Dionysiaque - Interview du 11/11/2024
Membre(s) interviewé(s) : N. (chant, paroles) ; L.B. (guitare) ; B.P. (guitare/choeurs)
Salut les amis. Bon ben normalement vous devez avoir été mis au courant : j'ai beaucoup aimé votre disque - et je l'ai chroniqué par ici. Waouh, votre vie en est bouleversée, j'en suis sûr.
Mais bah du coup, j'ai eu quelques questions qui sont venues me titiller alors on va pas se gêner, je vous les pose et ça sera l'occasion peut-être d'intéresser quelques âmes perdues sur le net et Core And Co.
N: Salut Gep. Perdre les âmes est un chouette passe-temps. Si on peut aider ça sera avec plaisir. Merci de témoigner ton enthousiasme de manière aussi foutraque et viscérale, c'est très en phase avec notre approche de la musique et de la vie.
Tout d'abord, en vrai je m'interroge: pourquoi cette fixette sur Dionysos et pourquoi y consacrer tout un groupe de musique, (et pas seulement un disque ou une chanson ou une pensée émue en sirotant son jaja préféré) ?
Pourquoi tant d'acharnement ?
Parce que Satan est mort ?
N: Quand on a fondé le groupe en 2014 L.B. et moi-même, nous avons constaté que l'imagerie satanique étant usée jusqu'à la corde dans le Metal, nous voulions aborder les choses autrement, tout en gardant un thème assez ouvert. Il m'est apparu que le slogan « Death is certain, life is not » popularisé par Dark Angel dans les années 80 et repris largement depuis, était plus représentatif de ce que nous voulions transmettre.
La figure de Dionysos nous est apparue idéale. Que ce soit d'un point de vue antique ou nietzschéen, Dionysos évoque un univers des possibles très large. Et c'est ainsi que nous approchons notre musique. Il y a de la démesure, un côté théâtral, de l'ivresse, de la terreur, bref, c'est très viscéral et profondément humain. Dionysos étant le nom d'un groupe français déjà connu, nous avons opté pour le nom Dionysiaque et le reste est une histoire que nous allons partiellement dévoiler dans cette discussion avec toi.
Quant à Satan, qu'il vive ou pas m'importe peu, il y a assez d'humains très compétents pour propager la haine et la destruction. Il ne faut pas les ignorer et il convient de les combattre, c'est pourquoi la dimension régénératrice de Dionysos est une ressource précieuse pour tenir le coup face à l'absurdité de nos existences en péril.
Qu'est-ce que ça veut dire exactement, « Diogonos », j'ai pas trouvé sur le net ?
N: Ça signifie “deux fois né”. Dionysos était d'abord dans le ventre de sa mère mortelle Sémélé. Quand elle a demandé à son amant Zeus de lui révéler sa vraie nature , qui est la foudre, elle a été brûlée. Zeus a alors retiré l'enfant du ventre de sa mère et, grâce à Héphaïstos, l'a fait placer dans sa cuisse jusqu'à la fin de la gestation. Ainsi Dionysos est né deux fois, de sa mère mortelle et de son père divin.
Dionysos est entre autres le Dieu de l'Ivresse. Pensez-vous sérieusement qu'un homme ivre est un homme libre, ou c'est un peu plus compliqué que cela ? Quel est votre rapport à l'ivresse ?
(après tout, si on est là pour poser des questions, posons-les...)
N: À mon sens nous ne sommes jamais totalement libres, mais par l'ivresse on éprouve un sentiment de liberté. Que ce soit par l'absorption de substances, la musique, la poésie, le théâtre ou l'art, peu importe. Tout ce qui permet à l'humain de flotter quelques instants précieux au-dessus de la conscience de sa misérable condition et de son inexorable finitude est bon à prendre. La figure de Dionysos est mise en opposition au contrôle apollinien. L'un n'existe pas sans l'autre. Dionysos c'est la soupape nécessaire qui permet de supporter le fardeau de l'existence et de perpétuer la sève de la vie dans un grand cycle de mort et de renaissance. C'est pourquoi Dionysos est une divinité du printemps, de la floraison nouvelle, de la vie foisonnante en ébullition, avec ses joies, ses peines, ses bonheurs et ses malheurs. Il y a beaucoup de dualité dans la figure de Dionysos. C'est ce que nous essayons de transmettre dans notre musique un peu folle et fondamentalement attachée à ce sentiment de liberté et d’imprévu.
Et qu'est-ce que pourrait bien être le culte de Dionysos en 2024 ? Que reste-t-il de ce vieux Dieu décati ? Que peut-il encore nous apprendre ?
