HELLFEST 2019 - Le week-end de Margoth - Première partie

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J'avais été tellement déçue l'année dernière que j'entame cette édition 2019 en me demandant si ça n'allait pas être celle de la dernière chance. Trop de monde altérant dramatiquement le confort de concert, une ambiance radicalement changée misant davantage sur le côté « le metal dans toute sa foire pour tous, tout particulièrement les profanes » que sur le côté « défouloir festif annuel pour le metalleux désireux de sortir des codes de la société le temps d'un weekend », des affiches qui ne font plus autant rêver qu'avant et ne surprennent plus (recyclage des têtes d'affiche, de la même manière qu'on privilégie toujours les mêmes « outsiders », etc). Et puis bon, à force d'enchaîner les éditions – consécutivement depuis quatre ans maintenant d'ailleurs – il y a comme un côté routinier digne d'un vieux couple en bout de course qui dérange quelque peu. Et pourtant, ça ne retire en rien qu'il y a toujours ce petit effet folie d'avant-Hellfest sur la semaine précédant l'événement. On se rend compte que ça approche, on réalise de manière plus concrète quels groupes on va voir ou revoir. Et puis, c'est revoir des potes que l'on ne voit que durant ces festivités clissonnaises. Que ce soit les compères de CoreAndCo ou les vieilles branches du camping avec qui tu n'as pourtant plus communiqué depuis un an mais avec qui tu reparles aussi chaleureusement que si tu les avais vu la veille sans le moindre malaise.
Malheureusement, les aléas de la vie étant ce qu'ils sont, j'ai été prise un peu en berne cette année par rapport à d'habitude. La prise d'un nouveau boulot quelques mois auparavant ne m'a pas empêchée de venir m'enjailler dans les terres du muscadet mais a considérablement réduit le timing : arrivée le jeudi soir pour repartir le dimanche soir, histoire de ne pas trop abuser de la générosité du patron qui a accepté sans broncher cette absence alors que bien d'autres auraient rigolé en te renvoyant aussi sec chez Pôle Emploi. Ce qui signifie également que je me retrouve également privée de Knotfest. J'aurais pu y faire un tour, il est vrai, avec ce petit bracelet presse inattendu – on voit bien qu'ils n'ont pas réussi à refourguer tous leurs pass pour permettre à tous les journaleux en herbe d'y avoir accès sans même qu'ils n'en aient fait la demande. Mais bon, après une matinée de boulot, le trajet et une installation sous les rayons crépusculaires de post-21h, la motivation n'était pas vraiment de se jeter dans la gueule d'un loup dont l'affiche ne me parlait pas plus que cela. Et puis, avant même que je n'ai pu poser un semblant de pied au camping, je me retrouve alpaguée par le tandem de choc Lapin/Sain Phonique me quémandant au Metal Corner. Autant dire : tant pis pour Rob Zombie qui était le seul larron du Knotfest qui m'intéressait un tant soit peu – déjà vu à deux reprises de toute manière – il était clair que se retrouver gentiment devant un certain Joe La Mouk était une idée autrement plus séduisante. Richesse musicale, compos à tiroirs et textes poétiques et délicats sont au programme. Ah bah non, en fait, c'était du grind tendance porn et bien concon comme il faut ! Ou comment se plonger dans l'ambiance beauf en trois coups de cuillère à pot sans encombres. Suivi peu de temps après par un cover band de Pantera, plus vrai que nature d'un point de vue purement sonore, si l'on excepte les pains de montées d'aigu à la Rob Halford de « Cowboys From Hell ». Bref, apéritif d'avant-Hellfest sympathique et bon enfant, même si j'avoue être déçue d'avoir manqué la performance de Destinity dont j'aurais été curieuse de voir l'évolution tant ça faisait un bail que je n'avais plus vu ce nom.
