Roadburn 2023 - Jour 2 - Vendredi 21 - Au boulot

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Retour au café-QG, pour émerger, mais aussi parce qu'aujourd'hui, on a rendez-vous avec Pupil Slicer pour une interview : alors tant qu'à faire, autant avoir déjà un peu planché sur quelques questions.
Ad Nauseam – Engine Room
Pingouins : Sans trop savoir à quoi m'attendre, je passe voir le groupe d'ouverture de la journée. Surprise, il s'agit d'un groupe de tech death, assez inattendu dans le coin ! Les Italiens jouent tout leur album Imperative Imperceptible Impulse, c'est carré avec des vocalises parfois un peu orientalisantes, ils ont l'air contents d'être ici, et le public le leur rend bien. Pour ma part, ce ne sera pas un concert bouleversant, mais c'est tout de même une entame sympathique à ce deuxième jour de festival, où l'épisode death technique se referme aussi rapidement qu'il avait commencé.
Freaks : La journée commence avec un groupe de Death Technique dont j’apprends l’existence une heure avant de les voir. N’ayant aucune attente car absolument pas familier, ni coutumier de ce genre de méfaits, j’y vais accompagner de ma curiosité toute relative, histoire de me remettre violemment dans le bain, la nuit fût courte, les excès nombreux… Le mal par l’evil ! Un peu de violence confinée à l’Engine Room me fera surement le plus grand bien. Et bah oui ! Je ne suis pas le plus convaincu du monde mais j’apprécie la technicité des musiciens, certains riffs me parlent, d’autres moins. Mon manque de gout pour le metal n’est pas un obstacle. De voir en live les musiciens, incarner et défendre leur musique donne clairement un supplément d’âme aux choses. Pas transcendé mais j’ai su capter deux trois choses qui ont su me plaire. Parfois il suffit juste de se lancer et de se détendre un peu les aprioris et la distance que l’on peut mettre avec certaines scènes pour lesquels les affinités sont très rares.
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Trounce – Terminal
Pingouins : Deuxième fois en deux jours que Sangre De Muérdago sont programmés en même temps qu'un autre truc que je veux voir, en l'occurence Trounce, aujourd'hui. Mais je me rattraperai avec leur dernier passage samedi. Trounce, c'est un groupe formé par des membre de Yrre, de Coilguns, de Krüger et de Svart qui ont été commissionnés par le Roadburn lui-même pour créer un album et un set de toutes pièces. Et étant souvent assez attiré par ce qui sort de chez Hummus Records, j'avais vraiment envie d'aller y jeter une oreille. Le résultat s'appelle The Seven Crowns and Arias of the Empty Room, et c'est le show qui est proposé aujourd'hui (l'album sortira le 20 octobre)
Sur scènes, des lumières froides et bleutées, deux synthés/ordis, des cordes et une batterie, pour un chant beaucoup plus souvent chanté que hurlé, et un résultat moins direct que ce à quoi je m'attendais, tout en conservant un caractère souvent captivant, jouant beaucoup sur les ambiances.
Le jeu de lumières est très réussi, et l'idée que les musiciens eux-mêmes déplacent les spots à la main pour balayer la salle à un moment était très bien vu.
Bref, un moment de rock froid et doomesque tirant vers ses racines hardcore qui a été un très bon moment, même s'il m'a semblé parfois percevoir à travers quelques solutions de facilité qu'il s'agissait d'un projet avec un temps de composition à échéance fixe. Il n'empêche que ce genre d'expériences sont une des facettes qui font que le Roadburn est un festival particulier, dans sa capacité à générer de la créativité en collaboration avec différents artistes, et on ne peut en ce sens que saluer toutes les personnes impliquées dans cette démarche. Merci donc beaucoup aux musiciens et musiciennes de Trounce et au Roadburn pour cette ouverture dans la façon de penser la programmation.