N: Un simple concert, une pièce de théâtre, un événement dans lequel les gens se rassemblent et s'exaltent. Voilà tout simplement où on peut encore trouver Dionysos de nos jours, quand bien même on ne le nomme plus, on ne le célèbre plus en tant que divinité. Il est facile de ne voir en lui que la vigne et l'ivresse, mais il est plus complexe et profond que cela. Dionysos c'est le feu primordial, c'est ce qui te terrifie mais qui te donne aussi l'énergie de vivre. C'est le grand saut dans l'inconnu, le frisson qui te fait te sentir profondément et intimement vivant.
Chacun de nos concerts est abordé de la sorte. Non pas que nous soyons dans une posture pseudo occulte ou dans de la philosophie de bas étage. Nous sommes tous animés par cette approche dionysiaque de la condition humaine dans le groupe. C'est quelque chose de très naturel et évident pour nous. C'est pourquoi nos concerts sont l'occasion de faire sortir le public de lui-même et de nourrir la figure du dieu antique au travers de cet échange d'énergie entre notre transe et celle des gens qui viennent nous voir. On accorde de l'importance au fait de remuer nos auditeurs au plus profond possible de leurs tripes, sinon notre musique ne sert à rien.
Naon, c'est que, voyez-vous, je pourrais vous demander "mais alors c'est quoi donc vos zin-fluen-sseuh ?" pis "poufez-fous nous frésenter le froupe?'' ou aussi "pourquoi fous z'afez zoisis ze frouducteur-là four frouduire fautre fisque ?"
(Mais je crois que je préférerais laisser ça à de l'intelligence artificielle en goguette qui aurait un cheveu virtuel sur la langue.)
N: Je me suis pas fait chier à répondre sans utiliser Chat GPT jusque là pour céder à la facilité. Alors accroche toi bien mon cousin. Nos influences sont musicales mais pas que. On a toujours les antennes en action fébrile pour nous inspirer. Et ça prend en compte l'art sous toutes ses formes. Par exemple, je suis profondément touché par les dessins de Käthe Kollwitz, la bande dessinée d'Ambre (quel bijou que La passion des anabaptiste scénarisé par Vandermeulen), l'art sombre et frénétique de Velickovic, le Retable d'Issenheim de Grünewald, les peintures de Hans Hartung et Pierre Soulages. Il y a aussi le cinéma de Svankmajer, Rolf De Heer, Bela Tar, Coscarelli, Vinterberg, Mandico… Et en musique c'est très varié également. Il y a évidemment la base du style de Dionysiaque qui repose sur les épaules de géants de Hellhammer, Voivod, Darkthrone, Saint Vitus, Trouble, Pentagram, Witchfinder General, Cathedral, mais aussi Art Zoyd, Evil Spirit, Head of the demon, Holy Terror, Mercy, Candlemass, Yes, Gentle Giant, Rory Gallagher, Dead Kennedys, Dead Boys, Pure Hell, Ali Farka Touré, les Variations, Hällas, Poison (allemand), Howlin’ Wolf, Goatvermin, Malicorne, Morbid, Black Sabbath, Yob, Flower Travellin’ Band, The Temple, Tar Pond…. Je peux te remplir encore 20 pages.
On s'inspire aussi d'événements historiques. Bref, le plus important c'est que ça nous parle parce que ça raconte une histoire et qu'on ressent une forte intention. C'est pour ça que Dionysiaque est aussi théâtral, notre musique est fondamentalement narrative. Même si tu ne comprends pas les textes en écoutant juste la musique, tu dois ressentir qu'on est en train de te dire quelque chose de fort et d'important pour nous.
Doit-on de préférence être saoul pour écouter votre musique, et pleinement l'apprécier ?
N : Hahaha pourquoi pas. Tant que notre musique te touche, tu peux l'apprécier dans n'importe quelle condition. Ce qui compte c'est qu'elle ne te laisse pas dans l'indifférence.
Seriez-vous plutôt dans la thématique/le dogme/la pose/la plaisanterie/ l'authentique hommage, au choix, ou serait-ce un peu plus complexe que ça ? (ouh la réponse est dans la question, bâtard de Gep !)
N: Le dogme certainement pas. Il y a assez de groupes pseudo religieux qui polluent la scène en se prenant pour des autorités. Nous apportons notre univers, notre point de vue et notre engagement politique ancré à gauche mais nous ne sommes pas là pour faire du prosélytisme puant.
