Roadburn 2023 - Jour 3 - Samedi 22 - La journée bagarre

Roadburn 2023 Jour 3 - Samedi 22 - La journée bagarre (dossier)
 

 

Troisème jour, troisième round au café habituel pour tenter de reprendre forme humaine, chose d'autant plus nécessaire qu'aujourd'hui, c'est la journée avec la programmation la plus bagarre des quatre jours, penchant tendanciellement vers des projets hardcore. D'ailleurs, c'est Pupil Slicer qui ouvrent la danse, histoire de bien réveiller tout le monde.

 

Pupil Slicer – Engine Room

 

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Pingouins : Mirrors nous avaient bien retourné la tronche en 2021, et maintenant que leur nouvel album Blossom est en bonne voie (il sera probablement sorti au moment de la publication de ce report), voir Pupil Slicer en concert était vraiment dans mes objectifs de ce Roadburn 2023. D'autant plus qu'après l'interview avec Katie la veille, en avoir eu un petit aperçu un peu plus de l'intérieur donnait envie de s'y pencher. Bilan : la branlée, bien plus rentre-dedans que la plupart des groupes programmés lors du festival, ce qui ne manquera pas de rapidement clairsemer les rangs du public, qui était beaucoup plus compact au début du set. Alternant entre nouveaux titres et morceaux issus de Mirrors, la prestation est franchement sans faute, frénétique, et les nouveaux morceaux passent bien l'épreuve du live, malgré ces quelques sursauts poppy qui nous avaient fait douter lors des écoutes des singles préparant la sortie de Blossom. Si l'effet de surprise est un peu moins présent (sauf pour les gens qui ont découvert le groupe directement lors de ce concert, probablement), je dois dire que mon attente de ce nouvel album a été attisée par ce show, et c'est donc satisfait que je ressors de la salle.

Spéciale dédicace aussi au t-shirt du groupe style javel-woodstock, on ne voyait que lui au milieu du merch en règle générale un tantinet porté sur le noir. Un petit défaut cependant, pas loin de 40 balles le t-shirt, faut pas déconner.

(un bout en video)

 

Freaks : Première boîte Hardcore me concernant. Les Anglais hyper attachants de Pupil Slicer et que nous avons eu la chance d’interviewer ont tué le Game. Du moins, et au vu de la programmation du RoadBurn, les Anglais ont su émoustiller le Coreux que je suis. Pas trop Hardcore Friendly, le festival nous propose quand même un groupe qui n’aura surement pas fait l’unanimité auprès de fans de Doom et autres inerties rythmiques (j’déconne hein !) ; cependant Pingouins, Moland et moi-même avons été charmés et allégrement bordélisés par des Anglais aussi frais et habités que leur mentor de Dillinger Escape Plan.

 

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Ken Mode - Terminal

 

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Moland : Nous ne reviendrons pas sur les mandales administrées par Pupil Slicer et Candy qui, comme nous le raconte le camarade Pingouins, décrochent la médaille de la bagarre. Ni sur le concert de Show me the Body, qui, en fin de soirée, a provoqué un ouragan dans la fosse avec ses riffs de hardcore festif administrés par un banjo survitaminé. Si le post-metal de Healthyliving et la dark dance de Boy Harsher ne nous auront guère conquis, nous repartiront de cette journée avec la rémanence des grimaces hallucinées de Jesse Matthewson, le chanteur guitariste de KEN Mode. Le gaillard semble complètement possédé, et son langage du corps tout comme ses yeux écarquillés hypnotisent, pour mieux cueillir le public par ses riffs noisy acérés. La folie qui se dégage des albums des Canadiens s’exprime à plein, décuplée par l’énergie de la scène et la tonitruance des vociférations démoniaques du saxophone.

 

Freaks : Très envie de voir les Canadiens malgré une grosse désaffection perso après la sortie de NULL. Il est vrai aussi que j’adore les voir en live, le charisme de Jesse me rend fou. Le mec est habité et dispose d’un visage très expressif quand il s’agit de faire dans le malsain. Creepy Jesse !

Bon j’assiste au début du set, le son est renversant de volume, ça fait boom boom dans le bédon. A part ça, je n’ai pas accroché, la faute à un dernier album que je trouve trop expérimental. Les incursions Jazz me gonfle…. Je quitte la salle un peu frustré et m’en vais voir Sangre De Muérdago que je tenais absolument à ne pas rater. Oui en plus il parait qu’un des membres de Ekkaia figure dans le line up, il ne m’en fallait pas plus pour nexté Ken Mode. Désolé les gars, je vous adore mais votre dernier album me lourde, ce qui n’a pas été le cas de notre cher Moland qui a pris la claque consentie qu’il était venu chercher.

