Five Alarm Funk - ABANDONEARTH

Chronique CD album (33:26)

chronique Five Alarm Funk - ABANDONEARTH

Je pensais révolue l’époque des groupes n’alignant que des bombes dans leur discographie. Parce qu’en dehors de Death, qui peut prétendre figurer dans une telle short list de l’excellence absolue ? Voyons voir parmi ceux qui ont une discographie conséquente… Opeth ? Le virage patte d’eph’ de ces dernières années m’empêche d’acquiescer… Devin Townsend ? À trop produire, le bougre s’est parfois dispersé. Meshuggah diraient peut-être certains. Les Beatles sans doute. System of a Down pourrait-on oser. Dirty Shirt ? Il faut d’abord que j’écoute plus sérieusement leur tout premier. Ah oui, je sais : Coroner. Et côté Nawak, Diablo Swing Orchestra. Alors c’est vrai, il est encore trop tôt pour en juger, car je ne connais pour le moment à fond que les 3 derniers de leurs 7 albums… Mais crénom : Five Alarm Funk semble bien parti pour rejoindre le firmament de cette élite très réduite ! Car l’enthousiasme explosif ressenti par votre interlocuteur à la découverte de Big Smoke et Sweat n’a nullement baissé en intensité quand dans son lecteur Abandonearth fut venu.

 

Qu’ont donc concocté ces fans inconditionnels de Tower of Power et Franck Zappa (ils le disent eux-mêmes) pour leur 4e album ? Un concept album plus fêlé qu’un extra-terrestre de chez Lustucru : l’histoire d’un groupe de Funk’n’Punk qui, drogué par un marchand de glace maboule (... de glace, évidemment), s’en va à dos de robot géant direction le centre de la Terre, dans le but de détruire l’humanité. Un scénario digne de Kung Fury, donc. Et nom de nom, ça fonctionne méchamment ! Aussi festifs et pimpants que combatifs et menaçants, les 10 concentrés de peps qui constituent la tracklist évoluent dans un monde où des bataillons de cuivres de combat menés par des clowns malicieusement vindicatifs vont foutre un bronx pas possible à Broadway et aux alentours. Oui mais non, c’est plus que ça encore. C’est Jules Vernes revisité façon Deadpool. C’est un film catastrophe filmé pour partie sous les palmiers de Floride, et pour partie sous les dattiers des rues d’Agrabah. C’est un crossover entre Blade Runner et Les Mondes Engloutis. Parce que oui, ce sont là les images qui défilent quand Abandonearth s’invite à la maison, alors que nos yeux n'ont pourtant rien à se mettre sous la pupille !

 

Pour créer cette merveilleuse folie discographique, il aura fallu saxo, trompette et trombone vibrionnant à ma gauche, une basse et deux guitares cracheuses d’étincelles à ma droite, des percu’ vigoureuses en périphérie, plus un batteur / chanteur complètement halluciné, Tayo Branston, dont la gouaille de muppet sous speed est pour beaucoup dans le côté survolté de cette tranche de zic. Comment cette joyeuse poignée de musiciens réussit-elle à déployer autant d’énergie et à transformer des genres aussi souriants que le Funk, le Ska et autres émanations des tropiques en une telle machine de guerre ? Le secret est bien conservé au fond d’un coffre dont la clé est cachée dans un puits que seuls des lutins albinos nés un 29 février peuvent accéder les années où le Luxembourg gagne la Coupe d’Afrique de Hockey sur glace…

 

Mais vous avez besoin de titres à vous mettre sous la dent pour vérifier si je ne vous enfume pas après avoir 1) trop bu de liqueur de sirop d’érable 2) encaissé en toute discrétion un chèque signé par le groupe. Je vous encourage donc à commencer par le commencement avec l’extraordinaire « We All Scream », son riff imparable, sa démarche de Baloo conquérant, ses faux airs d’hymne de gang de marlous. Si vous voulez vous concentrer sur le very best-of, continuez jusqu’à « Erupt », et grattez vous le crâne en vous demandant comment diable une chanson énumérant les grandes catastrophes naturelles peut aussi naturellement traiter son sujet en utilisant déhanché latino (putain ce décrochage bonnardissime à 2:39 !), clap clap gipsy et énergie dansante klezmer. Et pour compléter votre échantillon de concentré de kiff, concluez sur « Higgs Boson » qui vous entraînera dans une sarabande apache pour vous faire pratiquer le trampoline de guerre… « Oh my gad : the particles, oh my gaaad !! ».

 

Mais ne commettez pas l’erreur de croire que ce tiercé gagnant suffit à faire le tour d’Abandonearth. Il est impensable de ne pas s’arrêter sur « Journey to the Center of the Earth », car qui pourrait refuser de partir à l’assaut des couches basses de la croûte terrestre tel un Aladin résolu criant des invectives aux habitants imaginaires de ces contrées underground ? Aussi incontournables sont le Funk Rock futuriste de « Robot », ainsi que l’exceptionnellement agité « Horrible Sound » (« Abracadabra Alakazam ! » – bordel, il aurait également dû être dans le top 3 celui-là !). Avec « ATTAAAACK !! » on a l’impression de se préparer à un assaut mené tambour battant par Ziltoïd, nos lourds rangeos et notre tenue de camouflage nous permettant de mieux onduler au rythme d’un Reggae belliciste. Quant à « Prest-O Change-O », il laisse le générique de fin défiler tranquillou, les cheveux dans le vent sur une voie rapide longeant le Golfe du Mexique.

 

Non mais franchement, ils ont mis quoi dans leurs 33 minutes de gros son ? Les Stups sont au courant que les substances euphorisantes s’absorbent dorénavant aussi par les tympans ?

 

À chaque nouvel abordage d’un jalon discographique du back catalogue de Five Alarm Funk, je me dis que la pression va forcément baisser un peu … Mais jamais crénom, jamais ! Abandonearth est donc une merveille de plus à mettre à leur crédit, et une raison supplémentaire de vouloir remuer ciel et terre pour qu’un jour ces loustics viennent dynamiter des planches européennes !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Du jamais vu. Jamais, de mémoire de chroniqueur groovophile, un album avait combiné aussi divinement distorsion tendue et festivités cuivrées, gros son et funk tropical, nuages sombrement apocalyptiques et plages ensoleillées. Jamais, à l’exception des albums lui succédant (Big Smoke et Sweat)… Et des albums précédents, certainement. Mais on vérifiera cette dernière allégation sous peu.

photo de Cglaume
le 26/02/2023

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