Roadburn 2023 - Jour 4 - Dimanche 23 - Sunday Blacky Sunday

Roadburn 2023 Jour 4 - Dimanche 23 - Sunday Blacky Sunday (dossier)
 

 

Déjà la dernière fois que nous venons boire le café dans notre café, dont nous sommes semble-t-il désormais des habitués. Un peu de nostalgie commence déjà à s'emparer de nous en pensant qu'après cette journée, c'est déjà fini, et qu'il va falloir reprendre la route demain pour regagner des contrées plus casanières et moins saturées. Mais il y a encore du boulot, parce qu'aujourd'hui, c'est la journée plus orientée black metal qui s'amorce.

 

Pingouins : Personnellement, cette journée placée en fin de fest me va bien, car il s'agit stylistiquement de celle qui me parlait le moins, et où j'avais coché le moins de noms sur ma liste (d'autant plus depuis que White Ward ont annulé leur venue), ce qui me permettait d'aller vadrouiller et découvrir selon l'humeur, en me laissant porter. C'est ainsi que je passerai voir le doom sludge avec un petit côté death (dans mes souvenirs un peu flous) de la collaboration entre Elizabeth Colour Wheel et Ethan Lee McCarthy, sans que ça ne me laisse une impression particulièrement exaltée : sympa mais sans plus pour moi à ce moment-là du festival, et je ne resterai que pour quelques morceaux avant d'aller retrouver mes compères, attablés pas loin du Hall of Fame en attendant que commence le set de Decline Of The I.

 

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Decline Of The I – Hall of Fame

 

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Moland : Il faut lâcher deux mots sur la prestation de Decline Of The I, dans la salle dévolue aux concerts secrets dont le Roadburn se fait le spécialiste. Celle-ci, aux allures de salle underground, se remplit rapidement et confère aux concerts qui s’y tiennent des allures de moments privilégiés. De fait, le post-black à la dimension cinématographique des Français, sans révolutionner le genre, sait prendre possession des lieux.

 

Pingouins : Je ne suis pas un grand fan de black, mais je dois bien reconnaître que le concert de Decline Of The I a été bien carré, gentiment teinté de 'post', et un ensemble qui fonctionne bien. Un peu trop classique dans son approche en ce qui me concerne, d'autant plus au sein d'un festival qui va chercher dans des recoins parfois absurdes de l'expérimentation, mais je dois dire que cela met en jambe pour la journée, et que le petit film garni de phrases (des paroles, il m'a semblé comprendre) projeté en arrière-plan aide à rentrer dans l'univers du groupe. Bref : propre, mais pas vraiment pour moi.

 

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Big|Brave – Main Stage

 

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Pingouins : Voilà ce qui me manquait aujourd'hui : me faire soulever les organes par des basses rondes et voluptueuses, généreuses dans leur vibrations pour pouvoir vivre le concert littéralement de l'intérieur. Bien placé à quelques mètres de la scène et dans l'axe de la sono, je peux affirmer que j'en ai pris plein la gueule. Présentant tout son très bon nouvel album Nature morte, l'orchestre Big|Brave utilise de nombreux artifices pour jouer avec les distorsions du son, en venant coller la tête de basse contre les cymbales de la batterie, contre les amplis, modulant les volutes de saturation pour créer un tumulte sonore dans lequel plonger et s'abandonner totalement. Par là-dessus, la voix si particulière de Robin Wattie, qui vient s'apposer comme une boussole à suivre pour s'orienter dans la tempête, fait mouche à chaque fois qu'elle intervient. Et quand les quelques éclaircies un peu plus orientées post rock viennent ouvrir le mur de son des nuages dronesques créés par le groupe, je ne peux m'empêcher de lâcher à un moment « putain, c'est beau ».

Les deux autres castors juniors auront abandonné le navire à l'avance pour aller se placer pour Wayfarer, mais pour moi, le choix inverse a été vite fait, et je ne regrette pas une seconde, parce que ce concert de Big|Brave vient sans problème se placer dans les tous meilleurs du fest pour moi. Et à en juger par les salves d'applaudissements qui ont gratifié la fin de la performance, je n'ai pas été le seul.