 

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Sangre De Muérdago – Next Room :

 

Pingouins : pendant que les affreux loulous qui me servent de comparses vont se placer pour Ken Mode au Terminal, je me dirige vers la Next Stage pour enfin aller assister au concert de Sangre De Muérdago, le troisième en trois jours lors du festival, mais le premier qui ne chevauche pas quelque chose que j'avais aussi envie de voir. Aujourd'hui, le groupe galicien jouera As Voces Da Pedra, projet commissionné par le Roadburn, qui étend l'EP du même nom, qui se trouve à l'origine être un split avec Monarch.

Equipés d'instruments tels des tambours traditionnels (certes modernisés), de guirlandes d'os et de cloches, etc, le groupe va rechercher dans la folk traditionnelle de Galice (nord-ouest de l'Espagne) pour en tirer un résultat absolument parfait à ce moment de ce festival, qui transporte dans ses boucles et ses harmonies vocales, une boîte à musique et des mélodies parfois médiévalisantes sans pour autant en devenir gênantes.... Et puis on ne répétera jamais assez qu'un ancien de chez Ekkaia (Pablo Caamiña Ursusson) fait partie de Sangre De Muérdago, ce qui est un gage de qualité.

 

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Tous les ingrédients étaient réunis pour un concert envoûtant, confondant de beauté par moments, « simple » et sincère, et dont le seul problème est qu'il m'a fait regretter de ne pas assister aux deux autres. De plus, l'aspect plus intimiste de cette Next Stage en a fait le réceptacle parfait pour ces quelques dizaines de minutes qui resteront pour moi dans le haut du panier de ce à quoi j'ai assisté lors de ces quatre jours. A voir si les projets disons... deep folk vous plaisent, doublées de mélancolie méditerranéenne ou océanique.

(extrait vidéo)

 

Freaks : J’arrive en cours de Set, je me cale discrètement dans un petit coin sur le balcon de la Next Stage. Beaucoup de monde pour apprécier la folk spirituelle et emportée de Sangre De Muérdago. Une parenthèse douce et profonde à la fois. Un voyage dans des contrées et au travers d’une culture ancienne que je ne connaissais pas. Un très beau moment fait de recueillement apaisant et d’une chaleureuse harmonie. Pas la plus grosse claque au sens littéral du terme mais dans son sens le plus figuré, le groupe a mis tout le monde d’accord. Magique !

 

 

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Chat Pile - Mainstage

 

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Freaks : Pas d’attente particulière à voir le combo américain. Le duo Basse/batterie est monstrueux. Le chanteur d’une nonchalance guignolesque tout en restant charismatique dans la paresse. Une image dont il se fout complet. La bedonne est nue et généreuse dans son volume, le type fait un circle pit solo quasiment tout le concert. Monsieur est présent sans l’être. Un détachement et une coolitude incarnée dans la désinvolture, et appuyé par plein de petites vannes sympatoches. Groupe pas prise de tête qui fait beaucoup de bien dans tout ce drama ambiant, une atmosphère au Roadburn lourde de conséquence pour des âmes complices dans la noirceur et les expériences mortifères.

 

Pingouins : Après un petit passage pour voir Duma & Deafkids et Healthyliving, et n'étant particulièrement convaincu par aucun des deux, c'est pour les très attendus Chat Pile d'Oklahoma City que nous nous réservons pour le prochain concert. Ils avaient déjà joué la veille lors d'un secret show au même moment que Backxwash, mais nous étions restés au Terminal. Aujourd'hui, on est prêts, tout comme la salle qui se remplit rapidement et va vite éclater de rire lorsque l'image de fond de scène apparaît... en fond de scène, c'est ça : une bagnole éclatée contre un mur de maison au point d'être arrivée à moitié dans le salon. Par ailleurs, le « WHY ?! » du morceau présent sur God's Country étant devenu une sorte de meme-gimmick parmi le public du festival.

Il y a fort à parier que la prestation de leur chanteur 'Raygun Busch' (pseudonyme) restera elle aussi dans les mémoires, à des années-lumières de celle du chanteur de Deafheaven deux jours plus tôt. Là où George Clarke était tout en sensualité, Raygun Busch arpente la scène en faisant des cercles, pieds et torse nus, bedaine ouverte aux quatre vents et moustache qui n'en pense pas moins. Ce côté paumé / white trash que l'on retrouve dans sa façon de chanter à la limite de la rupture nerveuse et dans la musique de Chat Pile, qui dépeint une Amérique décadente à en bouffer la poussière.

