Hellripper - Warlocks Grim & Withered Hags
Chronique CD album (43:07)

- Style
Speed Metal / Proto-Black / Punk - Label(s)
Peaceville Records - Date de sortie
17 février 2023 - Lieu d'enregistrement Coronach Studios
- écouter via bandcamp
Vous avalez le bitume, de nuit, les lumières alentours bordant votre route de rais incandescents, tels le faisceau d'étoiles divergent observé à travers le cockpit d'un USS Enterprise en pleine accélération supraluminique. Vous êtes le King ov ze Night, Sa Majesté des Harleys, le Ghost Rider qui se tire la bourre avec Satan lui-même le long de la Highway to Hell. En tous cas c'est sûr, dans votre tête vous avez fière allure. Et non, ce ne sont pas les deux pauvres bières que vous avez bues avec Fredo qui ont ainsi transformé la citrouille de votre BMX en carrosse chromé et pétaradant : c'est juste que le dernier Hellripper hurle dans vos oreilles, et que plus rien ne saurait vous arrêter ! Car le mélange de Speed/Thrash punky et de proto-Black vociférant proposé par James McBain fait l'effet d'un cocktail coke / stéroïdes / Captagon : injecté à haut volume par les oreilles, celui-ci donne ce genre d'impression de toute-puissance qui pousse le binoclard en espadrilles à provoquer les paras en permission, bien qu'il n'ait pour toutes armes que son exemplaire de Pokemon magazine et la cuillère en plastique avec laquelle il a engouffré son McFlurry.
OK, je suppose que l'effet produit par cette galette dépend de l'auditeur. Il n'y a qu'à voir les commentaires blasés de mon Cromy de collègue sur la chronique de The Affair of the Poisons, le génial – selon mes critères – album précédent de l’Écossais. Il faut dire que celui-ci – le Crocrom, pas James McBain – passe son temps à se limer les incisives lors de käng bangs vikings ambiancés à base de Brutal D-Crust satanico-motörheadien... Dans ces conditions, je veux bien que l'effet soit atténué : c'est un peu comme de filer une bolée de cidre à un vieux cosaque finissant de brouter l'herbe de bison de sa 2e bouteille de Zubrówka...
Mais revenons-en à nos moutons : Warlocks Grim & Withered Hags vient de sortir, préparons le méchoui ! Et tout le monde est convié aux agapes vu que ce 3e album a autant d'arguments pour contenter ceux qui veulent prolonger le kiff de l'album de 2020 que pour répondre aux attentes de ceux qui exigent que la saison N+1 de leur série métallique préférée propose du neuf. Ainsi, si vous attendiez ces courts brûlots qui donnent l'impression qu'une pluie de fer et de souffre s'abat sur les ruines de Gomorrhe, vous allez être servis : les bikers de l'apocalypse sont lancés à vive allure sur leurs fiers destriers dès « The Nuckelavee », leurs assauts étant plus particulièrement brefs et létaux sur une triplette « The Cursed Carrion Crown » / « The Hissing Marshes » / « Poison Womb » qui tape dur et fort. Les riffs – mélodiques et plus techniques qu'on pourrait le croire dans ce créneau de barbares – tranchent les chairs tandis que la faucheuse moissonne « in the name of satanik Wouôck'n'Wouôll » : Ïîîîîîîîaaaaaaark ! Pour autant, si vous n'êtes pas du genre à vous satisfaire du 666e album studieusement répétitif pondu par les Rogga Johansson de la scène, vous serez heureux d'apprendre qu'il y a du neuf au menu. On vous détaille ça après avoir sauté une ligne, ça commence à faire beaucoup pour un seul paragraphe...
Le Hellripper 2023, c'est dès la tracklist qu'on peut mesurer sa nature nouvelle, calculatrice en main. En effet, en 2020 8 pistes filaient en moins d'une demi-heure, celles-ci – prises individuellement – dépassant rarement les 4 minutes. Dorénavant, pour le même nombre de morceaux on atteint quasiment les trois quarts d'heures, la moitié des titres dépassant les 5 minutes, avec des pics au-delà des 7-8. À ceci deux raisons majeures : 1) une écriture ne se contentant plus de tirer des roquettes sur l'ennemi, mais déployant des stratégies offensives plus sophistiquées, 2) la découverte qu'entre le point-mort et la 6e vitesse il existe des paliers intermédiaires pas inintéressants. Et James McBain d'avouer lui-même qu'il avait envie d'aller au-delà du simple hommage au trio Bathory / Metallica / Darkthrone pour injecter dans ce nouvel opus d'autres influences : Agalloch, Opeth, Type O Negative, Edge Of Sanity... Mais aussi les Beatles, The Doors, Dire Straits, Oasis, Nirvana, Alice In Chains et les Manic Street Preachers. J'en vois qui recrachent leur Benco par les narines : pas de panique, le nouvel album ne laisse pas plus transpirer l'influence des 8 derniers noms ici cités que celle d'Annie Cordy. Par contre, en effet, sur « Warlocks Grim & Withered Hags » ou « Mester Stoor Worm », on sent une démarche plus « progressive ». Et cela réussit plutôt bien au deuxième de ces titres, les cavalcades furieuses, solos flamboyants et habituels passages Black blastés se voyant nuancés d'éléments plus Death, ainsi que de touches acoustiques qui rafraîchissent un peu le propos. Le morceau-titre, par contre, convainc carrément moins, son allure slow/mid molle, sa truffe humide et sa cornemuse triste n'ayant que peu à offrir au Hell's Angel en mal de baston...
On admettra cependant que la déconvenue (relative, on peut aussi goûter l'approche mélodico-épique de la chose) ne concerne qu'un seul morceau, et que sur les autres la fougue superbement excessive, les mélodies Heavy déroulées vitesse grand V, la gouaille Metal'n'Roll (hhmmmm, la basse de Lemmy sur « The Hissing Marshes ») et l'acidité du fiel hellripperien permettent de libérer les habituels torrents d'adrénaline. Et l'on renouvelle donc notre vote de confiance à Mr McBain afin qu'il continue de montrer la voie aux hordes infernales qui refusent que s'éteigne ce long cri primal poussé autrefois, il y a plus de 40 ans, par Venom.
« All Hail the Goat ! », comme ils disent.
La chronique, version courte : la grève est finie dans les raffineries (à l'heure où je vous écris), et Warlocks Grim & Withered Hags est enfin sorti. Vous pouvez donc remplir à nouveau votre réservoir avec le sang de la terre, faire hurler les enceintes comme les hélicos dans Apocalypse Now, et partir terroriser la veuve et le fan d'Aya Nakamura sur les routes. Sachez cependant que le Black/Speed/Thrash de Hellripper n'est plus exclusivement la bande-son de raids satanico-punks punitifs : sur son 3e album, le groupe montre qu'il peut être plus sophistiqué, adopter une allure pas systématiquement excessive, et même laisser transpirer ses origines écossaises.
2 COMMENTAIRES
el gep le 02/05/2023 à 11:22:39
"finissant de brouter l'herbe de bison de sa 2e bouteille de Zubrówka..." j'ai ri, mais si j'ai ri !
Crom-Cruach le 02/05/2023 à 13:41:24
J'avais mis un honorable 7,5/10 au précédent tout de même. Et oui parfois Satan m'habite mais pas forcément tout le temps !
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