Solefald - Interview du 17/06/2016

Membre(s) interviewé(s) : Lars et Cornelius
Solefald est un groupe qui se produit rarement en concert. Est-ce un choix, ou est-ce à cause de vos différents emplois du temps ?
L: Ça fait longtemps que nous n’avons pas joué live et c'est principalement lié à des problèmes d'emploi du temps: nous faisons tellement d'autres choses! De mon côté, l'aspect studio est plus important, faire de la musique, enregistrer de la musique. Nous discutons beaucoup de ce genre de choses. Cornelius était préoccupé par le fait de retourner sur scène.
C: Nous avons joué live en 1998-1999 en Allemagne, en Autriche et en Suisse avec Tristania et Haggard, et quand j'ai été accepté à Paris IV la Sorbonne, j'ai quitté Oslo, ce qui a rendu les choses plus compliquées. A la même période, j'ai rejoint Borknagar. Dix ans plus tard, je n'arrêtais pas de répéter que je voulais jouer live, et finalement, nous l'avons fait. Nous avions un groupe live avec lequel nous avons fait une tournée européenne et quelques festivals.
Au cours de plusieurs concerts, un artiste a réalisé une peinture sur scène, inspirée par la musique. Pouvez-vous nous en dire plus ?
C: Son nom est Cristopher Rådlund, qui se décrit comme un citoyen suédois et un artiste norvégien. Il vit à Oslo depuis vingt ans. Il peint des paysages en utilisant des teintes sombres, bleues, noires, grises, dans la tradition romantique d'Arnold Belkin ou Caspar David Friedrich. Il a illustré la pièce de 20 NOK. C'est un très bon ami à moi, du groupe, c'était logique de l'avoir avec nous. Il peint essentiellement dans un atelier, mais il se fait un plaisir de nous rejoindre sur scène.
L: Le groupe a toujours eu un lien fort avec les arts visuels, comme le prouvent les pochettes de nos albums. Il nous a semblé naturel de poursuivre ce lien avec nous sur scène. Solefald n'a jamais été uniquement concentré sur la musique, nous avons toujours été préoccupés par les arts visuels, la musique, le fait de dépasser les frontières entre les différentes formes d'art. On ne devrait pas considérer chaque forme d'art séparément les unes des autres ; c'est pourquoi on a pensé que ce serait une bonne idée d'apporter l'art graphique sur scène.
C: Il y a également un aspect pratique, à l'époque où tu ne voulais pas faire de concerts , où moi je voulais, il y a dix ans, durant cette période, avoir un backdrop vidéo était très populaire. Maintenant, c'est presque ringard. Quand nous avons commencé à donner des concerts, nous avions cet ami d'Oslo qui réalisait des toiles. Personne ne le faisait. C'était un coup de chance.
Un autre groupe norvégien utilise aussi beaucoup l'art et le théâtre sur scène: Vulture Industries.
L: C'est intéressant de voir que des groupes envisagent autrement les performances scéniques parce que depuis des années, elles ont été les mêmes. Il y a tellement de moyens de développer cette présence scénique avec une multitude d'éléments visuels.
C: Mick Jagger et les Rolling Stones n'ont jamais joué avec Andy Warohl (rires).
Pourquoi avoir choisi la France, et en particulier le Hellfest, pour donner l'un des premiers concerts en support de World Metal: Kosmopolis Sud ?
L: C'est un énorme festival avec un public varié, avec des gens venant de différents horizons en terme de metal. C'est un bon endroit pour présenter notre musique. Quand vous venez voir un show de Solefald, que vous avez plutôt un background metal traditionnel et que vous restez là, à secouer la tête, quelque chose se passe. « Putain de merde, qu'est-ce qui est en train de se passer ? ». C'est le but que nous voulons atteindre, rendre les gens curieux. C'est un bon festival pour cela, toucher et rendre curieux un grand nombre de gens.
C: Nous avons également été choisis par le Hellfest, quelqu'un de l'équipe nous a vu au Blastfest à Bergen cette année.
Cet album a reçu de très bonnes critiques d'un peu partout dans le monde. Avez-vous été surpris par de tels retours ?
L: C'est un super album, c'est normal qu'il reçoive de bonnes chroniques (rires). Blague à part, je pense que le public est prêt pour quelque chose de vraiment différent. Il y a tellement de groupes de metal réalisant encore et toujours le même album. Nous avons réellement à cœur de ne jamais sortir deux fois le même album et de faire quelque chose de différent à chaque fois que nous entrons en studio. Et cette fois-ci nous avions ce concept d'aller encore plus loin avec ces influences World Music. Les gens étaient je pense prêts à cela et les chroniques ont réellement compris où nous voulions en venir.
