, au plus fort des années 90s, ont été à l'origine d'une véritable tempête de neige sucrée soufflant de manière très localisée aux alentours du label No Fashion Records. Si certains de ces invocateurs de démons des glaces ont laissé un gros orteil traîner dans le Death mélo, Mörk Gryning, lui, est resté plus complètement campé dans le pur Black. Mais un Black Metal extrêmement mélodique, qui certes souffle dru, mais dont les flocons délicats prennent une jolie teinte rosâtre quand il atteignent l'oreille. Sauf qu'après 15 ans à ne plus répondre aux coups de fil et à bouder les soirées Scrabble, on avait fini par croire le groupe définitivement rangé des voitures. Sans compter que Mörk Gryning – sorti en 2005, donc – nous avait laissés sur une certaine frustration, et que Pieces of Primal Expressionism, le volume précédent, avait vu le groupe se lancer dans ce genre d'expérimentations qui fait prendre le risque de se voir excommunié.

 

Mais quand on sort d'un aussi long sommeil, et qu'on convoque à nouveau les vieux piliers du line-up historique, en général ce n'est pas pour s'aventurer dans une reconversion hasardeuse dans le Post-Ska Metal. Et de fait ce sixième album, premier à être livré dans l'écrin Season of Mist, est une entreprise fructueuse de reconquête de fan base. Car de « The Depths of Chinnereth » jusqu'à – disons – « The Night », Goth Gorgon et ses golgoths versent dans un classicisme généreux, proposant exactement ce que l'on attend d'eux, autrement dit des cavalcades ventre-à-terre effectuées sous les cieux tourmentés de froides nuits nordiques, des hurlements aigus de loups à 6 cordes perçant l'épais rideau neigeux depuis un promontoire dominant des terres désolées, ainsi que des malédictions véhémentes magnifiées de fières mélodies ascendantes... Le folklore habituel, certes, mais un folklore qui a conservé la magie originelle, et qui entretient sans l'affaiblir le feu sacré où l'auditeur se consume à l'écoute des exceptionnels « Fältherren » et « Infernal ».

 

Sur la première moitié d'Hinsides Vrede, c'est clairement l'expérience qui parle, la science du riff « ponceuse givrée », la capacité à déclencher le blizzard en mariant double pédale et nobles arpèges... C'est aussi, entre deux courses éperdues, la promenade fiérote de par les sentiers couverts de givre de « A Glimpse of the Sky », hommage revendiqué au Bathory de Blood Fire Death. Des ingrédients imparables, donc, fortifiés par l'adoption de formats courts, les morceaux dépassant rarement les 4 minutes. Mais si ce retour aux fondamentaux permet de reconquérir facilement les cœurs endurcis initialement prêts à tirer un trait sur les jours heureux de Tusen år har gått et Return Fire, cela ne signifie pas non plus que Mörk Gryning a renoncé à montrer un autre visage. Et c'est d'ailleurs ce à quoi il s'emploie sur une seconde moitié d'album moins noire et moins tumultueuse.

 

Adoucie par trois interludes – parmi lesquels on applaudit un « Hinsides » acoustique superbe, à mille lieux de la pause-pipi zappable de milieu d'album, mais on regrette un « On the Elysian Fields » qui affadit les au-revoir d'un trop plein de piano guindé – adoucie par trois interludes disais-je, cette deuxième moitié appuie un peu sur la pédale du frein tandis qu'elle ouvre le robinet à sucre. Ainsi, sur « Sleeping in the Embers », c'est le début des slows et du quart d'heure américain – quoique sans sombrer dans le roudoudou colle-aux-dents ni dans le naufrage gluco-écœurant. Le front reste haut, le guerrier ne scille pas, mais la haine magnifique laisse place à des tendresses mélodiquement moelleuses. Même constat sur un « Without Crown » au spleen bienveillant et au vaste paysage semblant laisser espérer des lendemains optimistes. Cette mise en retrait de l'hostilité pure pour un Black plus ouvert, plus inclusif, aboutit logiquement à « Black Spirit », morceau qui s'ouvre sur des chants de gorge rituels et la mélopée d'une prêtresse de Gaïa, puis s'attarde en forêt pour 4 minutes et demie aussi superbes qu'inspirantes, lors desquelles le Black mélodique traditionnel du groupe se voit teinté de Folk spirituelle. S'il avait été le point final de l'album, ce dernier aurait mérité un demi-, voire un point supplémentaire, tant sa conclusion aurait alors été imperfectible.

 

On dit souvent que c'est le dernier qui a parlé qui a raison... Peut-être est-ce la raison de cette impression que, fort de ce retour fracassant, Mörk Gryning réussit à faire encore mieux que Necrophobic avec son pourtant très bon Dawn of the Dead. On parie que – suivant l'exemple de ses compatriotes qui avaient fait un tour sur le label français le temps de Womb of Lilithu – on retrouve les Suédois chez Century Media ou Nuclear Blast pour leur prochain album?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: avec Hinsides Vrede – qui rompt 15 ans de silence – Mörk Gryning confirme ce que Necrophobic s'évertue à clamer à qui veut l'entendre: non, le Black/[Death] mélodique à la Dissection n'est pas mort. Et oui, en écoutant ce sixième album, vous avez la certitude de contracter de délicieuses engelures de l'oreille et de puissantes meurtrissures mélodiques de l'âme.

photo de Cglaume
le 26/01/2021

6 COMMENTAIRES

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 26/01/2021 à 09:14:55

Il tourne régulièrement: pas le chef d'œuvre mais un bon skeud.

Seisachtheion

Seisachtheion le 26/01/2021 à 09:55:56

Écoute tout sauf désagréable, en dépit d'un faible goût de "reviens-y"...
Dans tous les cas, ce groupe nourrit, plus qu'il n'appauvrit la densité inouïe de la scène suédoise de metal extrême...

Seisachtheion

Seisachtheion le 26/01/2021 à 10:16:29

Et pas de domaine "réservé" à Coreandco !
Une de mes prochaines kro sera par ex... de l'OSDM ! 😳😜

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 26/01/2021 à 11:30:39

Nan mais sérieux y'a encore des gens qui écoutent du OSDM ???

Xuaterc

Xuaterc le 26/01/2021 à 14:28:19

"Et pas de domaine "réservé" à Coreandco !"
C'est vrai.Je chroniquerais bien le dernier The Crown au fait...

cglaume

cglaume le 26/01/2021 à 15:57:24

Haha. Tu as déjà attaqué le back catalogue du groupe, pourquoi ne pas continuer de chroniquer leur discographie en l'abordant par cette extrémité-là ? :P

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