(vidéo extraite du concert ici)
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Ashenspire – Engine Room
Pingouins : Alors que Bell Witch venaient d'être annoncés en tant qu'invités surprise avec en sus un nouvel album (The Clandestine Gate) qui serait entièrement joué sur ce même créneau (le nombre de groupes qui calent leurs nouvelles sorties sur les dates du Roadburn est franchement impressionnant), c'est vers la petite Engine Room que nous nous dirigeons pour assister, au moins en partie, au concert d'Ashenspire, dont le récent Hostile Architecture a été une vraie bonne surprise l'année dernière (et je vous invite à aller consulter l'excellente chronique de Xuaterc à son sujet).
Il semble que pas mal de gens se soient plaints du son lors de ce concert, d'après des discussions captées après coup, mais pour ma part, peut-être du fait de l'endroit où j'étais placé, la claque a été totale et absolue, et je n'ai pas peur de dire qu'il s'agit de l'un des meilleurs sets que j'ai vus du festival. Avec une première surprise : qu'est-ce qu'ils sont jeunes ! Et également excités d'être là, à tout donner, avec des tenues exubérantes mais dans un style opposé à celui qu'on associerait généralement au black metal, style auquel le groupe est parfois associé. Mais à mon sens, il n'y a plus grand chose de black metal là-dedans. Du saxo, des boucles, un sens du récit et de la passion dans le chant, une présence sur scène très photogénique, du jazzy et de l'expérimental avec supplément abandon... c'est avec un immense regret que je quitte la salle après quelques morceaux en compagnie de mes compères, parce que c'est maintenant que nous avons le créneau d'interview avec Pupil Slicer. Si je n'avais qu'une chose à dire : allez absolument voir Ashenspire en live si vous en avez l'occasion.
(une vidéo intégrale ici)
Moland :Cette deuxième journée nous aura offert son lot de violence, illustrant à merveille le slogan du festival : Redefining heaviness. Tout d’abord, Ashenspire et son chanteur charismatique, Rylan Gleave, bondissant, hurlant, jusqu’à manquer d’assommer les photographes avec son pied de micro, mais sans se déprendre de son sourire communicatif.
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Wolves In The Throne Room – Mainstage
Freaks : Groupe de Black Atmo culte dont je ne connaissais que le nom. Mon indigence m’honore toujours ! J’y vais avec plus d’entrain, le Black Atmo et ses mélodies fleuves m’ont toujours séduit. J’arrive de part derrière sur la main stage, je m’installe sur les marches un peu en hauteur et me laisse complètement emporter par le torrent mélodique qu’est le set de WITTR. Les larmes sont de retour, je suis ému par l’intensité et la beauté des mélodies. Les riffs en cascade sont sublimes, très accessible. De longues plages musicales qui s’écoutent avec attention sans pour autant demander un réel effort. C’est très instinctif comme ressenti, je suis pris aux tripes. Plein de souvenirs déchirants et heureux s’activent. Je suis profondément triste, et pourtant heureux d’être là à pouvoir sublimer ces émotions entourées de gens avec qui je partage ce moment privilégié. Les images projetées sur l’écran géant me décentrent de mes problématiques personnelles, des images d’une nature tout en démonstration de forces et de beautés qui me ramènent fatalement à sa fragilité et à sa disparition programmée. Un propos musical poignant qui pour toutes ces raisons me fait ressentir jubilation et tristesse. Très belle découverte que je ne manquerai pas à mon retour de me remettre dans les oreilles. Première grosse claque qui marquera mes jours à venir.
Pingouins : Alors que leur dernier album Primordial Arcana était vraiment (très) loin de m'avoir convaincu, revoir Wolves In The Throne Room une bonne quinzaine d'années après la dernière fois me branchait tout de même bien, surtout qu'a priori, ils ne se contenteraient pas de jouer ce dernier album. Et si plusieurs titres de ce dernier ont bien été joués, je dois dire que le passage au live leur réussit plutôt bien. Mais en ce qui me concerne, c'est la fin de leur set avec « I Will Lay Down My Bones Among the Rocks and Roots » issu de Two Hunters qui achève de me convaincre que oui, j'aime toujours WITTR et son black metal des forêts. Et l'affluence dans la salle démontre aussi à quel point le groupe continue d'être apprécié.