Quant au son, si on s'attendait à se faire franchement retourner la tronche par les basses, et ce dès les balances qui faisaient remonter les poumons dans le larynx, les curseurs auront finalement été un peu abaissés pour le concert, et là où l'on s'attendait à voir les murs trembler sous ce noise rock post sludge décrépit, ce ne sera pas le cas. Et à mon avis, on y a un peu perdu au change, parce que le but était de se faire secouer un peu et de ressentir ce malaise musical que décrit Chat Pile directement dans notre corps. Je suis malgré tout bien content de les avoir vus, et il s'agissait en plus d'une exclusivité européenne cette année, donc ce n'est pas comme si il allait y avoir beaucoup d'autres occasions !

 

Je serais ensuite bien passé voir l'electro dark de Sierra, qui apparemment avait mis le feu pour la soirée de la veille ou de l'avant-veille, mais l'immennnnnse file d'attente pour rentrer dans le Hall Of Fame aura raison de moi et me poussera à aller voir trois ou quatre morceaux de High Vis, qui me laissera sur une note de « bien mais sans plus », sans trop d'autres commentaires à faire. Et ce sera donc la pause.

 

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David Eugene Edwards - Main Stage

 

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Moland : David Eugene Edwards prouve que le charisme n’est pas une affaire de gesticulations. La figure tutélaire de 16Horsepower et de Wovenhand ne décolle pas de son siège. Coiffé de son grand chapeau et de ses lunettes de soleil, levant ses tiags de temps à autre pour mieux bousculer les énergies qui circulent autour de sa personne, le patron, uniquement armé d’une guitare ou d’une mandoline, administre une leçon de chamanisme sans avoir à en faire des tonnes. On pense au dernier album en date de son groupe (chronique ultime de Silver Sash chez CoreAndCo) dans une version épurée qui, dans son extrême simplicité, se met à nu pour mieux communier avec son public. Magistral.

 

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Candy – Terminal

 

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Pingouins : Le prix « la bagarre » du Roadburn 2023 est attribué haut la main et sans discussion possible à Candy, qui jouent en intégralité leur dernier album Heaven Is Here. Ce sera aussi l'occasion pour moland de faire son baptême de hardcore de la meilleure des façons.

Pour le dire simplement, Candy ont totalement ravagé le Terminal, un son hallucinant, une violence totale. Si je n'ai pas été conquis sur album (même après le concert), ce live a été l'un des meilleurs concerts du fest, à placer dans la catégorie carnage total, no survivors intended. Leur hardcore très direct et matiné d'indus a vraiment un goût de débris métalliques en bouche, une facette post-apocalyptique de zone industrielle en décrépitude. On en redemande, mais wow, difficile d'imaginer qui pourrait passer après une gifle aussi flagrante et absolue : en moins de vingt minutes (sans compter l'outro plus ou moins harsh noise sans les membres du groupe), le combo a fait perdre pas mal d'années d'espérance de vie aux personnes présentes et fait regretter qu'il n'y ait pas un peu plus de groupes plus orientés hardcore qui soient programmés ici.

On ira ensuite vite fait jeter un œil au premier set de Cave In sur la mainstage, mais peu convaincus (et surtout attirés par leur set du lendemain), c'est vers le Hall of Fame que se redirigera une partie de nos énergies.

 

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Mütterlein – Hall Of Fame

 

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Pingouins : le petit Hall of Fame est l'une des plus petites salles du festival, aussi, petit truc si jamais vous avez l'intention de venir ici et d'assister à un concert dans cette salle : prévoyez un peu d'avance. La queue se forme vite et la salle se remplit, ce qui nous fera rater les dix premières minutes du set, attendant que des gens s'enfuient devant la musique de Marion Leclercq, ex d'Overmars, et son projet 'witch wave' bien darkos. Une fois dans la salle, l'ambiance est posée : de nombreuses grandes perches sont plantées sur la scène, la fourche à ergot que l'on retrouve sur chaque pochette pointée vers le haut, dans une ambiance bleutée froide et enfumée.