On prend notre musique très au sérieux mais pas nous. On déconne tout le temps et on est facile d'accès. Disons que notre expression artistique est pétrie d'authenticité et de sincérité, c'est très clair. Mais en tant que personnes nous sommes à des lieues de nous considérer comme au-dessus des autres. On aime s'enthousiasmer, découvrir de nouveaux groupes et les soutenir, on se sent vivant quand on échange avec d'autres groupes que nous admirons pour leur travail et leurs qualités humaines comme Meurtrières, Jade ou Tar Pond par exemple.
En tous cas, sur les photos, vous posez bien, les bô gosses !
N: Comment oses-tu prétendre que nous posons? Je ne vois pas du tout ce que tu sous-entends par là. (Tousse discrètement pour faire oublier sa mauvaise foi)
Nan mais sérieux les gars, à quoi vous tournez, qu'est-ce qu'il vous a pris de faire du Doom aussi véner ?! Pourquoi vous faites genre on est tradi mais en fait on nique tout ce bordel et on fait bien ce qu'on veut ?
N: On joue de manière plus traditionnelle qu'il n'y paraît. C'est juste que de nos jours quand on dit le mot Doom, beaucoup pensent au Stoner. Nous venons d'un monde où le Doom c'est du Heavy Metal moins rapide que la moyenne. Mais quand tu écoutes Candlemass, Trouble, Pentagram, Black Sabbath il y a toujours des passages mid-tempo voire rapides dans leur musique. Comme pour le Blues, le Doom c'est un état d'esprit avant tout. Évidemment que la dominante est dans la lourdeur mais elle peut se traduire de bien des manières et pas que par la lenteur. On va donc à l'encontre des clichés et de la facilité, mais c'est comme ça qu'on aime notre musique, sans carcans, sans formule préétablie. Tu y trouveras autant une énergie Punk qu'une sophistication tendant vers le Rock progressif.
Par exemple, la fin de ''Violet Venom'' est complètement folle !!! Comment vous est venue l'idée de cette fin dissonante, qui pour moi sort complètement du cadre habituel du Heavy Metal pour approcher le Noise Rock ou, allez, j'ose abuser, tiens, Franck Zappa (mais rien de tout ça tout à fait, c'est très particulier) ?
N: On était en répète avec juste batterie, basse et chant. Du coup on a bossé sur une variation rythmique d'un motif existant déjà dans le morceau en enlevant un temps. Ça donne ce côté ultra bancal et bizarre rythmiquement. Quand les guitares ont été posées par la suite on a opté pour une ligne mélodique dissonante et répétitive pour accentuer le côté décalé et entêtant sensé évoquer l'ivresse avant la perte de connaissance. Content de voir que la recette fonctionne pour toi. Mais comme tu le dis, on aime explorer en dehors du Metal. Nous sommes avant tout des adorateurs de musique. Et oui nous admirons la musique de Zappa, mais pour le coup ce n'est pas ce qui a influencé ce passage.
Et qu'est-ce que Steve Vai vient foutre sur la fin de ''Ad Nauseam'', d'ailleurs ?
N: Hahaha. On va transmettre à Ogma qui joue dans Manzer. C'est un très bon ami, humainement très cool en plus d'être un guitariste très doué. La preuve, il a été sollicité pour jouer sur le morceau instrumental du dernier Mercyless et a même remplacé leur guitariste lors de deux concerts récents.
Il a pondu deux soli pour nous quand nous étions en studio. Comme on n'arrivait pas à choisir lequel nous plaisait le plus, notre ingé son a eu l'idée de mélanger les deux pistes…. Et voilà ! Ça claque à mort.
Comment est-ce que vous composez, on dirait que c'est pas toujours la même danse, pas toujours le même qui lance les hostilités ? Vous bœufez beaucoup ou suivez plutôt des idées déjà bien écrites ?
N: C'est principalement L.B. qui compose les riffs. C'est une machine! Ensuite on reprend ses squelettes de morceaux tous ensemble et on arrange tout le merdier jusqu'à ce que tout le monde soit satisfait. Depuis l'arrivée des nouveaux membres en 2022, qui ont d'ailleurs enregistré l'album, il y a plus de place pour eux dans la composition car ils ont tous un niveau et une sensibilité musicale de très bonne qualité. Composer n'a jamais été aussi libre et évident dans le groupe. Même s'il nous arrive de bosser sur un morceau pendant des mois avant d'arriver au résultat escompté, la dynamique de travail et l'engagement de chacun fait qu'on avance toujours très bien. Il y a une véritable alchimie.
Est-ce que ça vous arrive de partir des textes ou du chant pour construire autour, ou est-ce que tu poses toujours ton affaire une fois que tout est bien cadré, Nathaniel ? Car par exemple ''By the Styx'' fait très bien sentir les mouvements de la ballade en barque, dans son rythme, et, oserais-je le dire ?, peuh ! mais oui : en synesthésie abusive, dans les mélodies-même.