Avez-vous une idée de pourquoi la Norvège est un pays autant propice au metal d'avant-garde et ouvert d'esprit ?
C: Je pense avoir une explication à cela. Quand nous avons débuté Solefald en 1995, il y a maintenant 21 ans, les premières formations Black Metal se prétendaient « réactionnaires ». Nous en faisions partie mais nous voulions être une contre-révolution à l'intérieur de la révolution (ce que vous devez bien comprendre en France). Nous étions partie prenante de la scène mais nous la détestions déjà, les cinq premières années. Quand nous avons déménagé à Oslo, nous avons commencé à connaître tout le monde de la scène, nous avons été acceptés durant les vingt dernières années. Cela prend du temps de torde les esprits rigides. Quand les gens en ont eu assez de ce metal ultra orthodoxe, classique, étroit d'esprit, tous ces musiciens talentueux ont pu s'exprimer.
L'un d'entre vous est allé en Afrique pour trouver l'inspiration.
L: Nous sommes tous les deux allés en Afrique à des moments différents mais Cornelius s'y est rendu pour enregistrer, à Dar es Salam (en Tanzanie, NdX), avec mon père car ce dernier est une figure importante du mouvement World Metal, en tant que producteur.... Euh, non: du mouvement World Music. Quoique maintenant il fait partie du mouvement World Metal, vu que nous l'avons créé. Il nous a fait entrer en contact avec des percussionnistes et d'autres instrumentistes. Lui et Cornelius sont partis enregistrer certaines parties de l'album.
C: En particulier la chanson « Bububu bad boys ». Elle débute comme une jam entre deux percussionnistes et moi, en studio, à l'extérieur de Dar es Salam. Des poulets couraient un peu partout dans la cour, avec des chiens, des cages... Nous craignions les coupures de courant. J'essaie de focaliser un maximum mon écoute sur la musique parce que j'ai peur de ne pas voir assez d’électricité pour faire l'enregistrement. Il y avait un joueur de tam-tam africain et un percussionniste norvégien qui ont commencé avec ce beat lourd et j'étais censé lire un poème ; ça a fini en enregistrement live « Ta tatatatata ta ! »
L: Ça sonne comme un poulet.
C: Oui, j'ai chanté comme un poulet. C'est le début de « Bububu bad boys », le morceau ce termine en hymne de stade.
L: J'ai tout bousillé avec le beat techno et tout le reste.
Il s'agit de la première chanson que vous ayez sorti. Tout le monde s’attendait à ce que vous la jouiez. Mais vous ne faites pas ce que l'on attend de vous.
L: Le truc c'est que quand on joue des sets courts, de 40 minutes, nous avons tellement d'albums dans lesquels piocher, on ne peut pas choisir beaucoup de titres de chaque album. Nous devions prendre une chanson représentative du dernier album, j'adore la « Chicken Song », mais « World Music With Black Edges » montre tout le potentiel de l'album. J'adore jouer [« Bububu bad boys »] en concert mais « World Music With Black Edges » montre plus de facettes de notre musique. C'est pour cela que nous l'avons choisie.
C: Dans vingt ans, nous aurons assez de titres pour donner quatre concerts différents et faire comme Iron Maiden. Nous aurons notre propre avion et ferons une tournée d'albums entiers.
L: Le Neonism Tour, le World Metal Tour.
C: Et le Linear Scaffold Tour.
Après vingt ans à repousser les frontières du metal, est-ce difficile de se trouver de nouveaux défis ?
Le monde change tout le temps, il y a toujours de nouvelles sources d'inspiration, de nouvelles idées. La seule chose qui ne change pas, c'est que les choses changent. Je ne pense pas que nous rencontrerons de problèmes pour trouver de l'inspiration.
Quel philosophe a dit cela ?
L: C'est moi, Lars le philosophe. Aussi longtemps que vous êtes inspirés, pourquoi se mettre des barrières là où il ne devrait pas y en avoir ? Je n'ai jamais trouvé intéressant de s'imposer des barrières pour quoi que ce soit. Si tu veux le faire, fais-le, si ça marche, tant mieux. Peu importe si ça provient du raggae, de la techno, du black metal.
C: C'est Heraclite qui a dit « Rien n'est permanent sauf le changement ».
Un dernier mot pour vos fans français ? En français peut-être ?
L: Nous voulons remercier tous ceux qui sont venus nous voir au Hellfest aujourd'hui. Nous avons vraiment passé un bon moment, rencontré des fans très cools. Nous adorerions revenir.
C: Moi aussi je voudrais remercier tous les fanas français qui nous suivent depuis vingt ans. La France reste avec moi.[en français dans le texte].
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