Melted Bodies - Interview du 03/11/2020

Melted Bodies (interview)
 

Je ne l’ai réalisé que récemment, mais cette interview se tient en un jour très particulier (NDLR : le 3 novembre, les Américains élisaient leur nouveau président). T’es-tu déjà rendu aux urnes, ou cela attendra-t-il après notre discussion?

Ça y est, c’est fait. A vrai dire j’ai voté par courrier. C’est bien plus facile et rapide comme ça.

Choix judicieux, en effet: il y a encore peu on pouvait voir à la télé des queues parfois très longues devant les bureaux de vote.

Oui, l’organisation de tout ça est assez merdique, comme toujours.

Avant de commencer à parler musique, cette actualité particulière m’offre l’occasion de te demander comment est-ce que vous vivez la période actuelle – avec son lot de Covid, de Black Lives Matter et de Trumperies – en tant qu’individus et en tant que groupe ?

Nous vivons à Los Angeles, ville qui penche plutôt à gauche et qui est un immense mélange de cultures. Nous croyons tous dans le mouvement Black Lives Matter et dans l’égalité des droits : ce sont de sujets réellement importants pour nous. D’ailleurs dans le groupe nous nous sommes tous rendus dans des manifs, à un moment ou à un autre, pour défendre le monde tel qu’on aimerait le voir. Et on se sert également de notre musique dans ce cadre, en l’utilisant pour moquer, ou du moins comme d’une loupe afin de faire ressortir certaines des choses qui nous déplaisent – le business des compagnies d’assurance, l’avidité, les personnes excessivement riches... Et comme tu peux l’imaginer, tout comme la grande majorité des gens qui trempent dans la scène Punk, nous vomissons Trump. A propos du Covid, il faut reconnaître qu'au-delà de l'horreur que constitue cette pandémie, la situation qui en résulte a cela d'intéressant que, bien que nous adorions donner des concerts et qu’à l’heure actuelle nous serions sans doute en train de tourner à travers les USA et au-delà si la situation était normale, nous sommes obligés cette fois de travailler autrement, notamment en réalisant des vidéos à travers lesquelles nous avons l'opportunité de dévoiler plus avant qui nous sommes. Ce faisant les gens sont plus conscients du fait que nous sommes un groupe qui accorde beaucoup d’importance à l’aspect visuel de son art. Il y a quelques jours encore nous avons mis en ligne une vidéo pour Halloween. Evidemment tout cela ne remplace par le live, mais quelque part ces vidéos sont une sorte d’extension de ce que nous voulons que nos concerts soient. J’adorerais qu’après avoir assisté à l’un de nos concerts les gens se disent « Wouawh, je n’ai rien compris à ce que j’ai vu, c’était tellement fou : il faut que je refasse à nouveau cette expérience ! ». D’ailleurs nous avons l'habitude de projeter ce genre de vidéos pendant nos concerts… C’est donc une sorte de prolongement du live, à défaut d’en être un substitut. Mais évidemment ne pas pouvoir monter sur les planches une seule fois pendant tout ce temps a été un coup particulièrement dur. C'est assez pénalisant en cette période où nous commençons à nous faire plein de nouveaux fans, que ce soit en France, au Japon ou même ici. Mais il est vrai que localement ces vidéos ont fait une vraie différence, en changeant la façon dont les gens nous perçoivent. Mais même si la musique que l’on pratique a pour carburant les choses les plus noires de la vie, j’aurais quand même préféré 1000 fois ne pas vivre une telle expérience. Ce qui est sûr c'est que même si on arrive à arrêter cette pandémie, même si on arrive à virer Trump de la maison blanche et qu’on reconnaissait enfin l’égalité raciale, je pense que vivre aux USA en 2020 continuerait de nous offrir l’occasion de vivre des situations intolérables – rien qu’au niveau de la couverture santé déplorable dont bénéficie trop de gens, et de toutes ces règles et lois absurdes qui sont inhérentes à la « culture américaine ».

