Sodom - Tapping the Vein

Chronique CD album (46:02)

chronique Sodom - Tapping the Vein

« Sodom ? Haaa, « Blasphemer », « Sodomy & Lust »… Sans eux il n’y aurait pas eu la seconde vague du Black Metal scandinave ! »

« Sodom ? Haaaa, Agent Orange… A fire that doesn’t burn !!! Krieg : das ist groβ bonheur ! »

 

Oui, c’est vrai, c’est vrai : l’Inner Circle et autres joyeux brûleurs d’églises doivent beaucoup aux débuts du groupe de Tom Angelripper.

Et il est tout aussi vrai que le 3e album des va-t-en-guerre teutons – qui a quand même réussi à se caler en 36e position des charts nationaux, et s’est vendu à 100 000 exemplaires de l’autre côté de la ligne Maginot – est une délicieuse bombinette dont on aurait du mal à dire du mal, à moins d’être viêt-cong et dépourvu de tout second degré.

 

Pourtant la légende Sodom ne repose pas que sur ces quelques premières années. Car en 1992 il y a eu Tapping The Vein, monstre de noirceur et de puissance guerrière, qui a pris le pli de glisser vers le metal extrême – gratte flirtant avec le Death, retour des vocaux au vitriol – quand les autres ténors de la scène commençaient à (ou allaient bientôt) arrondir les angles, cf. Metallica avec son Black Album, Testament avec The Ritual, Kreator avec Renewal, Death Angel via l’entité The Organization, Annihilator avec Set The World on Fire

Baisser la garde pour passer sur les radios entre AC/DC et Scorpions ? Pas le genre des loustics…

 

« Mouais… Du Thrash méchant, ça reste du Thrash. Pas de quoi extirper Baphomet du fond de son canap’  ! »

 

OK : le Schtroumpf bodybuildé de la pochette fait plus penser aux soirées "Poppers & Pecs" du Ass-To-Moustache Club qu’à une invitation à une messe noire ou à un missile War Metal. Pourtant, si vous avez 3 minutes devant vous, je vous invite à donner sa chance à « Body Parts », la toute première piste. Vous arrivez à l’esquiver ce vilain coup de lame de rasoir à la carotide ? Vous la voyez, la tornade de feu et de suie en train de détruire vos enceintes ? Vous le sentez le déluge de plomb ? Vous le visualisez le gigantesque mur de guitare, granuleux et sans merci ? Ça mitraille sans pitié, le tank est piloté par un zombie décérébré, et les ordres crachés dans le micro ont retrouvé l’acidité des débuts du groupe, quand on pouvait imaginer les Allemands couverts de corpse paints. Arrivés à ce stade, si d'aventure, stupéfaits par cette méchanceté crue, vous décidez de laisser également sa chance à l’encore plus court « Skinned Alive », vous ferez le constat que, saperlipopette, ce titre est quasiment aussi virulent que le presque homonyme « Skin Her Alive » de Dismember !

 

Non non, je n’exagère pas.

 

Alors certes, ce niveau de brutalité guerrière n’est pas constant tout du long de l’album. Mais il donne quand même la température de la majorité des morceaux. Comme « Deadline » (qui s’avère juste un peu plus Rock’n’Roll), l’impitoyable « The Crippler », mais aussi le morceau-titre et « Hunting Season », qui certes démarrent plus progressivement, en mode diesel, et s’avèrent un rien plus nuancés… mais laissent de profondes traces de chenilles dans les parterres de géraniums. Autres alternatives, toujours aussi combatives, mais plus enlevées et tubesques : « Back To War » et « Bullet in the Head ». Le premier s’avère bien teigneux, porté par un puissant carburant Punk’n’Roll, mais trouve quand même le moyen de proposer un refrain assez irrésistible. Quant aux deuxième, il s’agit pour votre interlocuteur du point culminant de ce massif mon-teigneux. Car si le titre est ramassé et vrombit tout aussi massivement que les missiles alentours, il monte le niveau d’accroche à des sommets atteints nulle part ailleurs au cours de ces trois quarts d’heure.

 

Mais Sodom reste Sodom, et il ne va donc pas complètement abandonner le Thrash pour le Bolt Thrower-core. Ainsi « Wachturm » donne-t-il dans ce Möktoberfest qui fait chairdepouler les foules outre-Rhin, un pied chez Lemmy, l’autre dans un Biergarten – ce qui n’est pas désagréable, mais renvoie plus à un Tankard vénère qu’à un accès de berserk dans une tranchée sordide. Moins éloignés des champs de bataille, « One Step Over The Line » et le long « Reincarnation » préfèrent toutefois adopter la démarche lourde et inexorable du char Leopard passant et repassant sur un charnier pour mieux le composter, plutôt que la violence aveugle du sulfatage frénétique.