Je dois ajouter que comme pour beaucoup d'autres artistes présents au Roadburn, j'ai aussi énormément apprécié l'attitude très simple du groupe, qui avaient simplement et très honnêtement l'air de juste être heureux et émus de jouer ici, comme l'illustrera une simple phrase de Robin : « I'm not crying, you're crying », alors que ses yeux étaient embués de larmes d'émotion. Des concerts comme ça, des personnes comme ça, j'en voudrais tous les jours. Au point que j'ai calé la date de fin de mes vacances d'été exprès pour pouvoir les revoir quand le groupe passe dans ma ville en septembre.

Alors merci Big|Brave.

(le premier morceau en video ici, y'a des basses, à écouter au casque)

 

Moland : Comme Brutus le second jour, un autre groupe laissera ses émotions submerger sa performance scénique : Big|Brave. Les larmes aux yeux, Robin Wattie, la chanteuse-guitariste, aura su partager avec un public complètement conquis le sentiment d’avoir livré une performance exceptionnelle. Servi par un son à la limite de la perfection, les Canadiens ont interprété en intégralité leur dernier album, Nature Morte, chroniqué chez CoreAndCo (tout comme leurs 2 précédents, Vital et Leaving none but small birds, en collaboration avec The Body) et figurant d’ores et déjà dans notre Top 2023. Massif, habité, puissant, leur concert emporte tout sur son passage, engloutit l’assistance dans son univers redéfinissant la règle des 3L : lent, lourd, long. Avec cette géniale faculté à faire surgir de ses silences la menace d’une explosion de rage. A titre personnel, c’est avec un relatif regret (je les ai déjà vus une fois dans le Nord de la France) que je quitte en cours de route cette grand messe pour aller applaudir les gars de Denver, Colorado : Wayfarer.

 

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Wayfarer – Terminal

 

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Freaks : Peut-être après Julie Christmas, le concert que j’attendais le plus. Les garçons de Wayfarer sont venus de très loin et ont emporté avec eux leur univers poussiéreux et épique. Le groupe dispose d’une classe naturelle, il fait corps dans ses attributs vestimentaires. L’unité est visible sur scène, et ce jusque dans le port de chemise sur lesquelles j’ai jeté mon dévolu. Petit point looking en passant, n’en déplaise au plus schlag d’entre nous. Le set commence sur « The Crimson Rider », morceau délectable au possible. Le son est cool, les gars sont en place, les chants du bassiste et du chanteur sont puissants, déterrés directement du désert du Colorado. Lieu de vie des Cainris dont on aura le droit d’apprécier l’austérité et la dureté avec un court métrage en guise d’aparté. Moment dispensable à mon goût mais qui participera tout de même du voyage dans le Grand Ouest Américain que nous a offert Wayfarer. Les mélodies accrocheuses, le riffing, le swag des zicos, la singularité de leur Black est imparable d’anthologie. Une anthologie qui sort tout droit du tombeau d’ancêtres américains et dont les réminiscences du nouveau monde d’antan donnent surtout des frissons tant la sauvagerie est omniprésente dans la musique de Wayfarer.

 

Moland : Leur dernier album en date, A Romance with violence, bénéficiant de sa chronique ultime chez CoreAndCo, trônait au sommet de mon top 2020. Je n’aurais donc raté pour rien au monde l’occasion de les découvrir enfin sur scène. Grand bien m’en a pris : leur show s’avéra de haute volée, à la hauteur de l’attente. L’intro au piano de saloon de l’album retentit avant de laisser la place à « The Crimson Rider », qui lance au galop une setlist laissant la part belle aux titres dudit album, entrecoupée d’un court-métrage rempli de la poussière des Grandes Plaines du Grand Ouest et offrant en primeur quelques titres du prochain album, American Gothic, sorti en octobre 2023, qui s’annonce dans la lignée du dernier opus et qui semble s’inscrire dans l’évolution de leur musique, s’éloignant davantage de ses racines black metal stricto sensu.