C’est sûr que le bon côté des périodes difficiles c’est qu’elles offrent aux groupes pour qui l’esprit de révolte est un moteur de quoi écrire leurs compositions les plus virulentes

Complètement. Tu sais, ces derniers temps on a pas mal réécouté Toxicity de System of a Down – notamment parce que les gens nous comparent beaucoup à eux. Le titre d’ouverture, « Prison Song », parle de l’industrie pénitentiaire aux USA. C'est l’exemple typique d’un titre vraiment excellent qui offre un niveau de richesse supplémentaire à celui qui va faire l'effort de décortiquer les paroles. Pour moi c’est vraiment une bonne chose que ce genre de musique soit non seulement agressive et intéressante, mais puisse également ouvrir quelques yeux. Je ne dirais pas qu’on est un groupe politique, mais peut-être l’est-on dans le même esprit qu’un Mike Judge – le créateur de Beavis & Butt-head et réalisateur du film Idiocracy. On n’attaque pas les sujets frontalement. On n’a pas de morceaux qui parlent de Trump ou de politique. On va parler de la Sécu, des assurances, on va écrire des titres comme « The Abbot Kinney Pedophiles », qui se contente de décrire l’expérience consistant à descendre l’une de ces rues remplies de magasins où le moindre T-shirt coûte 500$ et où des parents achètent des lunettes de soleil griffées à leurs gosses pour les faire ressembler à des hipsters – ce qui au final fait de ce titre une charge acerbe contre la stupidité de ce milieu hyper friqué.

Tiens j’en profite au passage pour te signaler qu’il est un peu dommage que les paroles de vos chansons ne soient pas disponibles, ni sur votre site, ni sur Bandcamp. Ça serait un vrai plus, notamment pour les fans dont l’Anglais n’est pas la langue natale

Tu as raison, on doit le faire, d’autant qu’Andy écrit vraiment de très bons textes. Le truc c’est qu’on est un groupe indépendant : il y a tellement de choses qu’on essaie de faire qu'on en oublie toujours certaines, haha. Mais maintenant qu’on vient enfin de s’occuper de sortir des vinyles, oui, tu as raison : la prochaine étape sera de s’occuper de mettre en ligne ces textes. On l’a déjà fait en partie sur certaines vidéos (au sein desquelles on peut voir les textes les plus marrants), mais je vais m’occuper de rendre tout cela disponible sur Bandcamp.

 

C'est John Spiker qui s'est chargé du mix et du mastering d'Enjoy Yourself. Ce musicien – qui joue de la basse au sein de Tenacious D, Filter, ainsi qu’avec John Carpenter – a déjà bossé en tant que producteur avec de grands noms comme Beck ou Nine Inch Nails. On peut imaginer qu’il pratique donc des tarifs à la hauteur de ce genre de groupes. Vous avez dû hypothéquer vos maisons pour l'avoir à vos côtés ou bien vous avez bénéficié de copinages ?

Je ne me rappelle plus qui nous l’a recommandé, mais l’un de nos contacts le connaissait. C’est ce qui est bien avec L.A. : on y croise tant de musiciens qu’on finit par rencontrer untel qui connait untel qui connait untel. On lui a donc envoyé notre album via ce contact, et il se trouve qu’il l’a vraiment beaucoup apprécié – notamment le fait que l’on soit un peu à part. Et c’est exactement ce que l’on cherchait. C’est important pour nous car si quelqu’un n’apprécie pas vraiment notre musique, ne comprend pas nos références ou notre démarche, cela rendra évidemment le mix très compliqué à réaliser. Il y a tellement de styles entremêlés à mettre en valeur... Et John a fait un job extraordinaire à ce niveau, en réussissant à nous apporter la puissance d’un System of a Down ou du nouveau Mr. Bungle, mais également l’éclat d’un Devo ou d’un Talking Heads. Il était vraiment excité à l’idée de bosser sur l’album, et c’est un mec tellement sympa : c’était vraiment LA personne qu’il nous fallait pour nous emmener un cran plus loin. Et pour répondre à ta question, je pense qu’il savait qu’on n’était qu’un petit groupe indépendant, donc sans gros budget. Et son approche n’a donc pas été de nous dire : « Voilà, ce sont mes tarifs », mais plutôt « Voyons ce qu’on peut faire afin de pouvoir bosser ensemble ». C’est cool d’ailleurs, cela fait plusieurs fois que nous avons ainsi la chance de rencontrer des gens vraiment enthousiastes à l’idée de travailler avec nous. C’est d’ailleurs également un peu le cas avec toi regarde : tu bosses dans un magazine français dans lequel doivent figurer de bien plus gros groupes, nous on est encore des inconnus qui sortent leur premier album, et pourtant on se retrouve là à faire une interview ensemble… On croise les doigts pour que cela continue ! En tous cas on réalise que le fait d’être un groupe de Metal aussi différent est un véritable atout jusqu’ici.