Et les solos, je vous ai parlé des solos ? De grands coups de surins, brûlants et brefs, à l’image des morceaux qu’ils zèbrent de leurs hennissements stridents. Andy Brings, guitariste ayant tout juste la vingtaine, embauché pour prendre le relais de Michael Hoffmann (Assassin), aura clairement pris le contrepied de son prédécesseur : finit les angles arrondis de Better Off Dead, bonjour les bracelets à clous et les bullet belts !

 

Pourquoi ressortir cet album des cartons aujourd’hui ?

Parce que c’est d'la bombe, et que le dimanche sur CoreAndCo, on aime bien farfouiller dans les brocantes et réouvrir les vieux albums-photos.

Mais également parce que l’album bénéficie ces jours-ci d’une réédition luxueuse, avec, dans sa version bling-bling, 3 vinyles, 2 CDs, et un livret de 24 pages. Qu’y a-t-il dans cette hotte tellement grosse qu’elle devrait avoir du mal à passer par la cheminée ?

1) Une version remasterisée de l’album (si vous voyez une différence avec l’originale, vous bénéficiez de l’oreille absolue)

2) Une version remixée par le Andy dont on vient de parler. Celle-ci sonne moins pêchue que l’originale, notamment parce que le chant, moins acide, est mis plus en avant, au détriment de la guitare, qui perd en volume.

3) Des versions alternatives de « Body Parts », « Wachturm » (sans les BIP!) et « Reincarnation » (pour ceux qui aiment le jeux des 7 différences)

4) Trois lives, enregistrés à Cologne (la der des ders pour Chris Witchhunter), Tokyo (avec en prime la reprise pas terrible du « Kids Wanna Rock » de Bryan Adams) et Düsseldorf (qui râpe les oreilles comme un bootleg est-allemand d’avant la chute du mur)

Bref, la chose est généreuse, peut-être trop, et s’adresse surtout aux plus pointilleux et fétichistes des die hard fans. Perso je reste sur ma version d’époque (… achetée à l'époque du lycée, mais oui Madame).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : Tapping the Vein est l’album le plus violent de Sodom. Pas proto-Black comme les débuts du groupe. Pas « simplement » guerrier comme Agent Orange. Pas Punk cracra comme Get What You Deserve. Non : sur les morceaux les plus fulgurants – « Body Parts » et « Skinned Alive » notamment – ce 5e album se situe à la limite du Death Metal. Noir, punitif, impitoyable, l'absence quasi-totale de jovialité teutonne au sein de la tracklist a sans doute contribué à en faire le moins célébré des albums incontournables des Allemands. Mais ainsi que le souligne ce qualificatif, perdu en fin de phrase précédente : il s’agit bien là d’un skeud incontournable.

 

photo de Cglaume
le 22/12/2024

9 COMMENTAIRES

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 22/12/2024 à 19:13:05

C'est vrai que c'est du broutal. Je ne l'avais écouté : merci de la découverte.

cglaume

cglaume le 22/12/2024 à 19:24:26

Vieux motard... 🙂

Rafff1

Rafff1 le 23/12/2024 à 00:40:48

Top cette dernière ligne droite très thrash (Gross Reality, Agressor et maintenant Sodom) ! Tu voudrais pas faire un dossier avec tes références thrash ??

cglaume

cglaume le 23/12/2024 à 08:09:42

Sur ce sujet, c'est trop peu organisé dans ma tête pour faire un dossier... 😅😅 Par contre j'ai rassemblé dans une liste tous les albums de Thrash post-2000 que j'ai notés 8,5 sur 10 ou plus sur CoreAndCo :

https://rateyourmusic.com/list/cglaume/best-of-post-2000-thrash/

... Et il y a d'ores et déjà en base, en attente de mise en ligne, un album de 2023 qui va aller rejoindre cette liste 🤘

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 25/12/2024 à 21:16:17

Je découvre aussi "Agent Orange" là.

cglaume

cglaume le 25/12/2024 à 21:39:35

Tu pourrais aimer Get What You Deserve : c'est plus sale, plus cru, plus punk

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 26/12/2024 à 12:12:22

J'ai commandé Tapping The Vein sur Disco à 453 euros hors fdp : c'est donné !

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 26/12/2024 à 12:18:18

Discog... car bon Sodom, à priori, c'est pas trop boule à facettes.

cglaume

cglaume le 26/12/2024 à 12:27:26

😁🤘🕺🏼

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