Parius - The Signal Heard Throughout Space

Chronique CD album (01:01:15)

chronique Parius - The Signal Heard Throughout Space

Ça, on peut dire qu’elle avait de la gueule la pochette de The Eldritch Realm ! À mi-chemin entre Tales from The Crypt et Notre Dame de Paris, on sentait un amour profond pour les nanars sépia, les créatures kitch menaçant des héroïnes à large décolleté, les films à scénarios légers mais à ambiances travaillées... Un petit côté vidéoclub quoi, franchement pas dégueu pourvu qu’on n’ait pas découvert le cinoche en regardant des adaptations Marvel gonflées à l’hélium sur Disney+. Quatre ans plus tard, il semble que la nostalgie développée par Parius ait légèrement changé de cible, la pochette de son nouvel album ayant cette fois ancré ses références du côté de Flash Gordon, Valérian et plus largement de toute la galaxie Metal Hurlant. Ce qui n’est pas pour nous déplaire.

 

Côté musical par contre, l'évolution s’avère bien plus franche. Car si la charte graphique a évolué dans des proportions comparables à un trajet Bangkok --> Pattaya, du côté des oreilles on est plus sur un Pékin --> Moscou sans escale. Allez, fermez les paupières et rappelez-vous : Parius pratiquait un Death progressif aussi mélodique que technique, du genre à faire bicher les fanclubs d’Opeth, Gorod et Between The Buried And Me. Le groupe donnait certes dans la dentelle, mais dans le velu également, et son poil savait se faire dru. Si maintenant vous réouvrez les yeux pour contempler la situation des Américains en cette fin d’année 2022, que voyez-vous ? Un Space opera métallique à haute teneur en sophistication progressive. Le micro n’a plus à trembler d'effroi – enfin presque plus – car le chant est devenu aussi clair qu’une invitation à se ranger sur le bas-côté émanant de Judge Dredd. L’opus de 2018 tenait en même pas 30 minutes ? Le petit nouveau en tartine plus d’une heure, avec des pointes au-delà de 13 minutes pour la piste la plus généreuse. Le line-up historique nous proposait de la guitare à deux lames manipulée par Ryan et George ? Le second a dorénavant été remplacé… par un claviériste. Forcément, au Maryland Deathfest la formation de Philadelphie va désormais avoir beaucoup plus de mal à trouver son public…

 

Pourtant non, Parius n’a pas complètement laissé tomber le gras pour le sucre. Ce Signal Qui Traverse les Confins Inter-Galactiques continue en effet à proposer tantôt du shriek, tantôt de la franche bastonnade de batterie, tantôt de méchants riffs Thrash. D’ailleurs en écoutant la grosse cylindrée « Contact ! » on a un peu l’impression d’entendre l’un de ces darons porteur de cuir, comme on en trouve au sein de Flotsam & Jetsam ou Forbidden, sans compter quelques petites incursions du côté de chez Voivod (… ce ne sera pas la seule fois) ainsi que du Metal plus extrême et grogné. Mais il est indéniable que les décors ont changé. On est dorénavant plus dans le monde de Ziltoid The Omniscient, ou en exagérant un brin dans un « Space Oddity » à rallonge nourri aux gros riffs charnus. Cette classe, cette ambition, cette palette émotionnelle... Les équivalents sont plutôt à trouver du côté de Toehider, Devin Townsend, Opeth, Haken, Disillusion, Ayreon ou Into Eternity… Votre GPS stylistique doit avoir une petite idée d’où se situent ces parages. C’est majestueux, habilement architecturé, labyrinthique mais consciencieusement balisé, et bâti comme une odyssée que l’on suit en spectateurs attentifs, avec le même intérêt et les mêmes frissons que ces épopées hollywoodiennes à gros budget.

 

Chacun des 10 titres pourrait être mis en avant pour illustrer le talent de ce relativement jeune groupe ayant réussi une reconversion exemplaire. À l’exception de « Suspended Animation » peut-être, qui reste un peu trop prostré dans sa gelée de piano dépressif, façon Leprous dernière mouture. « Spaceflight Dementia » fournit un échantillon particulièrement archétypal de ces grands élans épiques, de ces entremêlements de pistes de chant, de cette basse ronflante et centrale (quel bonheur !), et de ce riffing tendu vecteur de nombreux rebondissements. Un « The Human Molecule » permettra de bien se rendre compte de la qualité et de la richesse de la narration, tandis que « Dimension Y » offre une délicieuse immersion dans une matrice protectrice où la basse est reine et les tourments du monde extérieur n’arrivent plus qu’étouffés, comme irréels. Rajoutez par là-dessus le travail d’orfèvre de Jamie King, horloger de pointe ayant déjà confectionné de somptueux écrins sonores pour Scale The Summit, The Contortionist et Between The Buried And Me, et vous comprendrez sans mal pourquoi Willowtip Records – pourtant pas un label de la trempe de InsideOut – a accepté de laisser temporairement de côté le Blast'n'Growl pour s’occuper de ces inespérés petits prodiges.

 

… Reste à espérer que la majorité des anciens fans se laissera convaincre par cette nouvelle approche... Ce qui – les paris sont ouverts – n'est pas gagné !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: sur The Eldritch Realm ils pratiquaient un Death à la fois progressif et mélodique… Mais 4 ans plus tard, les Américains de Parius ont décidé de laisser tomber les privilèges terrestres de la noblesse du Mordor pour embrasser une grande épopée spatio-progressive similaire aux aventures que Devin nous a narrées à travers la bouche de Ziltoid – sans les bouffonneries cartoonesques, par contre. Et on peut dire que le résultat est bluffant, ce troisième album étant un sommet d’intelligence, de suspense et de talent.

photo de Cglaume
le 03/10/2022

2 COMMENTAIRES

noideaforid

noideaforid le 12/10/2022 à 10:08:00

C'est vraiment de toute beauté. Avec la chroniques j'ai cru que le côté Space opéra aller donner un côté kitsch mais pas du tout!  Merci pour cette découverte ! 

cglaume

cglaume le 12/10/2022 à 12:14:05

❤️❤️

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