(vidéo)
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Teeth of the Sea - Engine Room
Moland : Au Roadburn, il s’avère parfois vain de tenter de poser des étiquettes. Et qu’importe si vous ne connaissez pas la moitié des groupes en présence, chaque élan de curiosité peut s’avérer récompensé par une belle découverte. Teeth of the Sea en constitue un bel exemple, à titre personnel. C’est vierge de tout élément d’information à son sujet que je me glisse au concert de ce groupe pour me prendre une claque dont je serais à l’heure actuelle encore incapable d’en définir la nature. Rock psychédélique, post-rock, electro ? Un peu de tous ces ingrédients et aucun à la fois. Le groupe puise dans moult influences parfaitement digérées pour servir une tambouille fort digeste et assurément personnelle, originale et partant, séduisante en diable. Ou comment donner envie de creuser sa propre cosmogonie par le truchement d’un concert indescriptible qui vous passe le message, en substance, selon lequel il convient d’y assister soi-même si on espère comprendre pourquoi ce groupe trop méconnu se montre incontournable. Merci, le Roadburn !
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Brutus – Mainstage
Pingouins : N'ayant jamais tout à fait compris la hype autour de Brutus (oui, d'accord, il y a une batteuse / chanteuse, ce n'est pas si commun, mais ça arrive), mais ayant malgré tout un a priori plutôt positif sur le combo, c'est l'esprit ouvert que je prends place aux côtés de Freaks sur les marches de la mainstage, un peu dans le fond de la salle donc, histoire de faire d'une pierre deux coups en se reposant un peu. La récente sortie de leur album Unison Life motivant leur présence au festival, et attirant logiquement pas mal de monde dans la salle, je dois dire que ce concert a été un très bon moment, et voir le kit de batterie installée sur le côté de la scène et non pas dans le fond apporte un petit cachet supplémentaire.
En ce qui concerne la musique, c'est très propre, les lignes de chant de Stephanie Mannaerts sont souvent très bien amenées, logiquement plus poussées lorsqu'elles interviennent sur des sections de batterie plus simples (et inversement aussi avec la batterie et le chant, donc), et finalement leur rock à la fois péchu et tristoune parfois a ceci de plaisant qu'il semble très humain, comme les protagonistes du groupe : il suffisait d'entendre Stéphanie dire qu'à seize ans, elle rêvait de venir au Roadburn, et que maintenant elle y jouait, pour ressentir une immense émotion chez elle. Chose qui se confirmera en toute fin de set, lorsque les applaudissements de toute la mainstage à l'unisson pour les saluer manquera de la faire exploser en larmes. J'en suis encore sincèrement ému au moment de l'évoquer pour ce report et au bout du compte, je ne peux que saluer cette prestation que j'ai trouvé excellente.
(un extrait en vidéo, le début du concert, ici)
Moland : Parmi les concerts marquants de cette deuxième journée, une tête d’affiche devant laquelle on déroule, partout où elle se produit, le tapis rouge, pour le meilleur et le pire : Brutus. Stefanie Mannaerts, la charismatique chanteuse-batteuse du groupe, avoue qu’encore ado, elle rêvait de se produire sur les planches du Roadburn. C’est donc avec émotion qu’elle exprime son extrême bonheur de voir ce rêve se réaliser ce soir-là. Emotion que les Belges sauront communiquer au public. On assiste là à l’un des éléments constitutifs de la magie du Roadburn. Ils sont pléthore, les artistes qui se sentent liés à ce festival, à jamais, après avoir inscrit leur nom sur son Wall of Fame. Intronisés, honorés, reconnaissants. La sincérité de leurs propos transpire par tous les pores de leur âme. Il suffit de lister le nombre d’albums live estampillés Roadburn, comme ceux d’Emma Ruth Rundle et de Trounce, pour n’en rester qu’aux nouveautés de 2023.