 

Pingouins : Basculer de Big|Brave au BM du grand ouest de Wayfarer est une sorte de grand écart avec risque de déchirement des abducteurs, mais cela valait le coup, d'autant plus que leur set est vraiment long, aussi je n'aurais raté qu'une paire de morceaux et pu profiter d'une bonne heure de concert. Concert qui s'est avéré excellent, allant piocher dans les différents albums, mais aussi en jouant pour la première fois des nouveaux morceaux qui seront présents sur un album à venir : c'est là encore la magie du Roadburn, où de nombreux artistes font coïncider leur sortie avec le fest, ou préparent des choses spéciales pour l'évènement, et qui fait que ce festival est si particulier. Un petit film sera aussi projeté à mi-set, avec musique et spoken word pour la mise dans l'ambiance, avant de repartir de plus belle. Bref : une très très bonne performance pour Wayfarer, très bien calibrée et facile à appréhender. Un franc succès !

Et de façon surprenante, si l'entrée se faisait bien mais au milieu d'une foule compacte, le devant de la scène était très confortable, quelques personnes partant petit à petit. Bref, un concert avec tous les voyants au vert.

 

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Circuit Des Yeux – Next Stage

 

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Pingouins : N'étant absolument pas convaincu par les quelques minutes de Zola Jesus (qui d'après ce qu'on m'a dit a eu le son le plus perrave de tout le festival), après une pause nécessaire et en attendant le nouveau set de Cave In, direction la petite et intimiste Next Stage pour aller – un peu au hasard – voir Circuit des Yeux, dont j'avais lu du bien un peu plus tôt.

L'atmosphère intimiste de la salle et le show envoutant, un peu plus calme, minimaliste et moins intense que la plupart des autres choses que l'on a pu voir, a été une très bonne pioche, et cela tombait vraiment à pic à ce moment-là du festival, parfait pour se laisser emporter et tenter de trouver un peu de repos dans tout ça. Tantôt accompagnée de deux autres musiciennes, tantôt seule entre guitare, chant, clavier et sons bizarres, Circuit des Yeux a proposé un concert qui, dans mon état, m'a complètement captivé et embarqué : j'irai même jusqu'à dire qu'il m'a fait du bien. D'ailleurs, en sortant de la salle, je vois un type survolté qui disait à ses potes, sourire jusqu'aux oreilles : IT WAS INCREDIBLE !. Et ben j'étais d'accord.

La fatigue a probablement bien aidé le processus, mais les boucles, une certaine douceur malgré une charge certaine, une immersion progressive et une voix vite captivante m'ont vraiment énormément fait apprécier ce concert, notamment une superbe « ballade » toute en boucles des 2/3 du set jusqu'à la fin, proche de ce qu'ont pu faire Chelsea Wolfe ou A.A. Williams.

Vous pouvez retrouver le concert en video ici.

 

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Cave In – Main Stage

 

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Freaks : Fatigué ! Le Rock Vitaminé (normalement) de Cave In aura eu raison de mon état de fatigue avancé. Je laisse mes comparses apprécier en demi-teinte un concert plan plan. Je vais faire la sieste un peu plus loin dans les gradins. Merci à Cave In pour la sieste Aha !

 

Pingouins : Deuxième round pour Cave In, qui en ce dernier jour de Roadburn présente son dernier album Heavy Pendulum dans son intégralité. Nous prenons place sur les balcons pour voir le show dans son ensemble, et c'était un bon choix de pouvoir s'appuyer sur les barrières. Notre pauvre camarade Freaks, épuisé, s'endormira dans un coin pour jouer la survie.

Et donc verdict : c'était plutôt bien.

Avec un Nate Newton (de Converge, remplaçant du défunt Caleb Scofield) survolté, un Stephen Brodsky très en communication avec le public, très juste dans son chant, et un son vraiment au top (ce final avec « Wavering Angel », mazette, ça envoyait de l'émotion et de la vibration), les vétérans de la scène, toujours heureux d'être là, ont assuré de bout en bout et prouvé qu'ils sont encore bien présents, même si la musique qu'ils proposent semble, dans le contexte du Roadburn, presque trop gentillette et lumineuse au vu de la concurrence – pour ne pas dire « à papa » – tout en restant vraiment très bon. Et ce n'est pas plus mal, comme choix de la programmation, d'avoir placé en fin de fest, alors que les salles sont déjà plus clairsemées parce que le public commence à repartir pour bosser le lendemain, des groupes qui permettent de redescendre petit à petit, ou de remonter des abysses dans lesquels on avait plongé ces quatre jours.

