Deftones - Adrenaline

NDLR : 2 chroniques pour cet album culte, cela n'est pas de trop  !

La chronique de Tookie :

Au départ, il y a toujours "l'album de la révélation". 
Pour le groupe, la presse, le fan.
Qu'il ait eu, ou pas, commercial : peu importe. Il y a toujours cet album qui permet de nouer de l'amour pour un groupe. Cela tient en une multitude de facteurs : le jour, le moment, la personne qui nous l'a fait découvrir, ce que l'on a écouté avant, ce que l'on connaît déjà du genre etc.
Il arrive que les planètes s'alignent et que l'on tombe sur la pépite à l'instant parfait.

28 ans après sa sortie, (et dans mon cas, 22 ans après sa découverte), Adrénaline est culte. Un must-have pour le fan de Deftones, bien sûr, mais plus largement pour celui de musiques énervées.
 

Beaucoup connaissent l'histoire, le contexte de sa création, mais un petit rappel synthétique s'impose pour les plus jeunes (un rappel nostalgique pour ceux qui le sont moins) : 
 

En 1994, Deftones n'est encore rien. Des petits jeunes gens de Sacramento, fans de skate, de marijuana et, accessoirement de musique. Les amis ont un groupe, une démo, et participent modestement et sans prétention à la vie de leur "scène locale".
En 1994, le néo-metal n'est encore rien. Après l'étoile filante que fut la mode du grunge (mort avec Cobain dans l'esprit du plus grand nombre), le metal continue d'évoluer avec Metallica, Pantera, Sepultura et caetera. 
En 1994, KoRn sort son premier album.
En 1994, avec son nouveau label Maverick, Madonna sent le filon commercial. À la recherche de nouveaux talents, elle tombe sur la démo des californiens avec laquelle ils tournent depuis 1993 : (Like)Linus. 
C'est là que commence véritablement l'aventure d'Adrénaline. 

Dans les années 1990, le CD -COMPACT DISC- se révèle être le format parfait : peu encombrant, moins coûteux et plus rapide à fabriquer que le vinyl, il est un de ces objets devenu emblématique d'une époque. Durant la décennie on livre par palettes entières les CD et la musique, avec MTV pour assurer les ventes des oeuvres destinées à devenir des produits.
À l'époque l'industrie musicale vit son âge d'or, l'argent coule à flots. Dans ce contexte, donner un peu de budget à Deftones est un investissement sans risque quand on est Maverick qui, bien que jeune, a les reins bien solides.
Le groupe peut s'offrir : 
-Terry Date s'était déjà chargé de Soundgarden, Screaming Trees (pour le grunge) et Pantera (à partir de Cowboys from hell) pour le côté metal.
-d'aller au studio Bad Animals de Seattle : lieu déjà culte ayant accueilli les plus grands groupes de la scène grunge dans la capitale du grunge.
 

Si j'appuie grossièrement sur le point "grunge", c'est sans doute parce qu'Adrenaline est le plus grunge des albums de "nu-metal". Pas le grunge au son bien lisse et propre de Nevermind, mais plutôt celui d'Insecticid.
Ce son brut, bien éloigné de ce que fera Terry Date par la suite avec le groupe, est -à mon sens- un choix inhérent au studio, à l'époque, mais aussi une réminiscence de (Like)Linus (dont les traces grunge sont plus que sensibles, notamment sur le titre éponyme). 
C'est aussi un choix...de jeunesse : le groupe a certes une personnalité, cela ne l'empêche pas de faire "comme les autres" à l'époque. Enfin, au-delà de l'éventuelle question pécuniaire, il y a peut-être aussi une volonté d'être "roots", de garder ce côté "underground". Mais quelqu'en soit la véritable raison, ce son est une volonté  artistique de chacun des acteurs ayant contribué à l'album, sans cela, une version "Remastered" aurait sans doute déjà vu le jour.

Et puis...quoi de mieux que ce son brut pour faire passer toute la fougue de ce jeune groupe ? 

En 1994, Korn sort son premier album avec "Blind" et son incroyable riff d'intro.
Un an plus tard, Deftones parvient à provoquer la même excitation avec un riff inoubliable dès la première seconde et un son de guitare hybride, electrique, metallique, coincé entre une sonorité aérienne et la lourdeur caractéristique du néo-metal. Carpenter est déjà au-dessus de la mêlée dans le monde du néo-metal alors en construction : aucun titre n'est faible grâce à son riffing identifiable entre mille.
Au-delà de son talent, ses expérimentations sous psychotropes et les améliorations techniques feront le reste de sa carrière (à défaut d'avoir développé son bon sens).
La voix de Chino Moreno marque déjà de son empreinte tout un genre musical. Habité, enervé, fougueux, entre rap et cris écorchés : on entend (et même ressent) que l'enregistrement de la voix s'est fait sans artifice. Mieux encore : ce chant est imprévisible ("Nosebleed"), semble déjà capable de tout.
Quant à la basse, sa lourdeur, sa rondeur (pour le coup très éloignée du son KoRn), son omniprésence ("One weak") ajoutent à la personnalité déjà bien affirmée du groupe. 
Le son de la caisse claire de Cunningham n'a pas encore la profondeur que l'on découvrira avec Around the fur. Sa prestation est donc moins remarquable de prime abord, cela ne l'empêche pas d'être excellente comme sur "7 words". À l'image de chacun des membres dans son domaine :  il ne brille pas par sa technique mais son efficacité, son côté direct, son explosivité et sa complémentarité avec les autres membres. 
On retrouve néanmoins sur le lancement de "Lifter" celui de "My own summer" et sur "Birthmark" les prémices de son style aussi discret qu'indispensable.
 