Ajoutez à cela une affiche globale qui ne me parlait pas forcément plus que cela dans son ensemble par rapport à d'autres années, un vendredi écourté par un vilain coup de mère Nature et on obtient une édition dont je ne sais que penser. Pas d'âpreté de fond de bouche comme l'année dernière, juste que je n'étais pas entièrement dedans. Bien que je reconnais qu'il y avait un peu de mieux niveau ambiance entre festivaliers cette année, même si ce n'était pas non plus la folie d'antan. Le Hellfest continue dans son approche de « Disneyland du metal ouvert à tous » qui comporte son lot d'avantages de la même manière que sa pléiades d'inconvénients. Comme par exemple de toujours attirer plus de monde sans que le site ne s'agrandisse plus que cela. Les PMR notamment selon les dires de certains potes pas gâtés par la vie en ont plus que pâtis, leur espace alloué n'ayant pas subi d'agrandissement alors que le nombre de prétendants a considérablement augmenté. J'ai moi-même entraperçu des fauteuils roulants placés négligemment dans la pente d'accès, l'accompagnateur envoyé sur les roses, le reste de l'espace étant trop blindé, tel un élevage de poulets en batterie, pour se contenter de mieux, ce qui est en soi pas tip-top d'un point de vue confort et sécurité. Ce qui n'empêche pas en revanche les VIP+ de bénéficier de loges privilégiées plus grandes en parallèle. On sent bien où se situent les priorités de la vie hein... Les amateurs de bain de foule apprécieront la moiteur humaine qui commence à intervenir dès 16h/17h, tout particulièrement du côté des Mainstages toujours bondées. Les autres, plus agoraphobes, auront intérêt de se préparer tôt afin de profiter de la quiétude très agréable des débuts de journée – ce qui permet sans doute de potentielles découvertes, une bonne chose au demeurant – et privilégier le trio Altar/Temple/Valley. La Warzone a perdu cette année de son sens premier car résolument punk, parfois bien « copaingggg » (tout public donc). Les coreux, pourtant la cible historique du Furyfest muté par la suite en Hellfest, étaient en berne, preuve éminente que l'organisation passe encore une dangereuse limite dans son appréhension de son ouverture à tous. Même Francis Zégut a avoué devant je ne sais plus quelles caméras qu'il trouvait dommage que le festival perde à ce point de sa substance au fil de ses évolutions. Ce en quoi j'aurais tendance à le rejoindre : ouvrir son public est une chose, sauf que tout pend à ce que le metalleux, le vrai, s'adapte à ces touristes et curieux dont une partie n'en a plus ou moins rien à foutre, hormis de se prendre sa petite dose d'exotisme divertissant, telle une jolie promenade dans une foire aux freaks. Et bien sûr n'iront plus jamais écouter de rock/metal chez eux vu que ce n'était clairement pas leur but.
Même si ce n'était clairement pas prévu, le drama autour de la fuite prématurée de Manowar ajoute un peu de ce côté « on se retrouve dans notre monde, le vrai, avec plus de metal et de barbus en t-shirts noirs autour de soi » tant l'on a un peu cette mauvaise impression de se retrouver au cœur des plus belles histoires racontées dans Closer ou Paris Match. De la même manière qu'une triste histoire post-fest d'une potentielle festivalière témoignant via les réseaux sociaux de son viol devenu rapidement viral qui a su nous rappeler qu'on est dans une ère fake news où il est difficile de discerner le vrai du faux, au point de ne jamais vraiment savoir où se situent LA vérité, ni maintenant, ni dans le futur. Il ne manquerait plus qu'une petite excursion « de boulot » de la LREM qui se délecterait de Kiss en dégustant du homard et on aurait eu le côté politico-télé-réalité, histoire d'avoir l'intégralité du monde où l'on vit. Sauf que l'on est au Hellfest merde, pas dans la vie ! Du business pro-capitaliste/libéraliste, des scandales stériles et pailletés de tabloïdes, du politicard véreux, des minorités réac' qui se froissent de tout et n'importe quoi jusqu'à créer des problématiques là où il n'y en a pas forcément, on a déjà ça 360 jours par an. Pourquoi ne pas nous laisser un peu ces 5 jours de paix et de défoulement innocent qui n'emmerdent personne hormis peut-être quelques cul-bénis pro-intégristes isolés ? Apparemment, c'est peut-être un peu trop demander... Enfin bon, qu'on se rassure, on pourra bientôt noyer son chagrin en jouant les piliers de comptoir au futur bar estampillé Hellfest à Paris, halleluyah !
Bon, trêve de cynisme et de second degré de mauvais goût, j'y ai quand même vécu de bons moments de live. Comme d'habitude, dira-t-on. Entre le bal des retraités tels Whitesnake, Def Leppard, ZZ Top, Kiss et surtout Lynyrd Skynyrd dont je pourrais me targuer d'avoir vu avant de les voir remplir les rubriques nécrologiques des années futures et quelques bonnes claques bien senties comme un Emperor tout simplement majestueux, il y avait de la bonne vibe et de l'émotion pour sûr. Sauf qu'on a passé le cap que cette fibre émotionnelle soit transmise pour son cadre global en plus de la performance elle-même : que j'aurais vu tout ça ailleurs, cela aurait été la même chose. Mais bon, à défaut que ce soit le Hellfest, devenu aujourd'hui limite « une marque » par-delà de l'événement, qui nous met plein d'étoiles dans les yeux, on pourra remercier les groupes de continuer de nous en distribuer par palettes. Qu'importe que ce soit par l'intermédiaire de jeunes loups pas connus pour deux sous, de la moyenne envergure plus ou moins référentielle dans sa chapelle ou des gros mastodontes. C'est qu'on est encore dans un moment où l'on peut avoir une affiche riche et diversifiée – quand bien même l'on commence à ressentir comme un petit calibrage – autant en profiter pendant que c'est encore le cas !