Par ailleurs, plusieurs caméras présentes dans la salle laissent supposer qu'il pourrait y avoir un petit « Live at Roadburn » en préparation. A suivre !

 

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Oiseaux-Tempête – Main Stage

 

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Moland : Je me dois d’apporter un contre-point à l’avis de mon camarade Pingouins, fort déçu (et fort inspiré par cette déception) par les mérites que je lui avançais concernant un des groupes en résidence, Oiseaux-Tempête. Des 3 concerts que le collectif avait préparés, je n’assistai qu’au dernier, qui concluait l’édition 2023 du Roadburn. Et quel concert, foutre dieu ! Comme quoi, tout n’est affaire que de point de vue. C’était l’instant Paulo Coelho. Déjà auteurs de l’un des meilleurs albums de 2022, What on Earth… dans mon top de fin d’année, les Français ont livré une des prestations les plus intenses du festival. Pas vraiment post-rock, car s’éloignant des codes de tous les genres auxquels on voudrait la rattacher, leur musique s’enrichit de moult influences et s’offre moult invités de marque, comme GW Sok, l’ex chanteur de The Ex, ce mythique groupe de post-punk expérimental batave. Ou encore les éléments de musique traditionnelle nord africaine. Le groupe aura joué, ce soir-là, son fameux dernier album en date, top2022, donc, emportant le public dans ses élans electro cosmiques et le baignant dans ses ambiances jazzy, moites en diable. Sur scène, les musiciens apportent une dimension organique à sa musique sans lui ôter son pouvoir hypnotique. S’il fallait redéfinir le tutoiement de l’infini, c’était bien en présence de Oiseaux-Tempête au Roadburn qu’on pouvait se le permettre.

 

Pingouins : Moland nous disait que des trois sets de Oiseaux-Tempête au Roadburn, c'est celui-ci qui était probablement le plus à voir. C'est donc totalement épuisés que nous voyons se présenter l'orchestre (car c'en est un, il y en a du monde sur scène).

Et pour le coup, ça ne m'a pas spécialement parlé : je n'ai pas vraiment compris la nécessité d'avoir autant de gens qui jouent (j'ai un peu eu l'impression qu'en en retirant la moitié, le résultat aurait été strictement le même), pour un post-rock plutôt gentillet mais qui m'a laissé (de même que le nom, dans une certaine mesure) une amère impression de truc un peu pompeux, comme le révèlera ce commentaire que j'ai pu faire à haute voix : « on dirait un groupe de fin d'année d'étudiants d'une école de musique parisienne ». Mais comme le public présent encore en nombre a l'air de plutôt très bien réagir à leur musique, je vous invite à ne pas trop prendre en considération ce qui n'est peut-être que moi et à vous aller vous faire une idée par vous-même.

 

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Duma – Next Stage

 

Pingouins : J'abandonne finalement Oiseaux-Tempête pour rejoindre la Next Stage et son secret show de Duma, dans un style radicalement différent : le duo de Nairobi officie dans un style electro plus proche de la hardtech/breakcore que de la musique éthérée, tout en portant des t-shirts de black metal. C'est bien bagarre, ça fout la pêche et c'est absolument parfait pour terminer ce fest. Je n'en verrai malheureusement qu'une petite dizaine de minutes, ayant retardé mon départ de la Main Stage. Mais j'en aurais volontiers avalé bien plus tant ce bouquet final reboostait tout ça.

 

Et puis ça y est. Vaincus mais heureux d'avoir été là, un peu tristes à l'idée que la "vie normale" reprendra son cours suite à notre départ dès demain, nous chevauchons la CoreandCar pour regagner nos bien lointaines pénates.

photo de Pingouins
le 29/07/2023

3 COMMENTAIRES

Seisachtheion

Seisachtheion le 29/07/2023 à 18:36:56

Wayfarer 😍😍😍

cglaume

cglaume le 29/07/2023 à 19:22:06

Euuuuh… pourquoi c’est moi qui signe l’article haha ?? 🤣🤣

Moland

Moland le 29/07/2023 à 23:50:12

Et t'as Papy Cyril sur un autre jour haha

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