Quand sort Adrenaline en octobre 1995, Deftones ne squatte pas le billboard : il n'en a pas l'ambition. Débute pourtant une histoire dans un genre nouveau pour une jeune génération de fans de musique à grosses guitares.
Cette histoire, même si elle commence à vieillir, même si elle n'intéresse plus beaucoup d'adolescents est le point de départ d'une aventure artistique passionnante dès ses premières notes, bien que ses premiers mots parlent d'ennui...

La note de tookie : 9/10

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La chronique de Domino :

Mais comment est-il possible que le premier album de ce groupe mythique ne soit pas chroniqué sur le site ? Pourquoi ? Est-il possible que personne n’ait rien à en a dire ? Peinant à réaliser l’absurdité de la situation, me voilà donc pour réparer cette erreur. L’ironie étant que, bien que fan absolu de cette belle discographie débutée en 1995, cet Adrenaline n’est clairement pas mon préféré… Pourquoi ? Je vais vous en dire plus dans quelques instants.

Tout d’abord, il faut savoir que ma découverte du groupe s’est faite par ce que j’appelle la trilogie sacrée, à savoir Around The Fur/White Pony/Deftones. C’était la belle époque des téléchargements sur Shareaza et guidé par les pages de Rock Sound, je me suis laissé aller à parcourir les résultats de recherche liée au nom mystérieux de ce groupe dont je ne connaissais rien. Le quatrième album était sur le point de sortir, et ce fut le clip de ‘’My Own Summer’’ qui capta mon attention en premier lieu. Et puis ensuite vint le duo avec Maynard James Keenan sur ‘’Passenger’’. Enfin, c’est les clips de ‘’Minerva’’ et ‘’Hexagram’’ qui vinrent sceller mon amour indéfectible pour le groupe. Rien n’a changé depuis, à quelques exceptions près.

En effet, depuis, Chi Cheng est mort, Sergio Vega l’a remplacé avant de se faire virer après avoir pris un peu trop la confiance, et Stephen Carpenter fait des tutos guitare chez lui lorsqu’il ne déclare pas des trucs complotistes à la radio. Pas facile pour les 3 restants, vous imaginez bien… Mais qu’importe, la musique du groupe n’a probablement jamais été aussi bonne. A mes yeux, tout du moins, puisque pour beaucoup, Adrenaline reste leur sommet. Autant dire que je ne suis pas d’accord.

Déjà car, en soi, je trouve qu’il y a souvent une sorte d’attitude un peu ridicule dans ce genre de déclarations. Si on écoutait les arguments de ces gens-là, l’ensemble des groupes auraient perdu le feu sacré une fois passé le premier album, et peut-être même après le premier concert pour les puristes de la première heure. Je comprends totalement la nostalgie, et ce qui s’y attache en parallèle mais… Il ne faut quand même pas déconner ! Un peu d’ouverture d’esprit que diable, ça ne vous coûte quand même pas grand-chose de reconnaître que cet album, aussi bien soit-il, est l’œuvre de gens plutôt jeunes. Doués, certes, mais jeunes. L’un n’empêche pas l’autre.

J’aime la fraîcheur de cet album. D’autant plus que j’ai le sentiment de la ressentir toujours de la même manière sur les albums plus récents du groupe. Certains diront que le rythme s’est pourtant ralenti, que la fougue n’y est plus, et que les dernières années sonnent moins nerveuses que les premières… Merci Captain Obvious, mais ce n’est pas de ça dont je parle ! Ce n’est pas tant l’énergie qui est la même, mais plutôt l’envie de bien faire, sans trop en faire. J’aime le fait que Deftones soit un groupe bourré de talent, mais un peu fainéant. Ça rend l’ensemble d’une évidence assez jubilatoire pour moi.

Et c’est bien la qualité de ce premier album : son évidence indéniable. Deftones fait les choses vite et bien de bout en bout. Ça paraît presque trop simple et… Ça l’est probablement. Par conséquent, je ne peux qu’avoir plus d’amour pour la suite du projet, qui a su garder cette force originelle pour la transformer de la plus belle des manières, et tout en nuances. Pour grossir le trait, Adrenaline me semble être la démo la mieux produite du monde ! Et j’exagère à peine !

Toujours est-il que ‘’Bored’’, ‘’One Weak’’, ‘’Minus Blindfold’’ ou encore ‘’Root’’, restent des incontournables du groupe. Et si je n’ai cité que ces titres, ce n’est pas pour mettre le reste de côté, loin de là… Mais il faut bien choisir ! Et si vous n’avez pas encore fait le choix de cet album, ne perdez pas plus de temps et lancez-vous. Il ne souffre que très peu du passage du temps, même si… Je préfère les autres, trilogie sacrée, et quelques-uns des derniers albums, comme Ohms et Koi No Yokan par exemple.

Pourquoi ? Et pourquoi pas finalement ? Doit-on vraiment se justifier de tout, tout le temps ? J’aime Deftones dans son entièreté, et principalement pour l’élan de sincérité qui les porte depuis le début. Mais à mon sens, ce premier album tout à fait satisfaisant ne possède pas le caractère mythique des autres, bénéficiant d’une aura supplémentaire acquis par l’expérience. C’est comme ça !

Bonne écoute tout de même, ça reste bien au-dessus de ce qu’on peut attendre ailleurs actuellement !

A bientôt !

La note de Domino : 6.5/10

Domino

le 21/05/2023