Metallica - 72 Seasons

La machine est relancée. Les râleurs patentés et les aficionados aveugles font pouvoir s’en donner à cœur joie dans un débat aussi stérile qu’une armée d’eunuques. De mémoire de fan de Metallica, jamais je n’ai vu un des éléments de ces catégories socio-professionnelles convaincre un type du camp d’en face, chacun campant sur ses positions.

« Gna gna nia, le groupe est mort après …And Justice For All ; il aurait dû s’arrêter à ce moment-là. »
« pfffffff! Tu as du sable dans les oreilles, cet album, comme les précédents, est génial! »

Quoi qu’il en soit, Metallica sort un nouvel album, le groupe de San Francisco a composé de nouveaux titres, les premiers depuis Hardwire… To Self-Destruct de 2016. Les premières informations sur cet opus n°11 sont annoncées fin novembre 2022 ainsi qu’un premier morceau, « Lux Æterna », accompagné d’un clip. Trois autres, « Screaming Suicide » « If Darkness Had A Son » et « 72 Seasons », suivent jusqu’à ce 14 avril. Que valent ces quatre titres ? J’avoue avoir été refroidi par le premier, loin d’être transcendant en particulier par le son de la double grosse caisse. Le deuxième est un peu plus convaincant malgré un refrain étrange. Le troisième se place dans la continuité. L’éponyme montre un visage plus engageant avec des riffs plus intéressants, une structure inhabituelle moins construite sur la répétition, une guitare lead relativement à propos.
Un crescendo plutôt satisfaisant pour l’amateur comme moi qui tente de garder une oreille la plus objective possible.

C’est donc avec impatience que j’attendais la sortie de 72 Seasons, la sortie d’un album des Mets est toujours un événement en soi. Machine à fric, vendus de la pire espèce, dépeceurs de bébés phoques, certes peut-être mais nous sommes là, enfin je l’espère, pour parler de musique. Je laisse à d’autres plus informés que moi l’analyse des à-côtés qui ne manqueront pas d’être analysés, disséqués, étudiés au microscope.

Si sur ses deux précédents albums, on pouvait accuser les Four Horsemen de donner dans le fan service facile, 72 Seasons semble s’élever au-dessus de la mêlée. Et contrairement à, par exemple, les derniers Megadeth ou Blind Guardian, très bons mais sans réelles surprises, fidèles à ce que l’on peut attendre de ces formations, Metallica, j’ai l’impression, cherche à, si innover peut paraître abusif, au moins à ne pas être forcément là où on l’attend et à ne pas se limiter à ce qu’il sait faire. Les interventions de Kirk Hammett ne sont pas par exemple systématiques et frénétiques, renforçant leur impact.

J’ai à plusieurs et nombreuses reprises retrouvé l’esprit inventif qui pouvait animer le groupe à l’époque de Load, le poids du fan-club se fait moins sentir dans l’écriture. Pour moi, l’une des principales forces de Metallica était sa volonté de toujours aller plus loin, de ne pas se limiter à une recette déjà connue. Cette force semblait avoir disparu ces dernières années (depuis St Anger selon moi). En tout cas, le fait d’avoir été produit par Greg Fidelman, comme pour Hardwire… To Self-destruct, semble lui avoir permis de se débarrasser d’un défaut qui l’empoisonnait depuis trop longtemps : répéter un riff ad nauseam ne le rend pas meilleur.

Alors oui, certaines tentatives ne sont pas toutes heureuses : le côté poussif de « Lux Æterna  » (le plus court de l’album, hasard ou réalité scientifique ?) ou les sonorités gentillettes de « Screaming Suicide » (un comble)…  Certains morceaux aussi sont assez insignifiants (« Chasing Light »), tandis que d’autres relèvent leurs qualités après plusieurs écoutes (« You Must Burn! »).  L’âge a peut-être eu raison de la voix de James Hetfield, en revanche, dès qu’il se saisit d’un médiator, sa main droite reste inégalée ! Globalement, la balance penche beaucoup plus souvent du bon côté et 72 Seasons se révèle être plutôt un très bon cru de Metallica, qui se referme sur les onze minutes de « Inamorata », une pièce épique dont il a le secret (« Orion », « The Outlaw Torn »…). Une fois de plus, cet album va faire parler, en bien, en mal, le spectateur pourra se régaler d’un nouveau festival de mauvaise foi, en attendant les futurs concerts d’une tournée au concept audacieux.

Xuaterc

le 17/04/2023