Vous causez ensemble du sens de la compo avant de faire ou ça vient petit à petit ?
N: En règle générale on part plutôt d'une idée et on compose la musique. Le chant vient souvent en dernier, quand on a déjà un squelette assez solide pour une structure de morceau. Je préfère partir des riffs et des mélodies déjà existantes à la guitare ou à la basse pour composer le chant. J'envisage ma voix comme un autre instrument à part entière. Par conséquent, je ne chante que très rarement les mêmes lignes mélodiques que les autres instruments.
Ensuite je joue beaucoup sur différentes tessitures, de la voix claire et profonde jusqu'à la voix saturée proche de ce que l'on appelle la voix de sang qui est un chant traditionnel japonais. Je n'aime pas me répéter et je trouve ça cool de varier régulièrement, à l'image de King Diamond et ses lignes de chant alambiquées, qui donnent une personnalité forte à la musique. Mon chant déstabilise souvent car il est inhabituel mais au final c'est aussi un marqueur fort de Dionysiaque.
Dans “By the Styx” par exemple, au début du morceau, je crée un dialogue entre Zeus et Sémélé, et j'emploie par conséquent des tessiture différentes pour chaque protagoniste. Ensuite viennent des passages suscitant l'effroi et je ne pouvais pas chanter sans y aller à fond avec une voix très déchirée et exagérée. Car oui, j'aime bien exagérer, c'est ce qui rend le truc plus cool à incarner.
Quelle importance ont les textes pour toi, Nath (et les autres zaussi, hein, si vous voulez intervenir zaussi) ? C'est le feu primordial ou c'est juste bien pratique pour toi de savoir un peu de quoi tu causes, mais tu pourrais presque aussi bien chanter avec plein d'émotion des recettes de cuisine ? (Je me suis déjà demandé si je pourrais faire ça, mais on a peut-être mieux à faire, n'est-ce pas ?)
N: Figure-toi que je chante presque une recette de cuisine dans “Violet Venom”. Je me suis inspiré de recettes antiques pour la fabrication du vin et je les ai mises dans le texte. Donc ça c'est fait hahaha.
Oui je fais attention aux textes et je les soumets toujours aux autres membres du groupe. On discute beaucoup de chaque thématique. On a depuis nos démos une dimension sociale dans nos paroles et ça va aller en s'accentuant dans les prochains morceaux. On y évoquera la commune de Paris, le destin tragique d'Aaron Bushnell, le soldat américain qui s'est immolé par le feu devant l'ambassade d'Israël pour protester contre le génocide des Palestiniens début 2024. On a aussi évoqué l'horrible Martin Frobisher qui est allé explorer au XVIème siècle la terre de Baffin pour le compte de la couronne d'Angleterre et qui a prétendu y avoir trouvé de l'or pour s'approprier le territoire et légitimer ses nombreux voyages en bateau, lors desquels il a carrément enlevé des autochtones pour les montrer en Angleterre comme des animaux sauvages. Cela marque les débuts du capitalisme conquérant et colonial, et toute l'horreur qui en découle. On aborde souvent des événements réels ou historiques, mais on s'inspire également de films ou de littérature.
Les paroles sont en général assez travaillées et cherchent à éveiller la curiosité de l'auditeur et, si tout va bien, à l'aider à se créer des paysages mentaux au passage. Le fait d'être volontairement dans un registre très narratif, que ce soit par le sens des textes ou l'intention que je leur donne en chantant est partie intégrante de notre identité. C'est d'ailleurs ce qui me fait vibrer dans la musique. La narration.
Le disque est riche de couleurs et d'expressions. Mais y a-t-il une raison ou des circonstances particulières à la présence de cet éthéré ''Blossom'' sur le disque ? Une anecdote, peut-être ?
Quant à l'autre interlude du disque, ''Requiem'', j'ai cru comprendre que tout est dans le titre malheureusement...
Ce ''Blossom'' me paraît bien plus apaisé et apaisant, c'est quoi le délire des flûtes anciennes de Shaxul (issu également de Manzer) ?
N: Qu'est-ce ce qui donne un côté si mémorable et digeste à un album de Black Sabbath ? Sa variété de sons et de textures bien évidemment. On accorde beaucoup d'importance à ce que l'album, dans sa totalité, apporte une expérience cohérente capable de conserver l'attention des auditeurs quand on l'écoute. Il nous est apparu logique de contrebalancer la saturation et la lourdeur par des passages plus légers en texture ou abordant la tragédie mais de manière plus subtile.