 

La musique de Mütterlein, dont on avait pensé que du bien de ses derniers albums, est propice à l'abandon et à la perdition dans ses boucles et sa distortion, parfois réappuyée par une guitare, entre deux vociférations de Marion dans son micro. L'ensemble est saisissant, mais c'est particulièrement en fin de concert, quand « Requiem » vient frapper la foule de ses boucles quasiment psychédéliques (dark psyché, hein), que l'immersion est totale. Mon pauvre camarade Freaks, qui ne s'attendait pas à ça, s'est fait complètement retourner et s'est retrouvé tout peuchère pendant une bonne heure après le set, mais il en parlera probablement mieux que moi. Tout ce que ça m'inspire, c'est qu'il s'est retrouvé dans la position de cette phrase de Nietzsche : « Si tu regardes l'abysse, l'abysse regardera aussi en toi ». Personnellement, ce concert fait partie des meilleurs que j'ai vus de tout le festival, et je ne saurais que recommander d'aller voir Mütterlein en concert si vous en avez l'occasion. Mais attention, c'est marquant, il faut être ok pour sauter dans le gouffre, dont vous trouverez ici un extrait video.

 

Freaks : Mütterlein 1 - Assise mentale 0. Un concert qui m’a juste fait plonger dans un abysse de mystère obscure, terrifiant et mortifère. L’inconnu fait souvent peur, j’en ai fait les frais. Pourtant, j’ai l’habitude d’écouter des trucs Bresom mais je dois avouer que rien en comparaison n’arrive à la cheville de Mütterlein. J’ai été marqué violemment. Jamais vécu une expérience musicale comme celle-ci. Beaucoup de difficulté à m’extraire de l’état mental dans lequel je me suis retrouvé après la prestation de Mütterlein. Très marqué par ce que je venais de voir et d’entendre, mon camarade Pingouins était là pour me tenir compagnie et me prendre la main pour me ramener à la surface. La remontée fût longue, mon esprit et mon assise mentale sont tombés bien bas. Au final, je n’étais pas prêt pour ce concert mais absolument aucun regret. J’ai vécu une expérience qui restera unique et aucombien vertigineuse d’obscurité.

 

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Boy Harsher - Main Stage

 

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Show Me The Body – Engine Room

 

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Pingouins : Après avoir développé des trésors d'ingéniosité de techniques spéléo pour aller secourir Freaks du trou dans lequel il était tombé suite au concert de Mütterlein, nous voilà repartis pour un dernier concert de la journée un peu plus « bonne ambiance ». Annoncés comme un mix de hardcore, de hip-hop alternatif et de sludge, le mélange nous intriguait, d'autant plus au moment de voir un banjo sur scène. Une fois n'est pas coutume, les musiciens étant prêts en avance, le concert commencera lui aussi avec dix minutes d'avance sur l'horaire prévu, le chanteur ayant d'ailleurs des mots vraiment limite à l'égard des ingés son qui voulaient attendre l'heure prévue. Mais finalement, ça commence avec cette avance et là, surprise dès les premières notes : en fait, ça va être bien bagarre !

En une demi-seconde, un immense pogo se forme devant la scène, extrêmement agité, et en tout cas à des années-lumière de ce que l'on avait l'habitude de voir jusqu'ici lors du fest (excepté peut-être Candy). Tout un groupe de gens ont l'air d'être là exprès pour Show Me The Body, à connaître toutes les paroles et à être en mode bordel dans le pit. Ce qui était finalement rigolo, même s'il fallait aussi se mettre dans cette dynamique pour éviter de se retrouver broyés. Finalement, c'était un bon moment, mais tout ça a un peu éclipsé mes souvenirs en ce qui concerne leur musique. C'était néanmoins une très bonne façon de terminer la soirée et de ramener Freaks à la vie.

 

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Notre objectif ensuite était de trouver l'une des soirées after pour danser jusqu'au bout de la nuit, mais là encore la fatigue accumulée, la perspective de la voiture à reprendre derrière et le fait « qu'on a plus vingt ans, ma bonne dame ! » nous ferons revoir ces programmes à la baisse. Pourquoi pas aller boire un dernier coup au bar du café ? Arrivés là-devant, nous aurons une vision (d'horreur?) de ce qu'est en fait un samedi soir normal à Tilbourg dans la rues des bars, avec des gens « normaux » qui vont danser sur de la musique de bar. A ce point-là, la situation (et les personnes présentes) nous semblant tellement à des années-lumière de ce dans quoi nous sommes immergés, nous avons préféré jeter l'éponge et regagner notre logis pour affronter la dernière journée, déjà, du Roadburn 2023.

photo de Pingouins
le 29/07/2023

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