Journée du vendredi
Le 21 juin 2019, ce n'est plus spécialement une histoire de fête de la musique. Non, on dira plutôt qu'il s'agissait de la journée de la fragilité. Autant pour Manowar qui a jugé bon de prendre ses cliques et ses claques – non sans avoir laissé son stand de t-shirts à 50 boules pièce jusqu'au dernier moment – de bon matin. Une mauvaise nouvelle qui a eu tôt fait de se répandre comme une traînée de poudre dans chaque recoin du camping et n'a pas manqué de décevoir – euphémisme – les amateurs tout en provoquant de l'hilarité chez les autres. Seconde réaction qui finira par se révéler contagieuse au point que les « cuir-moustache » teutons représenteront le running gag de référence de ce Hellfest 2019, les plus au taquet se permettant même de personnaliser des t-shirts de doux sobriquets et autres touches d'humour aigres-douces quelques heures plus tard. Plus tard dans la journée, on apprendra que la tête d'affiche laissée vacante sera reprise par Sabaton qui avait joué la veille dans le cadre d'une Knotfest, les Suédois étant restés en terres clissonnaises afin de profiter de Manowar. Pas de chance pour eux, faute d'avoir pu voir leurs idoles, ils auront galéré à improviser un show en quelques heures, qui se devait d'être plus long que celui de la veille, sans forcément qu'ils n'aient l'intégralité de leur matos ou de temps de balance confortable. Une grosse course contre la montre où le combo découvrira avec stupeur dès le premier titre qu'ils ne pourraient pas compter sur leur vocaliste, quelque peu aphone suite à sa prestation (et possible cuite ?) de la veille. Fragilité, je vous disais hein...
Alors, certes, je place la charrue avant les bœufs en vous en parlant dès le premier paragraphe, pour la simple et bonne raison que je n'y ai pas assisté... Pour cause de fragilité, encore ! C'est qu'on savait que la dénommée « Modération » était une nana vraiment relou – même si notre lapinou aurait sans doute dû la rencontrer le lendemain au lieu de l'éviter farouchement – mais « Fragilité » se révèle être un vrai cancer. En effet, il s'est avéré que je me suis fait mettre définitivement hors-course en fin d'après-midi par une saloperie d'insolation. Voilà un peu les dures conséquences d'une édition à la météo jouant beaucoup moins sur la fournaise : on se dit que c'est cool, on se méfie moins, on prend moins de précautions et zou, ça te tombe dessus en traître.
Pourtant, c'est tôt et frais que je déboule sur devant l'Altar pour voir Freitot – je compte sur d'autres collègues/confrères afin d'usiter d'un jeu de mots plus inspiré. Dont le death old-school fort sympathique aura fait gentiment frétiller l'assistance qui ne demandait qu'à être mise en jambes. Mission réussie pour certains qui se seront tapés des petits tours en courant, notamment pour faire honneur au futur clip qui sera composé de vidéos prises par les uns et les autres durant cette prestation. Une assistance correctement garnie par ailleurs malgré l'heure ingrate, c'est qu'on sent que Arno Strobl (ex-Carnival In Coal), Etienne Sarthou (ex-Aqme) et Fabien Desgardins (Benighted) ont de la bouteille et du réseau sous la manche pour motiver les foules. Sans compter le répertoire, plus que recommandable, qui montrera l'ex-Aqme sous un jour totalement nouveau, ce qui fait bien plaisir à voir. Après, bien entendu, on pourra peut-être pinailler le côté un brin trop statique de la prestation, le père Strobl commençant à prendre de l'âge. Mais au moins, en impose-t-il encore en terme de charisme, à défaut que la carcasse puisse encore se permettre de jouer les pois sauteurs à tout bout de champs, d'autant plus qu'il doit enchaîner sur tout le reste du weekend ses obligations pour RockHard, ce qui n'est pas de tout repos non plus. Bref, un show réussi, sans chichi – le groupe ne mise que sur son propre répertoire et non du passif de ses différents protagonistes, une intention très louable – et bon enfant.
Beaucoup moins tranquille sera la prestation sur la même scène Sublime Cadaveric Decomposition. Parce que le death, c'est un truc de tapette par rapport au grind qui défouraille sévère. Et la curiosité est titillée par une absence totale de basse. C'est que les bougres ont pris au sérieux toutes les railleries qu'on pouvait faire sur l'inutilité et connerie des bassistes. Et étonnamment, l'absence tient extrêmement bien la route, la batterie sachant entretenir toute seule l'espace et l'intensité rythmiques sans qu'on ne ressente la moindre gêne. Parce que bon, au final, c'est vrai qu'ils ne servent à rien les bassistes hein... Bon, blague à part – on vous aime bien quand même, rassurez-vous – le trio a su assurer son show, honorablement rempli ce bien grand espace de scène pour un simple trio et il a envoyé sa patate comme il se devait. Avec du grind maîtrisé – en même temps, avec plus de 20 ans de carrière au compteur... – qui passe bien, qui sait lorgner sur le death et le punk afin de ne pas paraître trop répétitif, et qui a surtout su faire bouger l'assistance. Une demi-heure vite passée qui fait plaisir !