“Blossom” à été composé par L.V.L à la basse et on 1 eu l'idée de solliciter Shaxul de Manzer pour y ajouter des flûtes. Le tout dans un esprit poétique et antique.
Pour “Requiem”, c'est encore notre talentueux L.V.L. qui est bassiste, batteur mais aussi trompettiste de talent, qui a composé cette pièce. Il y a un côté très personnel et émotionnel dans ce morceau, et nous n'en dirons pas plus afin de préserver l'intimité de notre frère de bacchanale. Mais on ressent bien la gravité et l'émotion à l'écoute de sa trompette en pleurs. Il est d'ailleurs parti d'une mélodie grecque antique liée à un deuil pour composer “Requiem”.
Et sinon, vous jouez avec un petit jeune issu de Proudhon à la batterie. (En passant : il abat un sacré paquet de boulot et quelques stères de bois, de diou !) Et vous êtes tous, semble-t-il, d'âges assez divers et variés. Alors que pensez-vous du jeunisme dans la zik et, faut bien le dire, du jeunisme inversé dans nos milieux Metal/Rock/Punk où bien souvent la relative vieillesse semble de plus en plus de mise ?
N: On s'en fout en fait hahaha. Jeune ou pas ce qui prime c'est la curiosité. Et nous sommes tous curieux de découvrir de la nouvelle musique, de nouvelles manières de penser et d'apprendre au travers de la musique et de la culture en général.
Le fait est que le Metal est désormais vieux de pas mal de décennies et il est évidemment important qu'il se renouvelle et se pérennise. Nous sommes toujours heureux de voir des très jeunes, malheureusement de plus en plus rares dans notre scène, venir à des concerts. Nous les soutenons et les encourageons car c'est sur leurs épaules que repose le futur de notre musique. Nous ne sommes en rien les gardiens élitistes d'un quelconque temple sacré. Il est primordial pour nous de partager et de susciter la curiosité autour de nous. Apparemment ça marche pas trop mal au vu des retours plutôt positifs que nous recevons pendant et après nos concerts.
Oui T.H. est un excellent batteur et un musicien dans l'âme. Le fait qu'il officie principalement dans des groupes de Grind et de Hardcore mais qu'il prenne tout autant de plaisir à jouer la musique plus lente et alambiquée de Dionysiaque avec finesse et intensité, montre bien son ouverture d'esprit et sa faculté d'adaptation. C'est génial de jouer avec lui, car il fait corps avec la musique. À son arrivée dans le groupe il attendait que nous le guidions, mais on lui a vite fait comprendre que dans Dionysiaque la composition est un terrain de jeu où chacun peut s'exprimer à sa guise, tant que ça reste cohérent avec l'esprit du morceau. Assez rapidement il s'est pris au jeu et il a trouvé sa place et son plaisir à jouer avec nous. De plus, il a partagé les cours de batterie avec le même prof que L.V.L. Par conséquent, il y a une communication optimale entre notre batteur et notre bassiste. Oserais-je dire une communication cryptique proche de frères jumeaux maléfiques? Allez, j'ose.
Bref, il est important de rester jeune et ouvert dans sa tête et pas de tomber dans la facilité réconfortante du conservatisme. Et au final le débat n'est pas dans old school contre new school. L'important c'est de coller à l'esprit de la good school et de ne pas se limiter.
Avez-vous malgré tout confiance en l'avenir et dans le renouveau de nos scènes ?
N: Oui. Il y a ici et là de nouvelles têtes bien faites. Je pense à Malédictions zine, au groupe de Black Metal de Grenoble Poisse, les plus jeunes membres de Palantyr, Dunwitch Ritual, Animalize, Reaping Death, Gravel Grower et des tas d'autres rien que pour la France. Ça bouge pas si mal si on sait où et comment regarder.
Suis-je à côté de la plaque ? (c'est vrai que c'est un peu con d'avoir foi en l'avenir en jouant du... Doom... mais bon, vous ne jouez pas vraiment du Doom, alors...)
N: Notre racine est profondément Doom et Metal mais nous n'hésitons pas à piocher dans le Punk, le Rock progressif, la Zheul, la musique Africaine, le Rock ou le Blues pour colorer notre univers. Tant que l'ouverture est de mise en gardant à l'esprit qu’une bonne connaissance du passé musical permet d'aborder son avenir de manière construite, sérieuse en gardant la place pour une grande liberté créative, alors c'est le signe qu'on a une musique vivante et pertinente.