Freaks : J’arrive avec de gros aprioris (négatifs) malheureusement pour voir un groupe dont je ne comprends pas la hype qui l’entoure. J’ai très envie de voir ce qui justifie un tel engouement. Peut être suis-je passé vraiment à côté. Et bien la hype n’est toujours pas justifiée à mon sens mais merde qu’est-ce que j’ai kiffé ce concert. Je n’en attendais presque rien mais me suis fait agréablement cueillir. Des riffs épurés, une approche très directe, très Rock dans l’âme confirmé par le jeu d’une batteuse efficace dans sa sobriété mais qui connait très très bien sa batterie. Rien d’extrême, sa sonne très keuro avec des plans somme toute classiques mais ça envoie. La reverb donne du corps et de l’âme. Le chant est un atout indéniable, un timbre très rauque, éthéré et puissant à la fois.
Un combo qui remet le rock alternatif au centre du débat pour qui s’intéresse un peu à la modernité et à l’actualité du genre. La chanteuse est comblée de bonheur, son émotion est communicative, la bienveillance domine et la chaleur humaine est belle à voir.
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Portrayal of Guilt – Engine Room
Pingouins : Dans la « petite » Engine Room, il semble qu'il ait été difficile de bien régler le son pour tout le monde. Ici, Portrayal of Guilt présentent le dernier-né de leur prolifique production avec leur EP Devil Music. Quand bien même j'avais beaucoup apprécié leur album We Are Always Alone et son hardcore / screamo à tendance black, et que la bande à Matt King assure bien le show, je n'ai pas vraiment été transporté par le concert, par ailleurs beaucoup plus court que la moyenne dans le coin, et la fatigue accumulée commençant peut-être à se faire sentir. C'est en tout cas l'un des concerts auxquels j'ai assistés qui avaient le moins, en tout cas pour moi, cet aspect introspectif que l'on retrouve souvent dans les prestations ici.
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Backxwash – Terminal
Pingouins : Katie de Pupil Slicer nous l'avait dit lors de l'interview : il faut aller voir Backxwash, d'autant plus qu'elle allait faire un feat. sur scène avec elle lors du concert. Backxwash, c'est le projet hip-hop fortement badigeonné d'indus, de distortion et de bruits chelous de Ashanti Mutina, artiste trans qui joue ici son premier concert sur le sol européen, pour un set nommé « Ma Nyimbo Ya Gehana ».
Le moins que l'on puisse dire, c'est que ça envoie (ce n'est pas pour rien que Katie est venue accompagner sur un morceau!) et que c'est carrément bien fait. Epaulée par une projection en arrière-plan, Backxwash envoie ses textes sans retenue, faisant siens les mots de Malcolm X, d'Angela Davis, de Nina Simone, et prouvant que le hip-hop a tout à fait sa place dans ce festival de musiques sombres et expérimentales comme on les aime, avec son lot d'ambiances noisy et de vocal guest shrieky. Il existe de plus en plus de projets brouillant ces frontières entre musiques extrêmes et univers plus rap/hip-hop, et personnellement, je ne peux que m'en réjouir, car il y en a de très bon dans le lot, et Backxwash en fait définitivement partie.
Encore un excellent concert pour clore cette seconde journée, que vous pourrez retrouver intégralement ici en vidéo.
Moland : Portrayal of Guilt aura rivalisé de puissance, tandis que, dans un tout autre registre, Backxwash et son hip hop surpuissant servi par des beats indus tranchants aura su conquérir le public. C’est quand Katie Davies, la guitariste chanteuse de Pupil Slicer, monte sur scène pour l’accompagner à la guitare, on comprend à quel point les musiciens programmés au Roadburn comptent parmi les membres d’une grande famille qui ne galvaudent en rien les liens qui les unissent.
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DeWolff - Main Stage
Moland : DeWolff, quant à eux, semblent jouir d’une aura solide en jouant sur leurs propres terres. Le public semble les connaître et malgré l’heure tardive, le groupe clôturant la journée, lui réserve un accueil en fanfare. Nous les laisserons à leur communion avec ce rock à papa fort festif mais trop quelconque à notre goût.
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