S'ensuit un petit moment creux où j'ai eu l'occasion notamment de voir une partie de Sonata Arctica à la première Mainstage. Bien que l'on se demande au démarrage si l'on n'était pas dans un prolongement du concert de BlackRain. Certes, voir les Finlandais tenait plus de la madeleine de Proust d'une époque adolescente où tu te devais d'en écouter vu que c'était de l'epicness en vogue et même si j'étais une très mauvaise suiveuse des tendances, j'aurais juré que Tony Kakko étais plutôt du genre brun ténébreux qui faisait chavirer les gotho-déprimées d'entre 16 et 18 printemps. A savoir, rien à voir avec ce blond décoloré au look glam auquel on a été confronté. Sans compter que la mise en son très approximative ne rendait pas honneur à ce répertoire power symphonique complètement passé de mode. Pour ne pas dire que ça sonne totalement kitsch et désuet en 2019. Une amie, plus que perplexe également, que j'ai croisé plus tard sur le site m'a également confirmé ce ressenti : « Eh bien, c'était ça Sonata Arctica ? J'avais pourtant souvenir de quelque chose de plus grandiose et épique. Putain, comment ça a bien désacralisé mon adolescence quand même... ».
On enchaîne avec Lofofora, histoire de sortir du domaine du pathétique. Qui ne jouira malheureusement pas d'un son mirobolant non plus. Sachant que les textes de Reuno s'avèrent importants, c'est quand même bien con de ne pas les comprendre, surtout qu'ils sont en français. Au point d'ailleurs qu'on a le plus grand mal à discerner quels titres exactement ont été joués, même pour ceux plus calés que moi sur le sujet. Ce qui est fort dommage car l'énergie est là. Sur scène – parce que bon, Reuno reste un excellent frontman, doté d'un charisme monstrueux – comme en fosse. C'est qu'il n'y a pas besoin de reconnaître le fond sonore pour pogoter et faire des circle-pits de toute manière avec les jeunes de maintenant, quand bien même ça met un peu le malaise lorsqu'on voit ça avec un peu plus de recul. Bwarf, au moins on-t-ils passé un bon moment tandis que ma petite trentaine fait que j'en ressors plutôt déçue. Ce qui ne retire en rien que Lofo reste un excellent groupe mais qu'il mérite d'être revu dans de meilleures conditions.
Moment de stupeur en passant devant la Temple. Outre le fait qu'il y ait un monde indécent, les écrans montrent d'étranges hurluberlus grimés en pseudo-costumes cheapos dignes des plus belles prises à Emaüs, avec tout plein de ballons et de bubulles. Bon, je l'avoue, je ne m'attendais pas forcément à quelque chose de très sérieux avec Trollfest mais certainement pas à un tel spectacle typé « Cage aux folles » du folk metal. Et malgré un son pas forcément au top niveau – à prendre avec des pincettes, j'étais très mal placée – l'ambiance a été là, délirante. La musique également, plaçant la barre du festif exubérant bien haute, le répertoire des Norvégiens s'avérant être sans doute le plus nawak des délires pagan/folk. Un concert qui aurait sans doute mérité une scène plus grande, histoire de ne pas trop se retrouver tassés comme des bêtes de foire. Quoique, d'un autre côté, c'était de circonstance.
L'heure est ensuite venue de jouer la journaliste de pacotille, le rendez-vous étant pris dans la fournaise du bâtiment presse afin de rencontrer une drôle de lapine burlesque qui nous aura kidnappé notre photographe pour aller slammer sur No One Is Innocent et le vocaliste de Daughters à l'humeur beaucoup plus joviale que ne laissait présager les restes de sa prestation, apparemment torturée et habitée, sur le front. Des moments plus calmes où le mal a commencé à se manifester et à progressivement s'intensifier jusqu'à abdiquer totalement peu avant le début de la prestation de violence planplan, selon les dires de Tookie, d'Impaled Nazarene. Non sans avoir tenté de tenir le coup sur une petite partie de Diamond Head et de Pestilence dont je n'ai pas retenu grand-chose, entre la migraine et deux gerbes. Bref, autant dire, il valait mieux que j'aille me reposer, histoire de me réveiller en sursaut en mode « Zut, j'ai loupé Manowar ! ». Con n'est-il pas ?
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