On peut parler beaucoup d'ivresse, mais j'évoquais le dur labeur de votre batteur juste avant, et on sent bien que le disque a été composé/arrangé/joué/enregistré au prix d'un âpre travail de la part, bah, de tous en fait, hé.
Sans être (du tout, du tout, pitié !) de droite, on peut quand-même évoquer ça, non ? Pour faire du putain de Heavy Metal, faut quand-même s'arracher la peau du cul sur le métier, non ?
N: Construire et organiser ne sont pas des verbes étrangers à l'anarchie, bien au contraire. Ce n'est pas l'apanage de la droite. On n'obtient rien sans donner de soi-même. Mais ce n'est pas vécu comme une contrainte ou un fardeau dans notre cas. Comme dit précédemment, Dionysiaque est un terrain de jeu. On s'amuse mais on fait ça très sérieusement. Tant que le facteur plaisir est là, il n'y a pas de limites. C'est même ça l'essence du groupe. Nous faisons ça avec passion et amour pour la musique, pour la fraternité entre nous, pour les échanges avec les amis, le public, les groupes que nous aimons.
Oui on bosse de manière soutenue mais jamais en se sentant contraint ou blasé. Autant arrêter à ce moment là.
C'est peut-être un peu plus important que de vendre de beaux t-shirts à l'effigie du groupe, non ?
Ou alors il faudrait que vous fassiez des T-Shirts-trop-rigolos à base de ''Bosse Ton Doom'' ou ''Dionysos est un con de droite'' ou... oh, pardon.
N: On songe à sortir des patches “Niquez-vous”, parce que nous sommes, dans le fond, de grands humanistes.
Et tu n'as pas bien écouté le cours, Gep. Tu vas me donner ton carnet de correspondance, et je vais mettre un mot à faire signer par tes parents. Dionysos n'est certainement pas de droite, bien au contraire.
On préfère mille fois les ménades aux débiles masculinistes qui polluent le débat public et la vie des femmes de nos jours.
En bref : voulez-vous conquérir le Monde ? Ou juste saouler tout le monde ?
N: Conquérir c'est un truc de droite pour le coup. Donc tu auras compris qu'on s'en fout. Tant qu'on peut aller au maximum des capacités de Dionysiaque sans nous renier et participer à des affiches avec des groupes. Du public et un esprit ouvert qui nous ressemblent, c'est parfait.
Si en plus il y a de quoi se mettre la tête à l'envers, c'est encore mieux.
Autre chose, qu'est-ce qui serait le plus important pour vous : vivre pour votre musique ou vivre de votre musique ?
N: La question elle est vite répondue, jeune entrepreneur du Rock. Vivre pour la musique. Si au passage ça permet de rapporter assez pour ne pas sortir de notre poche pour enregistrer en studio ou imprimer du merch, c'est optimal.
Dionysos pourrait-il sérieusement vous rapporter des ronds ?
N: Nous permettre d'être ronds comme des quêtes de pelles, très certainement. Pour le reste faut pas rêver. Hahaha.
Et ça débouchonne sur : l'amateurisme, n'est-ce pas la Fraie Liberté ?
N: Oui. Mais si on veut augmenter nos chances de jouer et de nous inscrire dans de bons événements, il convient malgré tout d'avoir de bons contacts professionnels pour nous soutenir. Mais dans l'absolu nous gardons toujours le contrôle sur notre musique et sur la façon dont le groupe évolue. Et en effet, l'amateurisme permet cette liberté très précieuse.
C'est I-Voidhanger Records qui a sorti votre skeud et je tombe sur le cul : la largesse et la profondeur de leur catalogue pourrait contenter l'amateur de Metal non-orthodoxe pour des mois et des années !
Quels disques pourriez-vous me conseiller d'écouter en priorité ?
N: C'est magique I, Voidhanger. Tu trouves tellement de styles différents avec un esprit perché et aventureux. Je te recommande Neptunian Maximalism, Venomous Echoes, Esoctrilihum, Proton Burst, Blizaro, Herxheim, Aerkenbrandt… Va sur le bandcamp du label et pars à l'aventure c'est ce qu'il y a de mieux à faire.
Luciano qui gère le label est un gars super intéressant et fin connaisseur de musique. Un passionné comme on en voit rarement et c'est un véritable honneur de lui avoir tapé dans l'œil et l'oreille pour sortir notre album. On est comme à la maison chez I, Voidhanger et le contact avec les autres groupes signés sur le label est toujours très cool et ouvert.
Bon et sinon, j'avais des questions en vrac : VRAC ! je les pose ou bien ?
N: Feu !
Mais enfin, qu'est-ce que vous avez contre les Orthodoxes !?!