 

… en sachant que le fait d’être différent n’est bien sûr pas suffisant en tant que tel. Votre force c’est que non seulement vous êtes différents, mais que vous réussissez à écrire des titres à la fois cohérents et terriblement accrocheurs. Et contrairement à d’autres groupes dans la mouvance de Mr. Bungle qui parlent parfois plus au cerveau qu’au cœur, vous réussissez à faire votre chemin à travers notre cage thoracique. Cela m’amène naturellement à la question d’après : quel processus de composition vous permet d’arriver à un tel résultat ?

Notre secret c’est Andy, qui est tout à la fois le chanteur, le guitariste et le compositeur principal du groupe. Il n'y a rien qu'il aime autant qu'écrire des chansons. Après, ce qui fait l’intérêt du groupe, c’est que nous avons tous un certain background dans le monde de la musique, que cette dernière nous obsède – pas seulement le Metal d'ailleurs –, et par ailleurs que chacun de nous a ses propres influences. Si tu demandes à Andy il te dira qu’il a grandi en écoutant Cannibal Corpse… Et les Talking Heads ! Ce n’était pas l’un puis l’autre, c’était vraiment les deux plus ou moins en même temps. Et cela explique pourquoi nos titres sont ainsi faits. Pour tout ce qui est plutôt Talking Heads dans notre musique, tu vas trouver un pendant cannibalcorpsien, et vice versa. Après l’idée derrière tout ça c’est de mettre l’accent sur l’énergie. Pour en revenir au processus de composition, typiquement Andy arrive en répète avec un titre au stade de démo mitonné sur GarageBand, qui contient les lignes de chant, les accroches, la structure globale et les textes. Ce matériau de base on va le bosser pour l’apprendre, mais en se focalisant successivement sur différentes parties. Tiens par exemple, la fin de « Funny Commercials », c’est typiquement le fruit de ce travail de groupe en répète. L’un de nous a dit aux autres : « Dites, j’écoute pas mal de Black Metal ces derniers temps : je pense que ça serait génial de finir le morceau sur ce genre de son ». Et à un autre moment on pourra avoir ce même type de réflexion, mais avec de la Country. Et avant qu’on ait compris ce qui s’est passé, on se retrouve avec un passage Folk au sein d’un nouveau titre. Andy est très ouvert à ces suggestions. Mais au final c’est quand même Andy qui mérite les bravos pour l’écriture de titres aussi accrocheurs. Il accorde beaucoup d’importance à la mémorabilité, et c’est vrai qu’on se souvient tous des riffs et parfois des refrains de nos titres de Metal préférés. Il a vraiment le don pour ça – je le reconnais d’autant plus aisément que personnellement ce n’est pas du tout le cas, haha. Moi je suis plutôt fan de groupes comme Meshuggah ou Tool, dont le truc est plus de déconstruire la façon usuelle dont les chansons fonctionnent… On est plus dans l’équation mathématique à ce niveau. D’ailleurs c’est assez marrant dans Melted Bodies parce qu’on peut également avoir ce côté plus cérébral. On a déjà parlé de la possibilité de faire du Jazz ensemble d'ailleurs. Mais au moment de composer, on essaie de ne pas tomber là-dedans, d’oublier ce gros background musical et technique pour laisser plutôt parler l’instinct. Enfin, si j’avais dû répondre brièvement à ta question, j’aurais pu me contenter de : « Andy est un génie de la composition ». Ça suffit à tout expliquer haha.

C’est vrai que dans un genre aussi touffu, la cohérence est souvent assurée par une seule et même personne.

Effectivement. Pour autant ne te méprends pas: nous sommes un vrai groupe. Si Andy est celui qui écrit, Scott est quant à lui le spécialiste de tout ce qui touche à la vidéo, moi je suis le tech'os qui va s’occuper de tout ce qui est programmation ainsi que de l’orchestration des projections pendant les concerts... Quant à Houda, elle est un monstre live, une vraie performer. Voilà notre formule gagnante, qui fait de nous un vrai groupe. Sans compter que nous sommes les meilleurs amis du monde. Tu vois on a passé Halloween dernier dans une cabane à picoler et mater des films d’horreur ensemble…

J’ai lu en effet un article dans lequel Houda explique que dès que vous avez commencé à jouer ensemble, le courant est passé aussitôt. Au final c’était comme si vous aviez été potes depuis toujours. Toi-même tu m’expliquais que tu les connaissais déjà avant d’être dans le groupe. Alors qu’est-ce qui vous a permis de vous rencontrer la toute première fois ? Vous étiez voisins ? Vous alliez à la même école ?