N: On préfère se construire en opposition à une formule ou un dogme établi plutôt que de réchauffer la même tambouille jusqu'à l’écœurement. Voilà pourquoi on se présente comme hétérodoxe plutôt qu'orthodoxe. Sinon nous sommes intéressés par les mythes ou les religions mais en tant que sujets culturels et sociaux, pas vraiment dans un esprit mystique ou de croyance.
Vous pourriez pas plutôt vous en prendre à des icônes ? Seriez-vous capables de brûler l'icône de Dionysos ? Au moins, symboliquement ? Ou est-il intouchable pour vous ? Êtes-vous des putain d'intégristes ?
N: Nous sommes le contraire de l'intégrisme. Nous sommes intègres dans notre démarche, c'est tout à fait différent de la dérive intégriste ou fondamentaliste. Dionysos est pour nous un moyen de symboliser les thèmes qui composent notre identité, mais il n'est pas en soi un objet de culte de notre part. C'est pourquoi le prochain album ne sera pas du tout ancré dans la mythologie antique par exemple. On a abordé le thème avec “Diogonos”, ça ne sert à rien d'exploiter le filon pendant 1000 ans.
Pourquoi la Stratocaster (indice : moi aussi la Stratocaster) ?
N: Je laisse notre fou furieux de la strat L.B. répondre. Tu as une après-midi devant toi?
L.B. Par défaut.
Quels tirants de cordes et quels médiators utilisez-vous ?
L.B. 10-52 pour les cordes. 1,15 / 1,5 pour les médiators.
Nan, j'déconne ! (merde, il a répondu quand-même!) Mais j'en profiterais bien, de cet instant Guitar&Bass Magazine, pour vous certifier que, en tant que guitariste (et bassiste, un peu, vite-fait...), et amoureux éternel de l'instrument, écouter votre disque me procure aussi de grandes joies à ce niveau ! Il y a là encore, au niveau de la 4 cordes et des 6 cordes, un fabuleux taff et une passion communicative qui me remplit de joie (oh joie!) !
L.B. Merci pour ton enthousiasme.
B.P. Moi je sais pas je change de guitare quand je casse une corde parce que je n’ai jamais su comment en changer. Mais ça reste entre nous. Merci pour ton engouement mais comme dit précédemment, le meilleur solo de l’album c’est même pas nous qui l’avons joué, on essayera de faire mieux la prochaine fois !
N. (micro off) Et il ne le dira pas mais si LB joue sur une Stratocaster c’est uniquement parce qu’il est fan de Billy Joe Armstrong le mec de Green Day.
(ndr : Ah comme ça on veut pas répondre, hein, on veut pas donner la BONNE réponse, la SEULE bonne réponse ! Oh mais la Stratocaster, oui, la seule, car c'est le seul modèle hollow body à présenter cette forme contourée – pour son plaisir ! – et notamment ce pan coupé pour le confort de l'avant-bras, et ce renflement dans l'arrière du corps de la guitare pour le putain de bide à bière de caricature américaine de Hardos Papa mes couilles sont velues mais j'aime bien Dire Straits ; sans parler de son sélecteur de micro à 5 positions, oui 5 POSITIONS mesdames et messieurs !!!, qui permet d'utiliser chaque micro indépendamment mais aussi de coupler le micro manche et le micro central en position hors-phase pour un son tout creusé pour jouer du putain de Daft Punk, ou, pardon, du Chic, et on peut faire pareil avec la position 4/5, couplant cette fois le micro central avec le micro chevalet en hors-phase de même pour exactement le même genre de son de merde mais encore plus freluquet et nasal ! Voilà POURQUOI, bordel ! Et tu finis par brancher cette merde dans une pédale Fuzz, une Wha-wha et un écho et tu niques tout, et surtout ce que tu joues qui devient une purée inaudible ! Et je pourrais continuer comme ça pendant longtemps, très longtemps, mais wallah faut tout faire soi-même ici, c'est pas possible !!!)
J'm'enflamme mais bon, la Mort règne et elle est ma seule compagne.
Question suivante :
Peut-on résoudre les conflits Israëlo-Palestino-Libano-Iraniens et Otano-Russo-Ukraino-Nord-Coréens (pfiou !, ça en fait, du monde!) autrement que par l'emploi massif de bombes nucléaires (pfiou !, ça en fait du monde!) labellisées ''With love and wine, Dio'' ?
N: La réponse ne serait-elle pas contenue dans la question ? Je suis plus compétent en ivresse qu'en géopolitique. Ta méthode semble pour le moins cavalière et expéditive mais peut-être serait-elle plus pertinente si elle visait à détruire l'ensemble de l'humanité? (ndr : c'était un peu l'idée) Je vais me servir un verre pour y réfléchir.