De mémoire je crois que ça s’est fait via des amis communs. Oui, j’ai rencontré Andy à un dîner il y a des années de cela, et on est resté en contact après coup. À vrai dire c’est souvent comme ça que ça se passe à Los Angeles. Tu rencontres des gens à une fête, ils apprennent que tu es à fond dans le Metal, et dans l’éventualité où eux-mêmes ne le sont pas, la discussion en arrive vite à « Hé, tu sais : j’ai un pote qui est fan de Metal. Il faut que tu le rencontres ! ». C’est comme ça qu’on a fini à ce même dîner. Et au cours du temps, petit à petit, on est devenu amis. Avec Scott on s’est rencontré dans un cimetière haha. C’était lors d’une projection organisée dans le Hollywood Forever Cemetery – ça devait être un film d’horreur je crois. Quant à Houda je l’ai rencontrée à un concert : on portait tous les deux le même T-shirt à l’effigie de Melted Bodies – parce qu’Andy proposait déjà du merch’ avant même que le groupe ne soit réellement formé haha. Au final c’est assez dingue qu’on se soit ainsi trouvé les uns les autres. Parce que la musique que l’on joue est quand même particulièrement bizarre, et que les uns comme les autres nous sommes adultes, âge auquel on n’a plus forcément le temps nécessaire à consacrer pour composer, répéter, ou jouer des concerts. Cela nécessite en effets quelques sacrifices que beaucoup ne sont plus prêts à faire. Mais tous les quatre on est vraiment à fond dedans, et crois moi que ce n’est plus toujours aussi facile de trouver ce genre de motivation parmi les gens de notre âge.

 

Votre nom est à l’image de la vidéo que vous avez réalisée pour « Ad People » (pendant laquelle le morceau est interrompu de manière incessante par de multiple faux clips publicitaires) ou de cette autre qui offre un support visuel pour « Club Anxious » (... et dure deux éprouvantes heures): vous optez pour une approche second degré que je trouve complètement irrésistible, mais qui risque de rendre difficile votre accession à un niveau supérieur de popularité tant votre approche est anti-commerciale.

Haha, oui. Et pourtant c’est marrant parce qu’évidemment on ne serait pas contre le fait d’être plus connus et plus « gros »... Mais on aimerait y arriver de manière alternative. On aime l’approche de groupes comme Death Grips ou Primus, qui ne respectent pas les règles. C’est ce qui nous a poussés à réaliser un clip comme celui de « Ad People », qui est effectivement assez frustrant haha. Pas mal de gens, qui pourtant comprennent notre démarche, nous ont dit regretter de ne pas pouvoir réellement profiter de la chanson quand ils regardent la vidéo. Mais au fond ce clip ne fait que refléter la manière dont le monde marche actuellement. Quand tu regardes un groupe que tu apprécies sur internet, bam, à un moment donné tu vas devoir supporter une pub ou deux. Encore une fois on profite de notre musique pour faire réaliser aux gens qu’ils ingèrent une grande quantité de publicités contre leur gré, notamment à cause de Youtube. Et avec « Club Anxious » on parodie ces longues vidéos de méditation que tu peux trouver sur la toile, le but étant de suggérer que s’infliger 2 heures de vidéo Youtube n’est peut-être pas le meilleur moyen d’atteindre la paix intérieure. En fait je crois tout simplement qu’on aime être un peu filous… Et puis après tout, quand tu regardes Slipknot– qui est l’un des plus gros groupes de Metal au monde en termes de succès commercial – ils n’ont pas non plus choisi le chemin de la facilité : neuf gugusses, dont deux qui tapent sur des poubelles… Tout responsable de label censé les virerait bien vite de son bureau haha. Bref, j’espère que nos espiègleries ne nous fermeront pas les portes d’un succès plus grand, parce que bien évidemment on adorerait pouvoir monter sur de grosses scènes comme celles du Hellfest ou du Coachella. Nous-mêmes adorons voir nos groupes préférés dans de telles conditions, avec cette débauche de lights, d’écrans géants et d’espace, et on aimerait bien évidemment pouvoir bénéficier nous aussi de ce supplément de « Whouawh ! ». Prends Aphex Twin, que l’on adore : ce genre de groupe peut être tellement intense que certaines personnes ne sont même pas capables d’assister à l’un de leur concert. J’adorerais que l’on réussisse à atteindre un tel niveau d’intensité. Qu’après nous avoir vu live, des gens disent à leurs potes « Je sais que tu n’es pas trop Metal, mais il faut absolument que tu voies Melted Bodies ! ». Ou à l’opposée « Je sais que tu ne digères pas la Pop, mais il faut absolument que tu voies Melted Bodies ! » haha. On espère vraiment que cette différence finira par être ce qui hameçonnera les gens. Un peu comme Slipknot – pour en revenir à eux – qui, bien que plus vraiment expérimental musicalement parlant, offre plus que de la musique live, mais un vrai spectacle.

Votre but est donc de ne pas seulement offrir de la musique, mais une expérience qui va au-delà.

Oui, tout à fait. Et pour atteindre cet objectif, il y a tout un tas de trucs que  l’on voudrait essayer. C’est aussi pour cela que, à côté de nos nombreuses références Metal, on aime mentionner Devo, Kraftwerk, ou les Talking Heads. Parce que quand David Byrne développe un nouveau concept, on n’est plus simplement en train de regarder un concert: on se retrouve face à une expression artistique véritablement singulière. Et ça on apprécie vraiment.

 

La bouffe semble occuper une place importante dans votre univers, car au-delà de la bidoche visible sur la pochette d'Enjoy Yourself, on remarque que le titre de l’album semble évoquer l’auto-cannibalisme, que deux titres de morceaux (« Eat cops » et « Meat Cleanse ») et l’un de vos slogans (« Feed off the pus. Be one of us ») continuent de tremper dans le même champ lexical. Sans compter que certaines de vos vidéos débordent de morceaux de viande crue. Pourquoi cette obsession particulière – d'autant que je crois savoir qu’il n’y a pas spécialement de croisade vegan derrière ?

On n’a pas vraiment de message à faire passer par rapport à la consommation de viande, en dehors de ce « Hey, c’est pas un peu bizarre d’adorer la viande cuite mais de jouer les effarouchés devant de la bidoche crue ? ». Le sujet qui nous titille c'est plutôt les limites que les gens s’imposent plus ou moins consciemment. Tiens, prends par exemple cette mode du « régime Jus » (« Juice cleansing » en Anglais) très en vogue chez ceux qui n’ont que le mot « detox » à la bouche. Je ne sais pas si c’est populaire en France, mais c’est quelque-chose que beaucoup de gens pratiquent à Los Angeles. On a détourné cette mode sur le morceau « Meat Cleanse » parce que bien évidemment le titre choque, mais aussi parce que cette première réaction permet de faire un pas en arrière et de se demander « Tiens, pourquoi ai-je été choqué. Après tout je mange beaucoup de viande, non ? Alors quoi ? ». Pourquoi juge-t-on ceci bon et est-on choqué par cela ? Comment fixe-t-on la limite entre le répugnant et le délicieux, entre l’acceptable et l’inacceptable ? Et pour en revenir à ta question, pourquoi les gens adorent manger des hot dogs mais ne veulent surtout pas réfléchir à d’où la saucisse vient, et à tout ce que la production de cette saucisse implique? S’il doit y avoir un message derrière le discours de Melted Bodies, c’est « Tiens, regarde ce qu’il y a à l’intérieur, et derrière ta saucisse ! Et sinon : tu la manges ici où c’est pour emporter ? » haha.


J’ai cru discerner des bouts de Melt Banana, Polkadot Cadaver, Mindless Self Indulgence, Tub Ring, Circus of Dead Squirrels ainsi que De Staat sur certains de vos titres. Connaissez-vous, voire aimez-vous certains de ces groupes ?

En ce qui me concerne, parmi les groupes que tu évoques seuls Melt Banana et Mindless Self-Indulgence me parlent vraiment. On aime tout particulièrement écouter Melt Banana, en partie parce que nous apprécions Lightning Bolt, et que ces deux-là sont souvent rangés dans la même catégorie. Mais pour dire vrai on aime un vaste panel de groupes et de musiques variés, ce qui fait que parmi nos influences figurent aussi bien Cannibal Corpse qu’Aphex Twin. Et ce qui explique que tout cela finisse pas se combiner de manière singulière pour donner naissance à ces titres très hétéroclites qui nous caractérisent.

 

Sur Youtube on trouve une vidéo datant de 2019 tournée à l’American Barbershop sur laquelle vous jouez live un morceau intitulé “A Skull Full of Vomit”. Il se trouve qu’il s’agit en fait de « Club Anxious ». Etait-ce vraiment son ancien nom, ou l’avez-vous rebaptisé à l’occasion de ce show pour je ne sais quelle raison qu’il te faudra alors éclaircir, haha ?