Est-ce que Dionysiaque est un tribute-band de Dio ?
...ou bien de N'ysiaque, peut-être ?
N: Est-ce que Ariel Tombale est un tribute band de lessive?
Est-ce que Motörhead est un tribute band de Moteurs ?
Trop de questions, pas assez de réponses.
Je crois que je vais vous laisser tranquilles avant que ça ne parte trop en couilles, et ne pas trop abuser de votre temps ; quelques derniers mots de votre part pour la route ?
(vous savez, c'est un peu comme le moment fatidique où votre pote bourré vous dit, « Nan mais je finis ma bière / fume une dernière clope et on y va, pas de problème ! On est parti, c'est comme si c'était fait !»)
C'est comme si c'était fait.
N: Vivement qu'on tienne ce genre de conversation dans la vraie vie autour de vraies binouzes, ça sera quand même plus convivial. Des bisous sur toi-même et merci tout plein d'avoir extirpé tout ce venin violet de nos esprits malades.
Pour les personnes intéressées, voilà de quoi nous suivre et nous connaître mieux.
FB : https://www.facebook.com/DionysiaqueGestedeGuerre
Bandcamp : https://dionysiaque.bandcamp.com/
Instagram : https://www.instagram.com/dionysiaquegdg/
Eh bien merci infiniment les Dionysiaques, j'ai beaucoup aimé parler de tirants de cordes et de l'esprit de la good school avec vous, j'espère que nos lecteurs également !
Pour les curieux, les musiciens de Dionysiaque jouent aussi (liste non exhaustive) dans : Supertzar, Au-delà, Sacrifizer, Proudhon, Solstitium [...]
Et surtout : « PROTEZ-VOUS BIEN » !
10 COMMENTAIRES
cglaume le 12/12/2024 à 10:37:53
Une pure interview gepienne !
Encoooore !!!!!!
Xuaterc le 12/12/2024 à 11:30:59
Tes interviews sont aussi rares que précieuses, tu nous vends du rêve Gep'
Je viens de mettre en bas une chro où j'ai écrit en deuxième phrase "I, Voidhanger (que son nom soit sanctifié)"
el gep le 12/12/2024 à 13:10:49
Vielen Dank !
Faut dire que le père Nathaniel a toujours tout un tas d'trucs à raconter, c'est un plaisir.
Nathaniel le 12/12/2024 à 14:17:55
Merci les gens, on essaie de rester débiles en bonne intelligence, sinon ça fait des interviews indigestes.
Cœur avec le vin rouge.
Xuaterc le 12/12/2024 à 14:27:32
Tous les jours on en veut des réponses débiles comme ça! Et pendant mes années pré-pubères, j'utilisais souvent Ogma comme pseudo. Les grands esprits, ce qui ne veut pas dire en terme d'intelligence, se rencontrent...
Aldorus Berthier le 16/12/2024 à 11:38:45
Rah putain y a tout ce que j'aime dans une interview là-dedans ; des questions de fond et de forme, de la décontraction, des blagues, un respect de l'oralité des réponses et de la politique-dérision. Ça donne envie d'essayer de vaincre un peu mes réticences doomesques...
J'ai été bien aidé par le fait que L.B. soient mes initiales et que c'était bien perturbant jusqu'à ce que je me sente fier de faire partie de ce "jeune public" 😎 Merci Gep !
PS : "à des lieues", pas "lieux" ; ce serait dommage de laisser cette unique coquille dans un texte aussi bien retranscrit 😉
el gep le 16/12/2024 à 22:25:10
Pas d'oralité si ce n'est dans la façon d'écrire, Aldo: c'est un interview réalisé par e-mail.
C'est noté pour la coquille, je relis pourtant 15000 fois les écrits, même après publication (j'en retrouve encore après publi, souvent), merci, c'est corrigé, puté j'en ai chié pour retrouver où elle se situait !
Sinon, vas-y, écoute, c'est pas si Doom que ça, y'a plein d'autres choses. Notamment du Thrash, du Black et du Rock.
Aldorus Berthier le 16/12/2024 à 22:46:01
Justement !
cglaume le 02/01/2025 à 07:15:26
A propos de l'interview:
https://forum.hellfest.fr/t/coreandco-le-webzine-qui-cause-metal/838/199
el gep le 02/01/2025 à 12:04:19
Nan mais tuez-moi ce bot !
Ah... euh, pardon !!! Merci et tant mieux Madame !
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