Oui, je suis moi-même tombé sur cette vidéo récemment. Cette chanson s’est effectivement appelée ainsi pendant un certain temps, sans raison particulière. Et quand on a abordé le dernier virage de finalisation de l’album, Andy a décidé de la rebaptiser afin que le titre reflète plus fidèlement le contenu des textes. J’espère qu’on aura quand même l’occasion de réutiliser un tel titre ultérieurement, parce qu’il est génial je trouve!

 

Tout à l'heure tu mentionnais le Hellfest comme un festival où tu aurais particulièrement envie de jouer. Comment en as-tu entendu parler ? Ce n’est même pas le plus gros festival européen (bon, en fait c’est quand même le deuxième plus gros après le Wacken Open Air)…

Oui, il y a quelques festivals européens bien cools auxquels on aimerait participer. Mais pour être honnête on aimerait même déjà pouvoir simplement faire une tournée en Europe, après ces huit mois de disette scénique. Néanmoins si le Hellfest occupe une place spéciale dans mon cœur et celui du groupe, c’est qu’avec Andy nous avions prévu un voyage en France pour y assister il y a deux ou trois ans de cela, parce qu’on avait craqué sur l’affiche. Malheureusement ça n’a pas pu se faire, mais il m’est resté cette envie d’y venir un jour, notamment du fait de ce très large choix de groupes officiant dans des registres musclés mais vraiment variés. Le Wacken me dirait bien aussi, évidemment, mais tu l’as compris, c’est le Hellfest qui me motive le plus, personnellement. Et j’adorerais également pouvoir jouer et assister au Roadburn, bien que ce soit une ambiance tout autre.

Il y a trois ans de cela, vous jouiez déjà certains de vos morceaux live (cf. cette vidéo où l'on vous voit au Griffin Bar en 2017). On peut donc imaginer que sur ce laps de temps vous avez peut-être commencé à travailler de nouveaux morceaux ?

Oui on bosse déjà sur le nouvel album en effet. Et avec d’autant plus de confiance que l’accueil réservé au premier nous a rassurés quant à la capacité des gens à apprécier ce que l’on fait. Et c’est d’autant plus excitant que, à titre personnel, les morceaux nouveaux sont vraiment ceux que je préfère jusqu’ici. Aucune idée de quand tout cela pourra sortir, mais ce qui est sûr c’est qu’Andy est en plein travail de composition ces temps-ci, et que l’on va encore explorer plein de nouvelles idées. Il y a des chances que l’on essaie de trouver un label cette fois, notamment pour essayer d’être plus présent à l’internationale – jusqu’ici l’Europe semble avoir été vraiment réceptive, et on aimerait pouvoir se développer là-bas… Mais bon on est en 2020, année particulièrement étrange à tous les égards, alors comment prétendre être sûr de ce qui se passera dans quelques mois, haha ?

Est-ce qu’il est possible d’avoir une idée sur ce que cet album nous réservera, et comment il sonnera, à l’aune de ce qui a déjà été composé ?

C’est un peu compliqué de me lancer là-dedans parce c’est encore un peu tôt dans le processus d’écriture, mais ce que je peux te dire c’est que le niveau d’énergie n’a pas baissé d’un iota. Et on met un point d’honneur à conserver ce mélange stimulant de franche brutalité, d’éléments « à part », et de grosses accroches « radio-isables ». Comme je te le disais on aimerait emmener ce groupe au maximum de ce à quoi il peut prétendre, et l’on fait donc attention à conserver en partie une facette qui ait une certaine viabilité commerciale. 

 

Merci Ben pour tout ce temps passé à répondre à mes questions. Est-ce qu’il reste un sujet que tu aurais aimé porter à l’attention du public français ?

Eh bien pas vraiment, à part vous remercier d’avoir pris le temps d’écouter et apprécier notre album, ainsi que tous ces trucs qu’on propose au-delà de la simple musique. Rien ne pourrait nous faire plus plaisir que de jouer dans un petit club cradingue à Paris – ou alors dans une salle énorme, hein, haha – pour les fans que notre présence aussi loin de Los Angeles serait susceptible d’exciter. J’espère vraiment qu’on va pouvoir organiser ça bientôt. Alors tenez-vous prêts, l’aventure ne fait que commencer !

 

 

photo de Cglaume
le 24/02/2021

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